Paragraphe2 : La participation des groupes
identitaires à la gestion des affaires publique
Deux axes peuvent être explorés : le recours
à la décentralisation (A) et représentativité des
groupes identitaires au niveau du pouvoir central (B).
A- Le recours à la décentralisation
La décentralisation se présente aujourd'hui
comme une évidence généralisée dans la plupart des
régions du monde .Ainsi, cette forme d'organisation du pouvoir qui est
censée exister dans tout Etat démocratique quelle que soit sa
forme -unitaire ou fédérale -, peut être
considérée comme une modalité de prévention des
conflits. Elle permet en effet à des citoyens de participer à la
base à la gestion des affaires publiques et de se sentir
concernés par le devenir de leur Etat. De ce point, l'objectif de la
décentralisation est de garantir la démocratie,
l'égalité et la concurrence loyale des citoyens, la
pluralité et la libre expression de leur diversité, le maintien
de l'ordre publique et de la cohésion sociale.
Les collectivités locales apparaissent ainsi comme de
mécanismes institutionnels intermédiaires, des structures -relais
de promotion et de sauvegarde du dialogue sociale et de la démocratie.
Cependant il est vrai que dans la plupart des pays africains, les
problèmes liés à l'insuffisante alphabétisation des
ruraux, à la faiblesse des finances locales, à la
géographie administrative, limitent la portée de la
décentralisation. Néanmoins, force est de reconnaître que
par l'organisation d'élections libres et transparentes, les populations
ont le sentiment de maîtriser leur destin et ont ainsi un
dérivatif à la violence.
La décentralisation n'est pas, il est clair un antidote
contre la violence mais contribue à la prévenir .Elle permet
surtout de prendre en compte des particularismes régionaux et de leur
conférer la possibilité de s'exprimer. A cet égard la
décentralisation pourrait constituer une solution aux multiples
problèmes de sécession qui se posent à de nombreux pays.
En effet les populations d'une région, d'une commune
urbaine ou d'une communauté rurale pourront mieux résoudre
leurs problèmes à travers la décentralisation.
Au Mali, en 1972, une sécheresse persistante s'installe
dans la zone sahélienne. Ainsi les populations du nord, qui sont des
éleveurs transhumants, perdent leur cheptel, symbole de richesse
économique et culturelle. La solidarité nationale est bien en
deçà des attentes des populations. Les jeunes, en particulier, se
retrouvent sans occupation génératrice de revenus et sans
perspective d'avenir. Des milliers de jeunes Touaregs émigrent alors
vers la Libye où ils sont enrôlés dans la Légion
islamique et reçoivent une formation militaire et idéologique.
Tous ces facteurs donnent aux populations du Nord un sentiment
d'abandon par l'Etat, ce qui favorise l'émergence d'un mouvement
irrédentiste animé essentiellement par des jeunes qui
déclenchent des opérations militaires à partir de 1990. La
réponse est une répression violente et aveugle. Les
régions du Nord sont pratiquement sous état de siège. Mais
cette option militaire s'avérant inopérante, le gouvernement est
obligé de négocier.
Ces négociations interviennent dans un contexte
où les Maliens se sont débarrassés du régime
militaire en mars1991 et sont engagés dans un débat national pour
construire un état de droit et approfondir la démocratie.
Dès le mois d'avril 1992, le Pacte national de paix avec les Touaregs
est signé, promettant la fin de cette rébellion qui a
entraîné l'exil de centaines de milliers de Touaregs maliens. Le
Pacte National recommande l'intégration des ex-rebelles dans les
services publics et dans les activités socio économiques,
l'allégement du dispositif militaire dans les régions du Nord,
mais surtout la mise en oeuvre du programme de décentralisation avec un
statut spécial pour les régions du Nord etc.
Au cours des négociations, les éléments
de la rébellion obtinrent du gouvernement le principe d'un traitement
spécial intérimaire de leurs régions. Les instruments
d'administration intérimaire mis en place par le Pacte dans cette partie
du pays anticipaient la décentralisation. En effet, au plan
institutionnel, ils mettent en place dans les différentes
circonscriptions de base, les arrondissements, un Comité Transitoire
d'Arrondissement (CTA) qui associe à la gestion locale des parties
concernées les populations à travers leurs leaders
communautaires. Les collèges transitoires d'arrondissements ont
été dans le Nord Mali une première forme de
responsabilisation des communautés dans la gestion de leurs affaires.
La décentralisation, assurant aux communautés
rurales et urbaines des pouvoirs très importants d'auto administration,
d'autogestion et d'autopromotion, répond ainsi correctement à
une revendication fondamentale des rebelles. Cette décentralisation
signifie alors une plus grande déconcentration du pouvoir en faveur
des régions du Nord par rapport au pouvoir central.
En réalité le Nord sera le premier terrain
d'expérimentation de la politique de décentralisation au Mali,
qui plus tard sera étendu à l'ensemble du pays.
Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que le
conflit casamançais avait occasionné une politique de
régionalisation même si une telle politique ne s'est pas
révélée très concluante.
Aujourd'hui avec la fin de l'Etat de providence, l'heure est
venue de responsabiliser les autorités locales pour répondre aux
besoins des populations rurales, en les associant de plus en plus à la
résolution des problèmes qui les concernent.
L'Etat doit donc accorder une réelle autonomie aux
collectivités locales, tout en leur apportant le soutien logistique,
matériel et financier dont elles pourraient avoir besoin.
La réussite de la décentralisation dépend
en grande partie de l'engagement politique des gouvernements, sans une
volonté politique clairement exprimée, elle risque de rester
toute théorique. En outre, la représentativité des groupes
identitaires au niveau du pouvoir central doit être une des
préoccupations des Etats en vue d'assurer l'harmonie et la paix sociale.
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