La condition juridique du salarié dans les procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Cyrille MONKAM Université de Douala - DEA 2005 |
§2- LA PROBLEMATIQUE DU DROIT DE PRIORITE DANS LALIQUIDATION DES BIENSEn principe, les créanciers postérieurs sont payés avant tous les créanciers antérieurs même si ces derniers ont des sûretés. Mais, ce principe présente un danger certain lorsqu'il y a par exemple un concours, entre créanciers de salaires super privilégiés et créances de salaire postérieures ou encore conflit de priorité entre fournisseurs et salaires non payés. Cette situation conflictuelle due sans doute à l'absence d'un classement des créanciers postérieurs (A), confère au syndic de liquidation un pouvoir d'appréciation (B). A- L'ABSENCE D'UN CLASSEMENT GENERALDES CREANCES POSTERIEURES. Contrairement à son homologue français qui a tranché ce problème en procédant à un classement des dits créanciers, le législateur OHADA des procédures collectives reste silencieux puisqu'il se contente de maintenir sans détailler le classement des créanciers de la masse.142(*) En général, l'OHADA n'a pas réglé le problème des conflits des droits préférentiels postérieurs à la procédure. On se serait attendu qu'il prévoit l'ordre de paiement des créances composant la masse, or il ne l'a pas fait. Ce qui, pensons-nous, est un oubli ou purement la manifestation d'une négligence de la part du législateur OHADA ou national. Ce droit de classement lui est expressément reconnu par la convention n°95 concernant la protection des salaires. En effet, l'Article 11 al 3 énonce « l'ordre de priorité de la créance privilégiée constituée par le salaire, par rapport aux autres créances privilégiées, doit être déterminé par la législation nationale », vivement que l'exercice de ce droit soit mis en oeuvre. Si d'après certains auteurs, les créances de salaire doivent être payées en premier du fait de leur caractère alimentaire, nous pensons par contre que, du fait de l'incertitude qui règne sur le classement du reste des créanciers, cet ordre ne sera valable que si le syndic a au préalable désintéressé le rétenteur et le titulaire de la clause de réserve de propriété. En effet, ne bénéficiant pas du super privilège, les créances salariales postérieures au jugement d'ouverture au même titre que ces créanciers, ont un droit de préférence sur les biens du débiteur. Cette égalité rend difficile la désignation du premier à être désintéressé encore, que les autres créanciers ont la possibilité de s'attribuer judiciairement le bien au détriment des salariés. De ces difficultés d'application, il ressort que l'exercice du droit de priorité ou mieux, la situation des créanciers postérieurs n'est pas facile à régler surtout lorsque l'entreprise cesse ses activités. Nous avons la ferme conviction que le législateur OHADA ou mieux, son substitut national comblera ce vide qui existe et rend difficile l'application effective des mesures de garantie postérieures. Mais, en attendant que ce voeu se concrétise, le syndic de liquidation continuera d'exercer son pouvoir d'appréciation. B - LE POUVOIR D'APPRECIATION DU SYNDIC DE LIQUIDATION Il peut arriver qu'au cours de la liquidation, surtout au niveau du paiement, il y ait des conflits entre certaines créances, et que ces conflits ne sont pas expressément réglés par le législateur. Il va falloir donc apprécier. Apprécier ici signifie déterminer le sens, relever la portée d'une créance, déduire sa valeur. Ainsi, comme toute autorité judiciaire en charge d'une procédure, le syndic de liquidation dispose d'un pouvoir d'interprétation et d'appréciation. Ce pouvoir se renforce chaque fois qu'une disposition de la loi est ambiguë ou imprécise. En l'absence des règles devant guidées le syndic dans son appréciation, celui-ci pourra décider en humble et libre conscience, tout en mettant en avant l'équité et son sens élevé de responsabilité. A cet égard, on dira que le syndic dispose en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation. Il dispose à cet égard d'un panel d'éléments sur lesquels il peut se baser pour résoudre le conflit. Il pourra ainsi s'appuyer sur la qualité du créancier au regard de la procédure143(*); le volume de sa créance144(*) ; l'activité du créancier.145(*) Néanmoins, le syndic devant rendre compte de sa gestion au juge commissaire et étant responsable à l'égard des acteurs de la procédure, il faudra relativiser ce pouvoir. Ainsi, un mauvais jugement de la part du syndic pourra être contesté ou engager sa responsabilité sur le plan contractuel ou civil. C'est pourquoi, le syndic doit joindre à la demande d'autorisation des licenciements, l'avis recueilli et les justifications de ses diligences en vue de faciliter l'indemnisation des salariés. Par conséquent, il ne doit pas, sous le couvert de cette appréciation, renverser les principes juridiques et moraux qui guident la procédure de liquidation des biens. Dès lors que cette action du syndic permet de résoudre le ou les conflits entre créanciers postérieurs, il sera enfin procéder au désintéressement de tous les créanciers et surtout ceux de salaire. * 142 Voir art 166 qui les classe au 4e rang et l'article 167 au 7e rang. * 143 S'agit-il d'un créancier privilégié, super privilégié ou chirographaire ; est-il socialement protégé ? * 144 Le montant est-il élevé ou non ? * 145 Un fournisseur en matériels par exemple, notons à cet effet que la liquidation d'une entreprise ne doit pas provoquer l'état de cessation des paiements d'une autre. |
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