La condition juridique du salarié dans les procédures collectives( Télécharger le fichier original )par Cyrille MONKAM Université de Douala - DEA 2005 |
§2- LE DEFAUT DE TECHNIQUE DE SECURISATIONL'efficacité des garanties accordées aux salariés devait dépendre de l'impossibilité pour l'employeur de les entraver. Tel n'est pas toujours le cas, ce dernier subissant le contrecoup des difficultés à tous les niveaux, est souvent incapable de faire face aux sommes représentant les arriérés de salaire et / ou des indemnités afférentes. Le législateur français l'a parfaitement compris en prévoyant une assurance pour pallier l'insolvabilité de l'employeur.106(*) Il s'agit d'un débiteur subsidiaire qui, après paiement se retournera contre le débiteur principal et subrogera les droits du salarié désintéressé en utilisant privilège et super privilège.107(*) Cet exemple tiré parmi tant d'autres des droits étrangers est assez révélateur ; et pose à nouveau la nécessité de protéger les salariés contre les défaillances de leur employeur. On est d'avis que des mesures de garantie ne serviront à rien si au bout de la procédure, le salarié ne pourra pas rentrer en possession de ses droits. Pourtant, le législateur OHADA brille par sa position obscure (A). Afin de mieux clarifier cette position, il s'avère nécessaire de mettre sur pied une institution digne (B) devant jouer ce rôle. A- LA POSITION DU LÉGISLATEURLe législateur n'a pas envisagé de manière expresse l'hypothèse où les fonds manqueraient pour désintéresser les salariés. Cependant, une interprétation de la position obscure du législateur peut inspirer une telle idée (1). Sur cette base, la doctrine moderne a fait des propositions (2) pouvant élucider cette position. 1-Une position obscure Les dispositions de l'article 96 al. 3 AUPCAP sont à cet égard expressives. En effet, elles prévoient que lorsque l'avance a été faite par le syndic ou par toute personne, celle-ci sera subrogée dans les droits des travailleurs. Mais il s'agit d'une disposition qui inquiète à plusieurs égards. D'une part, comment comprendre que le syndic, plaque tournante de la procédure, s'y implique financièrement ? Cette introduction ne peut-elle pas compromettre sa neutralité ? Nous pensons que cette position jette un discrédit sur toutes les procédures collectives, puisque c'est faire un retour en arrière que de reconnaître implicitement au syndic la qualité de créancier. L'esprit des procédures est de faire de ce dernier un organe autonome pour éviter la partialité dans la procédure. D'autre part, la mention « toute personne » est assez vague puisqu'elle n'offre aucune sécurité juridique par rapport à la particularité de la procédure qui est en cours. C'est dans ce sens que la doctrine s'est efforcée d'apporter les précisions sur celle-ci. 2-Les propositions doctrinales Les commentaires sur cette disposition vont bon train dans la doctrine. Les idées jaillissent de toute part pour préciser la qualité de « tiers » qui pourrait venir au secours du débiteur sous réserve de sa subrogation. Ainsi, pour que ce mécanisme mis sur pied par l'article 96 ne soit inefficace, les professeurs POUGOUE et KALIEU108(*) estiment que dans les Etats OHADA ce rôle de tiers devrait être réservé aux sociétés d'assurance et aux banques. Il s'agit en réalité des institutions qui offrent une meilleure garantie sur le plan financier et qui disposent des moyens nécessaires pour recouvrer sa créance. Pour sa part, le professeur ANOUKAHA109(*) se penche pour la création au plan national d'un fonds commun des créances ou une assurance générale des salaires. Cette proposition qui nous semble être la plus efficace est nécessaire pour l'amélioration de la condition du salarié et doit se traduire par un acte concret. Ayant donc fait sienne cette prévisibilité et s'inspirant des instruments juridiques internationaux110(*), la doctrine a tenté de combler le retard pris par le législateur. S'il est vrai qu'il existe plusieurs moyens ou techniques par lesquels le législateur peut sécuriser les créances de salaire, nous avons la foi en ce que seule une institution solidement implantée, pourrait de façon efficace jouer ce rôle. Sa mise sur pied devient donc une impérieuse nécessité. B- LA NÉCESSITÉ DE LA CRÉATION DE CETTE INSTITUTION
Le législateur se doit, afin de préserver les droits pécuniaires des salariés, de créer une institution qui interviendra chaque fois qu'un employeur est totalement défaillant. Il s'agira d'une structure modèle dont la clarté des principes de fonctionnement (1) déterminera sa portée (2). * 106 En effet, une loi du 27décembre 1973 revue par la loi du 25 janvier 1985 a crée l'Association nationale pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (A.G.S). * 107 Cette institution a été créée un peu plutôt dans les pays suivants : Belgique 1967 ; Pays Bas 1968 ; Suède 1970 ; Danemark 1972. * 108 Ouvrage op. cit. no 173. * 109 Ouvrage op. cit. n°175. * 110 Voir convention n°173 sur la protection des créances des travailleurs et recommandation R 180 du 23 juin 1992 concernant la protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur. |
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