B- La représentativité des groupes
identitaires au niveau du pouvoir central
Dans les sociétés où il existe plusieurs
groupes identitaires, il importe que les institutions assurent la
représentativité et la visibilité de tous les peuples
formant la mosaïque. On aboutira alors, comme le dit Jacques Eseng Ekeli
à un Etat plus légitime, plus efficace et plus
sûr, « un Etat de droit qui ne peut évidemment
prospérer qu'à condition que la population se reconnaisse en lui,
ce qui suppose la constitution d'une image nationale suffisamment
consistante ». La présence des représentants
des groupes minoritaires dans les structures de l'Etat notamment au niveau du
pouvoir central accroîtrait la représentativité et la
légitimité de celles-ci, et empêcherait aux leaders
politiques de mener leur combat au nom des identités.
De la sorte, le leadership politique serait
séparé du leadership ethnique, religieux ou régional pour
atténuer les tensions et les conflits au sein de l'Etat.
La recherche du mode d'intégration des
communautés identitaires au niveau du pouvoir central exigerait de
l'Etat, de concevoir un régime politique sui generis correspondant
à sa réalité sociale et historique.
Pour ce qui concerne les particularismes ethniques plus
particulièrement, seule leur prise en compte au niveau du pouvoir
central permet de les surmonter efficacement.
Au Burundi, le facilitateur Nelson Mandela a eu, pour
surmonter le clivage ethnique entre tutsis et hutus, à proposer une
formule originale de partage du pouvoir, retenue dans l'accord de paix
signé par les belligérants le 28 mai 2000à Arusha
(Tanzanie).
Dans cet Etat, le vote des populations avait une orientation
ethnique : chacune des communautés votant pour les candidats issus
de ses rangs. Or les hutus étant le groupe numériquement le plus
important, on arrivait à une impasse dans la mesure où les tutsis
(environ 13% de la population) détenaient le pouvoir et tous les postes
de commandement dans l'armée et n'entendaient pas être
marginalisés dans la conduite des affaires du pays.
Le partage du pouvoir prôné par Nelson Mandela
prévoyait, outre l'intégration des rebelles dans l'armée
burundaise, une période transitoire de trente mois au cours de laquelle
le pouvoir serait partagé entre les différentes composantes
ethniques. La longueur cette transition avait pour but de donner du temps aux
différentes parties pour se faire confiance.
Au demeurant, cette solution appliquée au Burundi a
été essayée pour la République Démocratique
du Congo (R.D.C), bien que le contexte soit différent. En R.D.C, le
clivage entre factions soutenues par l'Ouganda, Mouvement de libération
du Congo (M.L.C) le Rwanda, Rassemblement Congolais pour la Démocratie
(R.C.D.) et le gouvernement de Kinshasa ne recoupe pas des divisions ethniques
mais des conflits d'intérêts. Le partage du pouvoir
(présidence de la République pour Kabila, primature pour le
M.L.C.) arrêté à Sun City (Afrique du Sud) le 19 avril a
suscité des réserves de la part de l'opposition non armée
et du R.C.D. Mais le partage du pouvoir ne peut être une formule
approprié de sortie de crise que sous certaines conditions :
-Lorsqu'une solution militaire n'est pas en vue ;
-Lorsque le dialogue a pu s'instaurer ;
-Lorsque les factions ne sont pas trop nombreuses.
Ainsi le partage du pouvoir ne doit pas être une
finalité, mais un moyen pour rapprocher suffisamment les
différentes composantes de la nation afin que le suffrage des
électeurs ait un sens. Par ailleurs ce rapprochement des
différentes composantes de la nation nécessite également
qu'il ait des stratégies destinées à submerger les
identités locales au profit d'une identité nationale
dominante.
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