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La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples: le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

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par Providence NGOY Walupakah
Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit/ Option: droit public 2007
  

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Université Catholique de Bukavu

La Cour Africaine des droits de l'Homme et des Peuples : Le problème du contrôle juridictionnel des droits de l'homme en Afrique.

Par Maître Providence NGOY Walupakah

18 Octobre 2008

Bukavu_RD Congo

Email : ngoyproviwal@yahoo.fr

INTRODUCTION GENERALE

I. PROBLEMATIQUE

Si les sujets de droit avaient une conscience précise de leur droit et de ses limites et s'ils avaient la prudence de ne point les dépasser, la justice étant volontairement respectée, il n'y aurait point de place pour des juges dans la société (1(*)). Les droits de toute personne ne seraient pas violés et les règles régissant la société internationale en matière des prérogatives de l'individu seraient observées.

Or, il n'y a pas eu dans l'histoire de l'humanité une époque où les droits de l'homme ont été débattus et remis en cause avec autant d'insistance, de passion et de violence même, que la nôtre (2(*)). L'on notera au passage, le grand acharnement de la communauté internationale en faveur de la protection des droits de l'Homme. Ainsi, elle ne cessera de rappeler à l'endroit des Etats du monde que le respect des droits de l'homme a une valeur universelle. D'ailleurs, l'Institut de Droit International, par une résolution adoptée le 3 Septembre 1989, a déclaré que « .... L'obligation de respecter les droits de l'Homme incombe à tout Etat vis - à - vis de la communauté internationale dans son ensemble et tout Etat a un intérêt juridique à la protection des droits de l'homme... ». En consacrant l'obligation de respecter les droits de l'Homme comme «  obligation erga omnes », cette résolution précise, entre autre, que chaque Etat peut invoquer les violations des droits de l'homme commises par un autre Etat et appliquer à son encontre des mesures non militaires proportionnées à la gravité des violations (article 5 de la résolution).(3(*))

En effet pour rendre la protection des droits de la personne humaine réelle et effective, plusieurs systèmes ont été mis sur pied. D'abord, des mécanismes non juridictionnels ont vu le jour tels la Commission européenne des droits de l'homme, le Comité des Droits de l'homme des Nations Unies. Il convient toutefois de rappeler que « les techniques non juridictionnelles utilisées dans le cadre des instruments universels des droits de l'homme sont de caractère non contraignant et, n'aboutissant jamais à des décisions obligatoires en droit, restent respectueuses des souverainetés étatiques. (4(*))

Une majorité des mécanismes de contrôle des droits de l'homme ont été mis en oeuvre dans le cadre des Nations Unies à l'instar de la Commission européenne et celle interaméricaine. Dans cet élan de contrôle, l'Afrique n'a pas été en reste. Elle s'est dotée également en juin 1981, grâce aux vertus conjuguées des articles 30 et 45 de la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples, d'un organe de contrôle non juridictionnel des droits de l'homme dénommé Commission Africaine des droits de l'homme et des Peuples chargée de promouvoir des droits de l'homme et des Peuples et d'assurer leur protection en Afrique.

Par ailleurs, le contrôle non juridictionnel s'est révélé peu protecteur des droits de l'homme en raison de ses décisions de caractère non contraignant. D'ailleurs, en ce qui concerne la Commission Africaine, une partie de la doctrine a estimé qu'elle ne pouvait en tant qu'organe non juridictionnel, à elle seule, réaliser l'effectivité des droits de l'Homme sur le continent africain (5(*)). Il fallait alors renforcer la poursuite de la recherche de l'effectivité desdits droits par la mise en place d'un contrôle plus rassurant et assez rigoureux à savoir celui juridictionnel.

Notons en passant qu'en tant que tel, le contrôle juridictionnel des droits de l'homme reste peu répandu en tant que système universel de protection et de garantie des droits de la personne humaine. Pourtant, bien que répandu, le contrôle juridictionnel donne lieu à des décisions rendues en droit et dotées d'une force juridique obligatoire. Il offre une garantie effective des droits de l'homme et donne tout son sens au droit d'action individuelle qui fonde le droit international des droits de l'homme. La singularité de ce contrôle réside dans le fait que cette protection des droits de l'homme suppose qu'un organe de jugement (en l'occurrence une Cour) statue sur un cas d'espèce de transgression des règles des droits de l'homme par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée. (6(*))

Aujourd'hui, à l'instar des modèles européen (la Cour Européenne des Droits de l'Homme) et américain (la Cour Interaméricaine des Droits de l'homme) de contrôle juridictionnel pour l'application de leurs dispositions conventionnelles respectives, l'Afrique a bien voulu aussi dire son mot : la Cour Africaine des Droits de l'homme et des peuples a été créée. Au vrai, la date du 08 juin 1998 a été très significative pour l'adoption, par la conférence des Chefs d'Etats et des gouvernements de l'Organisation de l'Unité Africaine, du « Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples portant création d'une Cour Africaine des Droits de l'homme et des peuples » (7(*)).

En effet, l'entrée en vigueur du Protocole à la Charte portant création de la Cour, la volonté affichée par les Etats Africains, mieux certains d'entre eux, à être Parties au Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale, la création d'un Tribunal Pénal International pour le Rwanda siégeant en Tanzanie à Arusha et compétent pour juger les coupables des crimes de génocide au Rwanda, attestent sans conteste de l'intérêt du contexte pour la protection des droits et libertés individuelles et collectives sur le continent africain.

Si l'on admet que le volontarisme des Etats et le respect des souverainetés étatiques ont été un frein pour la protection des droits et libertés individuelles en ce qui était du contrôle non juridictionnel assuré par la Commission Africaine, l'on reconnaît par ailleurs une insuffisance remarquable du nombre de ratifications et une quasi-inexistence de déclarations d'acceptation de compétence de la Cour Africaine en ce qui concerne le jus standi(8(*)) pour les recours individuels.

Pour s'en convaincre, sur la cinquantaine d'Etats africains, seuls vingt - deux sont parties au Protocole et sur les vingt - deux, seuls quatre Etats, à savoir le Burkina-Faso, la Gambie, le Mali et le Sénégal ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des individus ou des ONGs, la Cour ne pouvant pas recevoir des requêtes individuelles intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration.

Il convient de relever que la nécessité de la création d'une Cour Africaine, ressentie par les Chefs d'Etats et des gouvernements de l'OUA, se justifiait par un seul souci : compléter et renforcer la mission de protection des droits de l'homme sur le continent dévolue à la Commission. (Article 3 du Protocole à la Charte portant création de la Cour)

Et contrairement à la mission des Cours européenne et interaméricaine qui n'assurent que la protection des droits contenus dans leurs dispositions conventionnelles respectives, la Cour Africaine a une compétence plus large. En effet, au pied de l'article 3 du Protocole relatif à la Charte portant création de la Cour, la Cour a compétence : « 1. pour connaître de toutes les affaires et de tous les différents dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés.

2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».

L'avantage des techniques juridictionnelles de protection des droits de l'homme est qu'elles donnent lieu à des décisions rendues en droit et dotées d'une force juridiquement obligatoire (9(*)).

Or, l'article 30 du Protocole sous examen dispose : « Les Etats parties au présent Protocole s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour »

Cependant, en l'absence d'une « police régionale », l'article 29(2) du même Protocole confie au Conseil des ministres de l'Union Africaine, organe politique qui est, au terme de l'article 13 (2)de l'Acte Constitutif de l'U.A., responsable devant la conférence , chargé du suivi de l'exécution des arrêts de la Cour.

Alors, à l'aune de toutes ces considérations et notant le scepticisme qui persiste encore sur la réelle exécution des arrêts de la Cour ou encore qui entoure l'accès direct des individus à la Cour, la question de la véritable mission de la Cour Africaine des droits de l'homme et des peuples et celle de son effectivité réelle posent plusieurs interrogations.

Tout d'abord, il convient de dire que l'initiative de création de cette Cour est louable.

Mais l'enjeu de protection des droits de l'homme en Afrique par la Cour étant de taille, la crainte demeure de savoir si les géniteurs de cet organe seront souples à se soumettre à la volonté décisionnelle de celui qui, hier, a été l'oeuvre de leur génie propre et admirable intellect.

Tous ces développements qui précèdent soulèvent les questions suivantes :

- la Cour Africaine ayant été créée, comment fonctionnera- t- elle tant sur la plan de la saisine que du déroulement ment du procès ? 

- Au regard des particularités de l'Afrique et de la mission même de la Cour, quelle est sa structure par rapport à celle de ses homologues européenne et américaine ?

Enfin, y aurait-il des obstacles prévisibles à l'efficacité du contrôle juridictionnel (de type régional) des droits de l'homme en Afrique ?

En réalité, c'est à ces questions que le présent travail se propose de répondre, et eu égard à ces interrogations, quelques hypothèses sont envisageables.

* 1 Antoine RUBBENS, Le Droit judiciaire zaïrois, Tome II, P.U.Z, Kinshasa, 1978, p. 9

* 2 Ali KADOGO, Le système africain de protection des droits de l'homme: Pratiques et procédures, Mémoire, Fac. Droit UNIKIN, 2004 - 2005. p. 1.

* 3 Ch. Sidi Mohamed OULD CHENA, La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : un processus de longue haleine, www. Google.fr /Search, (accédé le 17 janvier 2008) s.l, s.d.

* 4 Frédéric SUDRE, Droit Européen et International des droits de l'homme, 6ème édition confondue, P.U.F, Paris 2003, p. 591.

* 5 Moïse CIFENDE KACIKO, « Les conditions de recevabilité des communications individuelles devant la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : portée jurisprudentielle », in Revue de Droit International et de Droit Comparé, Bruylant, Bruxelles, 2004, p.267.

* 6 Ch. Sidi Mohamed OULD CHENA, Op. Cit.

* 7 Centre for Human Rights, Sélection de documents-clé de l'Union Africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria University Law Press (PULP), Pretoria, 2008, p.33

* 8 Jus standi : droit d'accès direct reconnu aux individus devant la Cour européenne des droits de l'homme , Discours de Antonio Augusto Cançado Trindade, Audience solennelle de la Cour européenne des droits de l'homme, Ouverture de l'année judiciaire, 22 janvier 2004, www . Echr. coe. Int/ FR, accédé le 17 janvier 2008

* 9 Frédéric SUDRE, Op.Cit., p. 491

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault