I- Nature et sources des problèmes
Sans pouvoir énumérer ici de façon
exhaustive tous les problèmes rencontrés en matière de
gestion foncière à Glazoué et Dassa-Zoumé, nous
essayerons d'identifier et de présenter par catégories, les
principales difficultés rencontrées en la matière.
1.1 Les problèmes d'ordre administratif et
juridique
Ils sont très pernicieux et relèvent pour
l'essentiel de la caducité et de la non application des textes et lois
en vigueur. La plupart des textes et lois datent de l'époque coloniale
ou des années 1960. On est donc tenté de dire que leur abandon
est le résultat de leur vétusté. Mais force est de
constater que même les textes et lois pris récemment ne sont pas
respectés.
Il paraît évident que, si les dispositions
légales étaient respectées, on n'observerait pas
aujourd'hui de friches urbaines ni à Glazoué, ni à
Dassa-Zoumé.
Dans le même ordre d'idées, on peut
évoquer l'absence de rigueur et de rationalité dans
l'organisation et l'occupation de l'espace urbain. Car il n'est pas rare de
noter que des domaines qui étaient réservés à une
oeuvre d'utilité publique changent de statut sans que l'administration
locale ait la force et le courage nécessaires pour faire respecter la
loi. On peut citer comme exemple à Glazoué, l'espace du
marché qui est occupé presque à moitié par les
populations comme en témoigne la photo n°3.
Photo domaine marché Glazoué
occupé par population
Face à ces différentes situations, il n'est pas
exagéré d'affirmer qu'il existe un laisser-aller de la part des
autorités administratives dans la gestion de l'accès à la
terre dans les villes de Glazoué et Dassa-Zoumé. Or, la terre
étant l'une des ressources de base nécessaire à
l'extension et à la modernisation d'une ville, il est important voire
indispensable que son acquisition et son utilisation soient codifiées et
que les lois en la matière soient respectées. La question est
d'autant plus importante qu'un nombre de plus en plus croissant de personnes
souhaitent vivre en ville. Il faudra donc disposer d'espace non seulement pour
loger les habitants actuels et leur permettre de vaquer aux activités de
leur choix, mais aussi pour accueillir les futurs migrants. Pour y parvenir, il
est nécessaire d'adopter une politique claire et cohérente en
matière de gestion foncière et de rompre avec le sentimentalisme
ou la politique de `' nous sommes les mêmes''.
On ne saurait terminer cette partie sans évoquer les
cas d'expropriation sans dédommagement. En effet, l'expropriation est
une arme juridique dont l'Etat se sert pour retirer des terrains à leurs
propriétaires originels afin de réaliser des oeuvres
d'utilité publique : construction d'écoles, de dispensaires,
de centres de loisir,.... Cette mesure en elle-même n'est pas condamnable
car elle permet aux localités concernées de disposer des
infrastructures et équipements nécessaires à leur
fonctionnement. Mais là où le bât blesse, c'est quand
l'expropriation s'effectue sans dédommagement. Les propriétaires
de ces terrains se retrouvent souvent sans terre ; et comme celle-ci est
indispensable à leur épanouissement socio-économique, ils
sont parfois contraints à migrer vers d'autres localités.
A Glazoué comme à Dassa-Zoumé, plusieurs
cas d'expropriation sont demeurés sans dédommagement. On peut
citer comme exemples :
A Glazoué : L'école primaire centre, le
CEG, le marché, ...
A Dassa-Zoumé : L'hôpital de zone, le CEG 1,
le CPS....
Toutes ces infrastructures sont construites sur des terrains
expropriés sans que les propriétaires ne soient
dédommagés. Or, la terre a acquis une valeur marchande
considérable. On se demande donc si ces propriétaires
expropriés ne reviendront pas à la charge pour réclamer
leur dû, comme on le constate à Cotonou.
Une telle situation amène à penser, sans
exagération, que ces expropriations sans dédommagement
constituent des bombes à retardement.
Un autre problème tout aussi crucial est l'absence
d'outils adéquats de gestion foncière.
1.2 Les problèmes techniques
Nous désignons sous ce vocable, les problèmes
liés à l'absence de document d'urbanisme en particulier le
Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU). En effet,
aucune des deux villes étudiées ne dispose jusqu'à ce jour
d'un plan directeur. Les autorités naviguent à vue et font une
gestion quotidienne du foncier. Les opérations de lotissement qui
s'exécutent actuellement ne sont que le prolongement de celles qui ont
été réalisées à l'époque coloniale
(cas de Dassa-Zoumé) ou en 1982 (cas de Glazoué). Ceci à
pour conséquence, le non respect des phases classiques du lotissement
notamment celle de l'urbaniste. Il revient en fait à l'urbaniste
d'élaborer le plan de lotissement après le levé
topographique de l'espace à lotir. Le géomètre, en
principe, ne fait qu'appliquer le plan qui lui a été soumis par
l'urbaniste. Or, à Glazoué et Dassa-Zoumé, sous
prétexte du coût élevé de cette procédure,
les autorités administratives, à travers le comité de
lotissement, confient tous les travaux à un géomètre. Ce
dernier ne maîtrisant pas correctement les normes en matière
d'urbanisation, se contente de prolonger seulement les voies des anciens
lotissement et de prévoir quelques réserves administratives. Tout
ce passe tout comme si les différents quartiers de ces villes doivent
avoir le même plan.
A cela s'ajoutent les difficultés liées à
l'identification des propriétaires réels de toutes les parcelles
de la ville. Cette situation est due à la mauvaise tenue des livres
cadastraux. En outre, des erreurs d'attribution peuvent conduire parfois deux
(2) ou plusieurs personnes à se retrouvées sur la même
parcelle. Cette situation se rencontre souvent lors des phases de recasement
des présumés propriétaires dans les zones nouvellement
loties.
Ces différentes difficultés qui sont dues
à l'absence d'outils adéquats de gestion foncière
compromettent, sans doute, le développement harmonieux des villes.
De plus, certaines pratiques des populations sont source de
problèmes.
1.3 Les problèmes
socio-économiques
Nous présenterons ici les problèmes liés
aux modes d'acquisition des terrains d'une part, et d'autre part, les obstacles
d'ordre économique qui bloquent parfois les investissements fonciers.
Dans le premier cas, il s'agit soit d'héritiers qui ne parviennent pas
à s'entendre sur le mode de partage des terres de leur parent, soit
d'individus qui vendent des terrains qui ne leur appartiennent pas en
réalité, soit encore des dons de terrains qui sont remis en cause
par les descendants du donateur, soit enfin, des propriétaires qui ne
s'entendent pas sur les limites de leurs parcelles respectives.
Ces divers problèmes sont dus pour l'essentiel au
nombre de plus en plus croissant des demandeurs de terrains à
bâtir, à la valeur marchande désormais acquise par la terre
et surtout au manque de documents écrits pour attester les titres de
propriétés. En effet, nombreuses sont les
propriétés qui sont acquises sans preuves écrites comme en
témoigne le tableau suivant.
Tableau n°9 : Nombre de
propriétaires terriens détenteurs de documents écrits
à
Glazoué
Quartiers
Possession
de documents écrits
|
AYEDERO
|
AFFECIA
|
ZONGO
|
OROKOTO
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Oui
|
30
|
39,47
|
54
|
73,97
|
29
|
52,73
|
8
|
47,06
|
Non
|
46
|
60,53
|
19
|
26,03
|
26
|
47,27
|
9
|
52,94
|
Total
|
76
|
100
|
73
|
100
|
55
|
100
|
17
|
100
|
Tableau n°10 : Nombre de
propriétaires terriens détenteurs de documents écrits
à
Dassa-Zoumé
Quartiers
Possession
de documents écrits
|
AYEDERO
|
ISSALOU
|
AGBEGBE
|
LATIN
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Effectif
|
%
|
Oui
|
49
|
59,04
|
19
|
52,78
|
8
|
40,00
|
20
|
52,63
|
Non
|
34
|
40,96
|
17
|
47,22
|
12
|
60,00
|
18
|
47,37
|
Total
|
83
|
100
|
36
|
100
|
20
|
100
|
38
|
100
|
Ces tableaux mettent en exergue la relation entre le mode
d'acquisition de la terre et la détention de documents écrits. En
effet, dans la plupart des cas, l'héritage et la donation s'effectuent
sans aucune preuve écrite. Celle-ci est jugée inutile puisque ces
actes se posent entre « des gens qui se
connaissent » ; ils n'ont donc pas besoin de
« papiers » pour prouver leur bonne foi. En fait, cet
état de choses résulte de notre tradition exclusivement orale.
Par contre, dans les nouveaux quartiers, c'est l'achat qui est
le mode le plus important d'accès à la terre. Ce mode
d'accès à la terre ne se fait pas toujours entre des
« gens qui se connaissent ». Ceci justifie la pratique de
plus en plus répandue de la délivrance de documents
écrits.
Par ailleurs, les documents les plus délivrés
sont les conventions de vente. Rares sont les propriétaires qui
détiennent le permis d'habiter, encore moins le titre foncier. Or, ce
n'est que le titre foncier qui peut garantir efficacement la validité
d'une propriété. Son absence laisse penser à une situation
de précarité dans l'acquisition de la propriété
foncière.
Pour ce qui est des difficultés financières,
elles se retrouvent principalement à deux (2) niveaux. D'abord au niveau
des ménages où elles empêchent la mise en valeur des
terrains acquis. Ceci a pour conséquence l'existence de friches urbaines
dans les différentes villes. Au niveau des autorités locales, les
difficultés financières retardent parfois les opérations
de lotissement et celles de viabilisation des terrains lotis. En effet, le
comité de lotissement et d'urbanisation auquel échoient ces
opérations ne dispose d'aucune source de financement autre que les
recettes issues de la cession des terrains lotis. Or, du fait du faible niveau
des revenus, les acquéreurs ne se pressent pas pour régler leurs
créances. Les recettes viennent donc au compte-gouttes dans la caisse du
comité ; ce qui n'est pas de nature à favoriser le bon
déroulement desdites opérations.
Au total, la gestion du foncier est aujourd'hui
confrontée à un certain nombre de problèmes dont la
résolution contribuerait pour beaucoup à la modernisation des
villes de Glazoué et Dassa-Zoumé. Cette réalité est
bien perçue par les autorités locales, car elles ont pris des
mesures pour faire face audits problèmes.
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