Conclusion
Ce mémoire est une étude de la filiation
naturelle en Haïti. Nous nous sommes évertuée à
présenter le phénomène de l'enfant naturel sur le double
plan sociologique et juridique en France et en Haïti. Nous avons
montré la perception sociale et l'ampleur du phénomène en
Haïti pendant la dernière décennie.
Tout au long de la démarche, nous avons posé
la problématique de la filiation naturelle comme un grand
problème social. La société haïtienne a subi des
transformations auxquelles auraient dû s'adapter les mentalités
haïtiennes. En effet, certains gouvernements comme celui de Dessalines et
de Pétion ont plus ou moins corrigé la situation des enfants
naturels à partir des lois qu'ils ont créées
respectivement en 1805 et en 1813. Il faut mentionner toutefois les travaux
réalisés sous Boyer qui, dans leur portée peuvent
être considérés comme contraire à l'avancement de la
cause des enfants naturels. Vers les années 1900, les gouvernements de
Lescot et de Duvalier ont apporté une amélioration tardive et
incomplète de la situation de ces enfants.
Nous avons essayé de faire une critique de la situation
sociale et juridique des enfants naturels en Haïti. La filiation naturelle
ainsi que les enfants qui en sont issus, comme nous l'avons constaté
tout au cours de notre analyse, sont marginalisés, et doublement
victimes de discriminations sociales, de négligences et faiblesses de
l'appareil judiciaire. Nous avons étayé notre démarche sur
une étude comparative de la législation haïtienne en
matière de filiation naturelle avec les législations
française, espagnole, belge, danoise.
D'après notre observation, la législation au
niveau de ces pays a du subir des modifications le plus souvent assez profondes
pour s'adapter à la volonté et à l'évolution des
moeurs. Ce qui fait que les dispositions légales ont toujours servi
à la cause de la société et suivant l'aspiration et la
conception des hommes de lois des différentes périodes
historiques. Nous en prenons pour preuve les lois en vigueur à
l'époque dans ces différents pays. La lecture de ces lois permet
d'observer qu'elles reflétaient les opinions et la conscience des
sociétés de l'époque.
Ces législations ont été
repensées en fonction de la place que les enfants naturels y occupent.
Ce qui fait la valeur de ces législations étrangères est
qu'elles ont toujours été adaptées avec le temps et
suivant la mouvance sociale et surtout toujours en harmonie avec
l'évolution de leur société. Le législateur
haïtien de son coté, d'après ce qu'il nous a
été donné d'observer, se laisse toujours mené par
les événements. Ce qui engendre une situation incommode aux
enfants incestueux et adultérins auxquels il finit par ne pas
reconnaître le droit à la légitimation, à la
reconnaissance, à la succession.
Il s'agit pour nous de tenter d'apporter, dans le cadre de
notre travail, des pistes de solutions à ces problèmes
épineux et graves qui s'imposent a la justice haïtienne actuelle. A
notre sens, consciente de l'importance du problème, nous avons dans le
dernier chapitre du travail, proposé des suggestions qui pourront servir
de base à toute volonté d'améliorer la situation de
l'enfant naturel en Haïti. Il faut donc, des mesures sociologiques et
légales, urgentes et rationnelles pour régler les questions de
fait et les situations dérivées de cette filiation.
Nous avons proposé une nouvelle perception sociale
et un nouveau statut juridique de la filiation naturelle en Haïti. Ce qui
permettrait à l'enfant naturel de connaître des jours moins
assombris de tristesse et d'angoisse.
Les parents doivent être rendus responsables de
l'avenir de leurs enfants qu'ils soient issus de leurs oeuvres naturelles ou
légitimes. Cette responsabilité ne se limite pas seulement aux
seuls actes domestiques mais s'étend également aux domaines
social et juridique.
Ceux qui défendent la famille, ses valeurs, son
rôle dans la société comme les organismes de droits
humains, la presse, les associations féministes, les juristes, doivent
faire entendre leur voix partout où l'on décide de l'avenir des
enfants. Il s'agirait là d'un service rendu à la nation
haïtienne et à l'humanité toute entière. Ce travail
devra profiter tant à soi-même qu'aux générations
futures.
La convention relative aux droits de l'enfant
représente, de ce point de vue un instrument précieux de
référence. Nous sommes convaincue que par leur engagement,
l'enfant naturel arrivera à trouver sa place dans la
société. L'amélioration des conditions de vie des enfants
naturels leur permettra d'accéder à une vie plus ou moins
décente aux yeux de la société.
Dans le but d'harmoniser l'ordre social et de garantir le
droit de tout individu, l'Etat doit remplir ses devoirs constitutionnels qui
sont la protection de la maternité, de l'enfance et de la famille. Dans
le cadre d'une politique de justice sociale, il doit mettre tout en oeuvre pour
réhabiliter la filiation naturelle et garantir une vie sociale propre
à contribuer à l'épanouissement de ces enfants aussi bien
dans leur vie d'enfant que dans leur vie d'adulte. C'est le seul moyen qui,
selon notre analyse, pourra garantir la possibilité d'avoir un citoyen
honnête, paisible... et disposé à travailler valablement au
développement de son pays.
Pour cela, il y a toute une série de dispositions et
d'attitudes qui doivent être adoptées par l'Etat haïtien. Il
faut harmoniser et adapter la législation du pays aux exigences du
moment et au nouvel ordre mondial qui se veut garant du respect des droits de
l'homme.
Une intervention pareille sera certainement efficace; mais
pour être efficiente, ne devrait-on pas en envisager d'autres aussi
pertinentes sur les plans environnemental et économique ?
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