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Le rôle de l'Eglise dans le processus de démocratisation en République Démocratique du Congo (1990-2006) Nécessité et Perspectives

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par Jimmy MUNGALA FETA
Abomey-Calavi/ Chaire Unesco pour les droits de la personne et de la démocratie - Diplôme d'Etudes Appronfondies (DEA) 2009
  

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Section 2. Une présence rayonnante et émergente de l'Eglise

Dans la quotidienneté des populations, sa présence incontestable se manifeste dans les secteurs éducatif et socioprofessionnel, encore qu'elle constitue une référence, voire un modèle même pendant les moments de grande instabilité politique perturbant le bon fonctionnement des structures étatiques et communautaires à la base. Cet atout lui permet de renforcer d'un côté, sa place comme partenaire social privilégié de l'Etat (§1); de l'autre côté, l'entente et la cordialité dans le cadre de l'oecuménisme dans le processus de démocratisation (§2).

Paragraphe 1. L'Eglise, partenaire social privilégié de l'Etat

Le secteur socio-éducatif en RD Congo constitue un des champs d'action où l'Eglise excelle en réalisations pour la satisfaction des attentes et besoins des populations. A l'instar des pouvoirs publics et des privés non conventionnés, presque chaque confession religieuse possède ses écoles. Selon les statistiques fournies par la Coordination Nationale des écoles conventionnées catholiques, en 2006 celle-ci gérait 11811 écoles dont 8869 écoles primaires (avec 2702.469 écoliers), 2942 écoles secondaires, (avec 647.039 élèves), 41491enseignants dont 5629 femmes.

Face aux défis importants à relever par l'Etat dont le secteur de l'enseignement en cette période de basse conjoncture, les pouvoirs publics ne sauraient seuls tout faire. C'est pourquoi, il est de son avantage de se faire aider par des structures comme les confessions religieuses, étant donné que l'oeuvre éducative exige le respect des valeurs éthiques; encore qu'elles sont également expérimentées dans la promotion des valeurs citoyennes et l'organisation des enseignements aussi bien primaire, secondaire qu'universitaire qui, par ailleurs, demeurent d'obédience nationale.

Par ailleurs, pendant la longue étape de la Transition, la RD Congo était quasiment en rupture avec la coopération internationale, ce qui explique le fait que les différents réseaux confessionnels d'enseignement national ont pu bénéficier d'une multitude d'initiatives, d'aides bilatérales et multilatérales en termes d'apport au renforcement des capacités en infrastructures, en support pédagogique, en mobilité et transfert des compétences professionnelles.

Un regard rétrospectif nous renseigne que parmi les trois universités nationales en RD Congo, deux sont d'origine confessionnelle (catholique /Lovanium-Université de Kinshasa et protestante /Université de Kisangani). Alors qu'avant l'indépendance, l'opinion générale coloniale considérait qu'ouvrir une Université au Congo était prématuré et une erreur dangereuse, un petit groupe de catholiques isolé a par idéal et par humanisme chrétien, créé la première Université au CONGO : L'Université Lovanium (Université de Kinshasa) ouverte le 15 janvier 1954 suivi plus tard par les protestants, promoteurs de l'Université de Kisangani.

Dans son livre `'L'école trahie'', le Père Martin EKWA bis ISAL, s.j. écrit : « L'ouverture des Instituts Supérieurs Pédagogiques (ISP) destinés à former des enseignants qualifiés pour les classes du cycle d'orientation fut aussi une étape à la fois décisive et prometteuse. Le Bureau de l'Enseignement Catholique se lança avec une audace surprenante dans la création des Instituts Supérieurs Pédagogiques (ISP) à Kinshasa en 1961, à Boma en 1963, à Bukavu en 1965, à Kikwit et à Lubumbashi en 1966, à Bunia et Mbuji- Mayi en 1968 » 24(*).

Ainsi, l'Eglise croit fermement que la promotion du bien commun passe nécessairement par l'éducation qui remoule la conscience et amène l'individu à la maturation d'un être viable et fiable, c'est-à-dire, doué de raison et de liberté. Autrement dit, transmettre les connaissances théoriques permet le partage des expériences de l'humanité et des qualités morales. Et ces dernières n'étant pas innées, elles doivent s'apprendre en société, entendons : la famille, l'Eglise, l'école, les mass médias, les groupes de réflexion, organisations et autres institutions à vocation éducative.

Notons qu'en principe, la tâche éducative relève d'abord de la responsabilité de l'Etat. Toutefois, devant la crise qui a institutionnalisé l'inversion des valeurs et généralisé l'opinion selon laquelle les études ne sont pas indispensables pour accéder à de hautes fonctions, l'Eglise a perçu à juste titre que l'éducation doit devenir plus une tâche commune, une tâche communautaire si l'on veut éviter de mettre en péril tout le système éducatif. C'est dans cette optique que nous considérons d'abord l'éducation comme le chemin par lequel viendra l'instauration d'un ordre nouveau, le lieu où les libertés fondamentales doivent s'exercer.

Sans négliger les apports des uns et des autres, nous mettons souvent en exergue la prédominance de l'Eglise Catholique dite « Eglise-mère » dans le langage courant en RD Congo, lequel reconnait implicitement même au niveau national, la permanence de son leadership.

A. Leadership permanent de l'épiscopat catholique

Comme souligné ci-haut, l'Eglise congolaise en général a servi et sert de canal de transmission des revendications populaires dans le cadre de sa mission pastorale. Quant à l'Eglise catholique, elle a, de façon ininterrompue, assuré et assumé le leadership moral, intellectuel et social au sein des confessions religieuses. Son image s'est accrue à telle enseigne qu'elle a acquis la réputation de prendre les risques d'affronter l'Etat en apparaissant au devant de la scène sociopolitique nationale de façon plus que perçante quel que soit le régime en place, avec des écrits portant des titres suggestifs tels que répertoriés par Mgr Professeur Faustin Jovite MAPWAR BASHUTH : 

[« Respectons la vie et la personne humaine (20 janvier 1996) ; Non à la guerre, Oui à la paix et à la justice (29 octobre 1996); Lève-toi et marche (31janvier1997); Conduis nos pas Seigneur, Sur les chemins de la paix(1998) ; Sois sans crainte, la situation dramatique actuelle et l'avenir de la RD Congo(19 novembre 1999); Courage le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi (juillet2000); Tous pour les intérêts supérieurs de la Nation (2 mars 2001); L'espérance ne déçois jamais, le dialogue du peuple congolais dans la liberté, la justice et la vérité (7 juillet 2002); Quel avenir pour le pays ? (6 juillet 2003); J'ai vu la misère de mon peuple, trop c'est trop (15 février (2003); Pour l'amour du Congo, je ne me tairai point (14 février 2004); Frères, que devons-nous faire? L'heure des responsabilités a sonné (3 juillet 2004); Voici le temps favorable, voici maintenant le jour du salut (5 février 2005); Pourquoi avoir peur? L'avenir du Congo dépend de son peuple (22 juillet 2005); Levons-nous et bâtissons ! Pour un Congo nouveau (mars 2006); Pour une fin de transition apaisée, le peuple avait le coeur à l'ouvrage (22 juin 2006); La vérité vous rendra libres, le verdict des urnes dans la transparence (5 octobre 2006); Avance en eau profonde, la foi dans l'avenir du Congo (5 décembre 2006) »25(*)].

En outre, cette place de choix très considérée dans la vie nationale qu'elle occupe tient également de ses prises de position sur la conduite, le fonctionnement et la gestion de l'appareil étatique. En effet, l'Eglise catholique est restée la plus dynamique de toutes les autres communautés religieuses existantes à travers notamment l'ampleur de sa production. Celle-ci est d'une richesse indéniable composée des messages, déclarations, points de presse, appels, lettres pastorales adressés aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté et une série de mémorandums à l'attention des dirigeants politiques. Comme fer de lance de toutes les confessions religieuses nationales, son rayonnement se trouve être étendu largement par le biais de sa vaste implantation sur toute l'étendue du pays, son investissement dans les grandes infrastructures des domaines sanitaire, médical et les oeuvres à impact visible (de petites et moyennes unités de production, génératrices de revenus et d'emplois) sans compter la publication, la diffusion des manuels éducatifs, etc.

Durant toutes les étapes de l'histoire politique de la RD Congo, particulièrement la longue période de transition démocratique (16 ans), elle a été amenée à prendre des positions énergiques qui ont déterminé les esprits et les comportements citoyens. En tant qu'Eglise-mère, elle reste la seule qui organise des communautés ecclésiales vivantes de base dans toutes les entités territoriales décentralisées jusque dans les coins les plus reculés du pays.

Ces micros structures constituent des relais efficaces pour véhiculer les messages de l'Eglise, ce, malgré la montée vertigineuse des assemblés évangéliques chrétiennes appelées communément Eglises de réveil. Soulignons, à ce sujet, que suite à la crise multiforme qui a ravagé bon nombre de foyers, le sursaut religieux a percé au moyen d'une stratégie thématique intéressée qui leur a permis de gagner plusieurs adeptes.

* 24 Martin EKWA bis ISAL, s.j, l'Ecole trahie, Editions Cadicec, Kinshasa, 2004, p.18

* 25 Faustin-Jovite MAPWAR BASHUTH et Cie, histoire au service de l'Eglise, de la jeunesse et de la société, Facultés Catholiques de Kinshasa, Editions Facultés Catholiques de Kinshasa, 2007,400 p.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry