4.1.2 Le renforcement des
capacités des institutions locales
Le débat portant sur les capacités des
institutions locales et le transfert des ressources est complexe. Il nous fait
penser à l'équation de savoir, entre la poule et l'oeuf, lequel
est le premier. En effet, la question relative à la "faiblesse
institutionnelle" des collectivités locales est souvent
évoquée par le gouvernement central et les partenaires au
développement pour justifier certaines réticences notamment en
matière d'octroi de responsabilités importantes (pouvoir et
ressources financières). Mais est-ce la solution idéale ?
4.1.2.1 La réticence du gouvernement central à
favoriser le renforcement des capacités des institutions locales
La réticence du gouvernement contraste
avec l'option prise par le même gouvernement central de s'engager
dans la voie de la décentralisation avec un transfert théorique
des compétences à la base. L'on se demande, comment les
compétences transférées pourront-elles être
exercées de façon intégrale en l'absence de transfert de
ressources conséquentes ?
Le principe de base est que les autorités locales ne
pourront pas développer des capacités techniques réelles
en l'absence de transfert effectif d'autorité et de ressources. Le
processus de décentralisation est dangereusement ambivalent. Si ce
processus n'est pas géré avec soin et si les aptitudes
adéquates ne sont pas renforcées ou consolidées, les
vertus (de la décentralisation) peuvent se muer en leurs contraires,
c'est-à-dire, l'inefficacité se substituant à
l'efficacité recherchée, l'irresponsabilité au souci d'une
gestion mieux maîtrisée, la dépendance maintenue en lieu et
place de l'autonomie attendue, la centralisation et la rigidité faisant
place à la participation et à la flexibilité. Dans un tel
cas, la participation de tous les acteurs locaux sera rarement
satisfaisante.
De notre point de vue, le gouvernement central devrait
intégrer le renforcement des capacités des acteurs
institutionnels locaux comme un préalable à la réussite du
processus de décentralisation. Car, la loi a ouvert l'accès aux
fonctions de conseillers, de maire et de ses adjoints, aux citoyens de tous
niveaux d'instruction à condition de savoir simplement lire et
écrire le français (art. 38 de la loi N°97-029 du 15 janvier
1999 citée plus haut). Nulle part dans les textes de lois, il n'a
été précisé que les membres du conseil communal
devraient être de bons gestionnaires, des aménagistes, des experts
en développement local ou des ingénieurs en génie civil,
etc. Dès lors, pourquoi la pratique gouvernementale doit-elle
restreindre les champs que la loi a ouverts ?
Nous estimons que les organes démocratiques locaux dont
le rôle consiste à planifier, programmer, budgétiser,
mettre en oeuvre et suivre les différents aspects du
développement local, de l'aménagement, de l'habitat, des
infrastructures, de l'équipement, des transports, de l'environnement, de
l'éducation, de la santé, etc., ont besoin véritablement
d'être renforcés afin de pouvoir donner le meilleur attendu d'eux.
Ainsi, le meilleur cadre d'apprentissage pour ces acteurs
institutionnels locaux est l'action, la pratique avec un accompagnement
technique spécifique. De ce point de vue, le gouvernement central devra
résolument prendre l'option de transférer les ressources
concomitamment avec les compétences tout en mettant en place des gardes
fous pour prévenir les dérapages et les abus.
Au vu de ce qui précède, voici quelques
pistes en matière de dispositifs d'accompagnement technique.
1. Rendre disponible l'appui technique par la
formule des cabinets de formation et de conseils : le
gouvernement central peut (par région selon les cas) procéder
à un appel à candidature des cabinets de formation/conseils pour
renforcer les capacités des collectivités locales, sur la base
des besoins en renforcement énoncés par celles-ci. Le
gouvernement signera un contrat de prestation à durée
déterminée avec les cabinets retenus et à qui des
objectifs clairs seront définis. Ils seront évalués
annuellement aux résultats. La reconduction de leur contrat sera
fonction de leur performance et des nouveaux besoins des communes. Par exemple
dans le domaine de gestion des ressources financières,
d'élaboration des stratégies (de communication, de mobilisation
des ressources), de planification, etc., des formations modulées peuvent
être données aux agents des communes demandeuses d'une part, et
d'autre part un suivi leur sera fait dans l'action le long de l'année de
façon périodique.
2. Réorienter l'accompagnement technique
des PTF et des ONG internationales : au lieu que les ONG
et PTF interviennent directement dans l'action (en ignorant parfois l'existence
du conseil communal), il serait plus opportun dans ce nouveau contexte de
décentralisation qu'elles orientent leurs actions dans le renforcement
des capacités des organes institutionnels et des organisations locales.
Le gouvernement central peut instituer le dialogue avec les intervenants
externes dans ce sens. Car, c'est le gouvernement qui définit les
orientations et politiques nationales (le cas de la décentralisation par
exemple) et devrait pouvoir orienter les aides et les appuis des intervenants
externes dans le sens des options retenues. Par exemple, les ONG/PTF qui
interviennent dans le domaine de l'éducation, de la santé, de la
production, de l'aménagement, de l'environnement, etc., pourraient
signer des protocoles de partenariat avec les mairies de leurs zones
d'intervention et s'inscrire dans une logique d'accompagnement institutionnel
et organisationnel. Ceci contribuera à rendre effectif le rôle de
maîtrise d'ouvrage des communes et celui de maîtrise d'ouvrage
déléguée des associations locales.
A notre avis, il ne saurait y avoir aujourd'hui de
démarche efficace de renforcement des institutions locales, autre que
celle synergique et partenariale (mettre en commun les énergies pour
mieux affronter les contraintes). La contractualisation s'impose, elle permet
de répartir les tâches et les coûts. Elle doit être
bâtie autour d'objectifs précis, quantifiés quand cela est
possible, et systématiquement évalués.
Pour finir, il est nécessaire de rappeler que la
décentralisation rime avec la déconcentration. Ainsi, le
renforcement des capacités des institutions décentralisées
devra évoluer de pair avec celui des services déconcentrés
avec lesquels les communes devront collaborer.
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