La condition juridique du salarié dans les procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Cyrille MONKAM Université de Douala - DEA 2005 |
CONCLUSION GENERALEEn somme, la condition des salariés dans les procédures collectives en Afrique et surtout dans l'espace OHADA, est loin d'être satisfaisante. Certes, les salariés bénéficient pour le recouvrement de leurs créances, d'un privilège général, d'un super privilège et d'un droit de priorité. Cette législation protectrice s'intègre, dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens par la reconnaissance d'un grand nombre d'avantages aux salariés. Mais, ces garanties sont pratiquement inefficaces ou mieux insuffisantes, à cause des risques de forclusion et compromission de leur créance. Ces risques deviennent grandissants à partir du moment où ces salariés ne sont même pas rassurés du maintien de leur emploi. En effet, la persistance des difficultés de l'entreprise est dangereuse pour la sauvegarde de l'emploi aussi bien en cours qu'à la fin de la procédure. C'est dans cette perspective qu'un licenciement pour motif économique peut intervenir dans le souci de préserver certains emplois ; en cas d'impossibilité, la liquidation mettra fin aux activités de l'entreprise. Une inquiétude demeure aussi pour la garantie des salaires en cas de procédures collectives d'un employeur établi à l'étranger.152(*) En réalité, c'est là poser la condition du salarié dans un groupe de société. L'OHADA n'a abordé cette question que dans un sens général, puisqu'il envisage l'hypothèse des procédures collectives internationales.153(*) Cette solution paraît peu enviable, puisqu'elle ne fait pas ressortir spécialement cette condition des salariés. En fait, qui est le véritable employeur du salarié dans le groupe de société, est-ce la mère ou la filiale ? La réponse à cette question dépend des situations en présence. En principe, la société mère n'est pas tenue d'exécuter les obligations contractées par sa filiale et inversement. Mais, il a été jugé qu'un salarié embauché par la société mère pour exercer les fonctions de dirigeant social au sein de l'une de ses filiales, dépendait de cette dernière.154(*) Cette hypothèse diffère de celle de deux filiales appartenant à une société mère, peut-on raisonnablement impliquer les salariés d'une filiale n'ayant aucune difficulté, et sans préjudice, à une procédure ouverte à l'encontre d'une autre, sous prétexte de survie de la société mère ? Nous pensons qu'il s'agit d'une situation impossible parce qu'elle porterait atteinte à l'autonomie des filiales. Elle est aussi dangereuse pour la stabilité économique. Mais, les salariés de la filiale peuvent subir, pour sauver la société mère à cause du lien juridique qui les unit. Afin d'éviter ces dangers, il faudrait que les effets soient circonscrits aux salariés de l'entreprise concernée. Les salariés doivent bénéficier d'une protection légale en présence d'une procédure collective dirigée contre un groupe de société. Ce sera une facilité d'intégration des salariés dans le système globalisé. Au demeurant, la garantie de l'emploi et des créances de salaire passe par un renforcement du dispositif en vigueur. En vertu du caractère vital de cette créance, la suppression de l'obligation de produire devrait être réalisée. De même la dégradation de la situation économique dans notre espace communautaire accentue, malgré les mesures entreprises pour les contrecarrer, les abus des employeurs à l'endroit des salariés. C'est pourquoi la mise sur pied par le législateur OHADA d'une procédure de licenciement apte à préserver, à tous les niveaux les intérêts des salariés, est salutaire au regard des intérêts en présence. Une augmentation du montant des indemnités devrait aussi participer à la limitation des licenciements ; celle-ci devant se faire en corrélation avec une adaptation de la machine judiciaire au contexte socio-économique. Du fait de l'absence de ces mesures, on assiste très souvent aux réactions violentes, inopinées, inorganisées et surtout inefficaces des salariés mal informés ou insuffisamment consultés pour des problèmes qui les concernent au premier chef, d'où de fréquentes manifestations, contestations et grèves sous toute forme ici et là. Tel fut récemment le cas des salariés de l'ex CAMAIR155(*)qui réclamaient plus de transparence dans les opérations de restructuration et l'avenir des emplois. Probablement, de tels problèmes seront solutionnés si le législateur opte pour une implication du salarié dans l'entreprise ; et pour une création d'une institution de garantie salariale. Par ailleurs, l'évolution de la situation économique nécessite une adaptation de la législation, or les législateurs OHADA et national font preuve de léthargie, ce qui rend la thérapeutique inadéquate. Il est donc urgent de procéder à une succession des textes devant traduire une volonté de rééquilibrage en faveur des créanciers de salaire. Dans cette logique, le défi des procédures collectives consistera à assurer une protection sociale des victimes d'un combat aux enjeux politiques et économiques. * 152 Cass. Soc.20 janvier 1998, commentaire Jean Luc VALLENS, Petites Affiches n0 68 du 8 juin 1998. * 153 Voir Art. 4 et 247 AUPCAP. * 154 Cass. Soc. 4 mars 1997, Bull. Joly 1997, p.661 cité par TEGUIA Parfait in Le sort des contrats en cours dans les restructurations des sociétés commerciales, mémoire de DEA, Université de Douala. 2003-2004, p.11. * 155 Aujourd'hui devenue CAMAIRCO S.A , compagnie à capitaux mixtes. |
|