Règlement pacifique des différends internationaux( Télécharger le fichier original )par Jaouad BENABDALLAH Université Mohamed 1er Oujda - DESA en droit international/Relations internationales 2007 |
Université Med 1er Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales Oujda LE REGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFERENDS INTERNATIONAUX SOMMAIRE INTRODUCTION PARTIE I Procédures de règlement extérieur aux Organisations Internationales Chapitre I - Les procédures diplomatiques Section I - La négociation A. Notion et caractéristiques de la négociationC. Techniques de la négociation B. Avantages et inconvénients de la négociationSection II - Les bons offices et la médiation B. Caractéristiques des deux procédures A. Notion Chapitre II- Les procédures instituées Section I - L'enquête et la conciliation B. La conciliation A. L'enquête internationale Section II- L'arbitrage international A. Notion et histoire de l'arbitrage B. Avantages et inconvénients de l'arbitrage C. Base juridique de l'Arbitrage E. La portée juridique de la sentence arbitrale PARTIE II Procédures de règlement dans le cadre d'une Organisation Internationale Chapitre I - Le système onusien et régional de
règlement pacifique des différends internationaux Section I - Le système onusien A. Les mécanismes de la Charte B. La pratique des Nations Unies C. Limites à la compétence des Nations Unies Section II - Les mécanismes régionaux A. Les principes de la Charte B. Les différents mécanismes régionaux Chapitre II- Le règlement judiciaire Section I - La Cour Internationale de Justice A. Origines de la Cour B. Organisation de la Cour C. Compétences de la Cour D. Règles applicables par la Cour E. Procédure devant la Cour Section II - Tribunal international de droit de la mer CONCLUSION Liste des abréviations AG : Assemblée Générale UA : Union Africaine CIJ : Cour Internationale de Justice SDN : Société Des Nations OUA : Organisation de l'Unité Africaine OEA : Organisation des Etats Américains UEO : Union de l'Europe Occidentale ONU : Organisation des Nations Unies OMC : Organisation Mondiale du Commerce ONG : Organisation Non Gouvernemental CSCE : Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe OSCE : Organisation sur la Sécurité et la Coopération en Europe TIDM : Tribunal International de Droit de la Mer ANAD : Accord de Non-agression et d'Assistance en matière de Défense CDEAO : Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest CNUDCI : Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International MONUIK : Mission d'Observation des Nations Unies pour l'Irak et le Koweït MOT DE L'AUTEUR Le Maroc, notre si chère patrie. Le pays de nos parents et de nos enfants, dans notre passé et de notre présent ; nous l'aimons tous, nous l'aimons tant. Il est notre foyer notre maison et, il est à nous de le reconstruire de nouveau, de lui apporter du renouveau, de ne pas lui tourner le dos ; chacun selon ses capacités, chacun dans ses spécialités ; nul n'est censé ignorer son rôle, nul n'est à l'abri de ce qui pourrait lui arriver si l'abstentionnisme et le je-m'en-foutisme nous gagnent. Le Maroc ne nous donnera que ce que nous pourront tous lui donner. Partant de cette conviction, j'endosse et j'assume pleinement mes responsabilités en tant que citoyen marocain dans l'édification de notre devenir, et j'apporte par cette contribution, quoique mince, une brique à cet édifice qui est le Maroc de demain. J. BENABDALLAH. INTRODUCTION NOUS, PEUPLES DES NATIONS UNIES, RÉSOLUS à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances... à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales ; à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun...1(*) Tel est l'objectif principal des Nations Unies, préserver l'humanité du fléau de la guerre. De la guerre En effet, depuis que le monde est monde, la guerre a toujours existé ; elle accompagne l'humanité dans son évolution comme un phénomène banal, parfois nécessaire, estime-t-on. L'être humain est parmi les rares créatures capables de tuer son semblable, parfois de sang froid, cruellement. L'homme, animal prétentieux, intelligent et pensant, n'arrive toujours pas à comprendre que tuer son semblable est un acte de pure absurdité. N'arrive-t-il pas ou y-t-il des lois de l'évolution humaine qui font force de fait ? La guerre n'est-elle pas une activité humaine au même titre que la production, l'art, le commerce... ? En effet, depuis que le monde est monde, la guerre a toujours existé, dit-on !!! Comment ose-t-on alors vouloir vire dans un monde sans guerre ?!! N'est-ce pas là une utopie ? Non, c'est désormais un droit, diront les pacifistes. Parmi les nombreuses contradictions dans lesquelles baigne l'espèce humaine, celle relative à son comportement vis-à-vis de la guerre est particulièrement misérable. D'un côté, toute personne de raison hors celles se trouvant dans un état pathologique dira que la guerre est mauvaise, que c'est une pratique inhumaine et cruelle ; et quand elle s'y trouve, elle fera toutes les prières du monde pour que ça s'arrête. D'un autre côté, lorsque elle est loin des théâtres des massacres ou qu'elle est du camp le plus puissant, la guerre ne lui fera ni chaud ni froid, sinon une fierté gonflée et une joie immense !!! Hitler aurait probablement versé des larmes quand il eut apprit que les cadavres de ses soldats jonchent les rues de Leningrad, alors que les séquelles des ses horreurs hantent toujours l'homme du 21ème siècle. La guerre est un acte mauvais, cruel, inhumain... dit-on, pourtant on le fait, parfois avec de rituels dignes des plus heureuses des faites. Peur d'entrer dans un débat philosophique qui nous dépasse largement ; peur aussi de ne pouvoir y sortir alors que notre sujet est de droit, nous revenons au juriste profane que nous sommes. Dans les règles que les nations "civilisées" ont pu concevoir, nous allons dénicher celles qui ont pour but d'éviter, tant bien que mal, le phénomène de la guerre. Dans les relations internationales, la guerre a toujours été considérée comme un acte de souveraineté ou encore, comme une manifestation de celle-ci. On faisait appel aux armes pour le recouvrement des dettes, pour conquérir des territoires, au nom d'une mission civilisatrice ou encore, et tout simplement, au non de Dieu. Aucune restriction juridique n'était de nature à entraver une entreprise guerrière qu'allait se livrer un souverain, exceptées quelques règles de forme nullement contraignantes (déclaration de guerre par exemple). Lorsqu'un différend surgissait entre nations alors qu'on disposait de moyens guerriers, on faisait d'abord parler les armes puis les hommes politiques. La guerre était le réflexe premier du prince ; elle était souvent le seul moyen pour faire la politique, avant de devenir, comme disait Clausewitz, la continuation de la politique par d'autres moyens. Devenir le prolongement de la politique ne signifiait pas une relégation de la guerre au second plan de l'action du prince ; il signifiait seulement ce petit perfectionnement dans les rapports internationaux qui consiste pour les souverains de dissimuler initialement leur réflexe guerrier. La guerre restait présente en filigrane dans l'action diplomatique des hommes politiques ; elle l'est malheureusement toujours. Vers une restriction de la pratique guerrière Avant de faire l'objet de restrictions juridiques, la guerre a été d'abord abordée d'un point de vue moral et/ou religieux. C'est ainsi que l'on est arrivé à distinguer la "guerre juste" et la "guerre injuste", avec bien entendu et comme le laisse comprendre son expression, l'injustice de la dernière. Mais, ces deux points de vue sont d'une élasticité qui permettait facilement à tout prince de faire de sa guerre une juste cause. L'homme n'est-il pas intelligent ? Après la première guerre mondiale, ébahis par le désastre auquel cette dernière a conduit, quelques esprits encore sous le choc pensèrent alors à l'institution d'une organisation internationale pour que cela ne se reproduise jamais ; la Société Des Nations vit alors le jour, dont le Pacte limite pour la 1ère fois dans l'histoire des relations internationales le recours à la force. Dans une étape ultérieure, le Pacte de Briand-Kellog du 27 août 1928 met la guerre hors la loi ; les signataires ont procédé à une renonciation à la guerre comme instrument de politique nationale afin que la situation pacifique d'après-guerre puisse être perpétuée. Aussi franche que puisse paraître cette renonciation, aussi nobles les intentions de ses instigateurs, malgré l'existence de la SDN censée préserver la paix, la deuxième guerre mondiale n'a pu être évitée. Ce fut un échec total pour ceux qui croyaient en la seule force contraignante de la règle de droit. Interdiction de la guerre Lorsque les généraux des forces alliées menaient leurs dernières offensives, les politiciens et les juristes pensaient déjà au monde d'après-guerre. Ils vont récidiver cette fois-ci avec une nouvelle organisation internationale (ONU), dont la charte est le premier instrument juridique universelle ayant clairement interdit le recours à la force (art 2§4). Cette interdiction a été réitérée ultérieurement dans plusieurs résolutions de l'Assemblée Générale des Nations Unies2(*). Toutefois, la charte admet deux exceptions à ce principe : la légitime défense - individuelle ou collective - et les actions coercitives décidées par le Conseil de Sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La guerre des désormais interdite, mais pas toute la guerre ; tel est l'esprit de la Charte : on peut parfois faire la guerre pour faire cesser la guerre. N'est-ce pas un là un retour aux notions de "guerre juste" et "guerre injuste" ? La reconnaissance aux peuples sous colonisation leurs guerres de libération ne sera sûrement pas la bonne réponse. Mais comment alors combattre l'injustice ? Un vrai dilemme pour un partisan de la paix. Tout en interdisant la guerre, les rédacteurs de la Charte savaient qu'elle sera violée ; ils ont donc prévu de punir l'acteur par une action militaire collective pour l'amener à la raison, et surtout pour dissuader quiconque pensera à faire usage de la force armée dans les relations internationales. Tel est l'esprit de la Charte, la guerre est interdite et permise. Règlement pacifique des différends internationaux Juste avant le quatrième paragraphe de l'art.2 de la Charte interdisant le recours à la force armée dans les relations internationales, le troisième paragraphe du même article appelle les Membres de l'Organisation [à] règl[er] leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. L'un des buts majeurs des Nations Unies est justement l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix (art.1§1). Tout en leur interdisant le recours à la force dans leurs rapports internationaux, la Charte montre aux Etats le moyen alternatif par lequel leurs différends éventuels devraient être régler : que par des moyens pacifiques. Ce principe est le corollaire logique de l'interdiction du recours à la force ; c'est un principe de base régissant les relations internationales et limitant la souveraineté des Etats3(*). Nous nous trouvons de nouveau devant l'idée de l'abdication d'une partie de la souveraineté pour le bien être de l'humanité ; ça nous rappelle la théorie Hobbesienne de la souveraineté, mais moins rigide cette fois-ci et dans un cadre beaucoup plus large: renonciation à une seule petite partie de souveraineté et dans un cadre mondial. Aussi révolutionnaire que puisse paraître ce devoir qu'incombe désormais aux Etats de régler leurs différends par des moyens pacifiques, il n'en reste pas moins qu'il est l'aboutissement de pratiques non totalement inconnues aux chefs des tribus primitifs, aux Rois-Dieux, aux Empereurs, aux Papes, aux Khalifes... c'est déformer l'histoire que de laisser comprendre que les rapports des groupes humains avant notre ère n'étaient que guerre. Le mérite revient cependant à l'obligation onusienne par sa nature collective et sa force de droit. Révolution ? L'évolution de la "société internationale" oblige. En effet, le degré du savoir de destruction auquel est parvenu l'humanité n'augure rien de bon pour son existence, le règlement pacifique des différends internationaux s'est mué donc en une nécessité existentielle. D'où une gradation de fait de l'interdiction du recours à la force et partant, une gradation de fait de l'obligation de recourir aux moyens pacifiques de règlement des différends. Lorsqu'un différend éclate entre deux ou plusieurs puissances disposant de l'arme ultime, le règlement pacifique s'impose par la force des choses ; lorsque cet équilibre est absent ou que les parties au différend se trouvent faiblement armées, le recours aux moyens pacifiques est obligatoire en vertu d'une règle de droit, sauf que celle-ci est souvent violée. Des guerres de basse intensité, dit-on, maintiennent toujours en marche une industrie guerrière de plus en plus prospère. Les moyens de règlement pacifique des différends internationaux L'art 33 de la charte de l'ONU énonce les procédures auxquelles doivent recourir les Etats pour régler pacifiquement leurs différends. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales [...] se trouvent ainsi dans l'obligation de [...] rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix. La déclaration de Manille du 15 février 1982 sur le règlement des différends internationaux y ajoute les bons offices, tranche définitivement la question de la hiérarchie entre les différents procédés et consacre le libre choix des partie concernées (art. 1§3)4(*). Les Etats du monde actuel disposent donc d'un large éventail de choix de procédures qui s'offrent à eux ; un arsenal de moyens non militaires de règlement des différends internationaux qui peuvent être adaptés à toutes les situations litigieuses. Aussi, les Etats sont libres de choisir parmi ceux qui concourent le mieux à la résolution de leurs désaccords ; aucune règle de droit international ne leur impose de recourir à une procédure déterminée si telle n'est pas leur volonté précédemment exprimée dans un engagement juridique. Entre les différentes procédures qui s'offrent donc aux Etats, il n y a pas de hiérarchie. Nous pouvons - comme le font d'ailleurs la plupart des auteurs de droit international - distinguer deux manières pour procéder au règlement pacifique des différends internationaux : soit on le fait en dehors d'une organisation internationale (Partie I) ; soit dans la cadre d'une organisation internationale (Partie II). Nous pouvons aussi procéder à une sous division selon qu'il s'agit de procédures diplomatiques (Chapitre I) ou instituées (Chapitre II) pour la première manière ; ou de règlement dans un cadre international (l'ONU) ou régional d'une part (Chapitre I), ou de règlement judiciaire (Chapitre II) d'autre part, pour la seconde manière. PARTIE I Procédures de règlement extérieur aux Organisations Internationales Lorsqu'un différend surgit entre deux ou plusieurs Etats, il suscite presque toujours une phase de consultations/discussions préalable à tout recours à une tierce partie (qu'elle soit une organisation internationale ou une personnalité politique imminente) ; ce premier contact est très important dans la mesure où il en dépend l'évolution future du différend. Si celui-ci est endiguée par la négociation directe, la paix et la sécurité internationales s'en sortent ainsi intactes ; si les négociations échouent entre les parties, d'autres procédés s'offrent à elles pour essayer toujours de trouver un terrain d'entente et épargner ainsi la paix. Autres la négociation directe comme moyen de régler pacifiquement les différends, les parties peuvent toujours faire prévaloir la voie diplomatique mais avec le concours cette fois-ci d'une tierce parties (Etat ou personnalité politique imminente) : il s'agit des bons offices et de la médiation. Elles peuvent au reste instituer une instance tierce, dont le caractère d'impartialité est supposé certain, dans l'objectif soit d'établir les faits exacts qui ont conduit à la naissance du différend (enquête), soit pour les aider à le résoudre avec une proposition de règlement dépourvue de tout caractère obligatoire (conciliation) ou obligeant les parties à s'y conformer (arbitrage). Ces procédures diplomatiques et instituées se déroulent en dehors des accords et groupements internationaux ou régionaux ; ils responsabilisent directement les parties de la préservation de la paix et de la sécurité internationales et respectent en cela la souveraineté des Etats. Chapitre I - Les procédures diplomatiques Ces procédures sont fort anciennes et sont utilisées surtout pour des conflits mineurs ou trop importants pour justifier ou permettre l'intervention d'une organisation internationale. Elles tendent à un rapprochement des points de vues opposés des protagonistes jusqu'à l'acceptation d'une solution commune. Elles peuvent être utilisées pour tous les litiges qu'ils soient de nature juridique ou politique et permettent de faire appel à tous les arguments de fait ou de droit. Ces procédures font parfois intervenir un tiers5(*). Sera donc traité respectivement dans ce chapitre la négociation (section I), les bons offices et la médiation (section II). Section I - La négociation Elle est à cerner d'abord par la portée de sa notion et ses caractéristiques (A), par ses points forts et ses faiblesses ensuite (B), par les techniques utilisées pour la mener à bien en enfin (C).
* 1 Préambule de la Charte de l'ONU.
* 2 Rés. 2625 de 1970 sur les relations amicales entre les Etats ; Rés. 3314 de 1974 sur la définition de l'agression ; Rés. 39/11 de 1984 : la déclaration sur le droit des peuples à la paix ; Rés. 42/28 de 1987 : la déclaration sur le renforcement de l'efficacité du principe de non recours à la force. * 3 El Arbi Mrabet, Relations internationales, gaëtan morin éditeur maghreb, 1997, p. 108. * 4 Déclaration de Manille de 15 février 1982 sur le règlement des différends internationaux. * 5 David Ruzié, Droit international public, Dalloz, 14e édition, 1999, p.161. |
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