Section2 : Les stratégies destinées
à submerger les identités locales au profit d'une identité
nationale dominante
L'identité n'est par nature ni bénéfique,
ni défavorable au système politique et social dans son ensemble.
Tout dépend des stratégies et des modes d'articulation aux
institutions étatiques qui seront choisis.
Elle peut en effet être à la fois un instrument
d'intégration dans des espaces identitaires plus larges et non
exclusivistes ou un instrument d'exclusion ,de marginalisation et de
déstructuration sociale dans des cadres institutionnels n'autorisant pas
et ne parvenant pas à valoriser la multiplicité des
allégeances .
Ainsi, pour favoriser l'émergence d'une identité
nationale au détriment des identités locales, deux
stratégies méritent d'être privilégiées
à savoir la construction de la cohésion et de l'harmonie au sein
de la société (paragraphe 1) et l'appropriation légitime
des ressources (paragraphe2).
paragraphe1 : La construction de la cohésion et
de l'harmonie au sein de la société
Il sera ici question d'étudier successivement la
parenté à plaisanterie en tant que pratique africaine au service
de la paix (A) et le mécanisme de l'arbre à palabre (B).
A- La parenté à plaisanterie : une
pratique africaine au service de la paix
A l'analyse des traditions orales, tout laisse à
croire que les relations entre peuples voisins étaient d'abord
régies par les conflits dont les souvenirs restent vivaces dans les
traditions de ces peuples.
A la suite de relations constamment conflictuelles, des
alliances sont scellées et ont généré en lieu et
place des premières, des relations d'amitié, prenant parfois
l'allure de parenté. Ces alliances ont parfois abouti à un
réseau complexe d'alliances, de solidarité et de
fraternité (réelle ou fictive) concrétisées dans le
système de parenté à plaisanterie.
L'alliance à plaisanterie peut être
définie comme un ensemble de relations sociales fondées sur le
principe de la paix et de l'assistance mutuelle des peuples engagés.
Autrement dit il s'agit d'une pratique sociale, observable dans toute l'Afrique
occidentale, qui autorise, et parfois même oblige, des membres d'une
même famille (tels que des cousins éloignés), ou des
membres de certaines ethnies entre elles, à se moquer ou s'insulter, et
ce sans conséquence ; ces affrontements verbaux étant en
réalité des moyens de décrispation sociale.
La parenté à plaisanterie apparaît donc comme un
facteur de rapprochement des groupes ethniques antérieurement
opposés. Les alliances à plaisanterie engagent donc dans une
même histoire, des groupes géographiquement séparés,
des sociétés culturelles différentes. Elles brisent de ce
fait les cloisons et les barrières psychologiques entre ethnies. A cet
égard ces alliances à plaisanterie sont un instrument de paix,
certains y voient même les bases de la nation sénégalaise,
bases jetées bien avant la colonisation. Elles ont parfois
résisté au temps (les périodes coloniale et
post-coloniale) pour continuer à fonctionner, notamment dans les
campagnes, et même dans des milieux urbains, ce malgré
l'instauration de nouvelles structures sociopolitiques ou de cadres
institutionnels. Ces alliances restent fonctionnelles dans le règlement
de certaines crises entre individus de groupes différents et
alliés, ce dans un cadre relativement restreints bien entendu .En effet
elles constituent l'une des premières réponses que les
populations ont dû trouver face à la permanence ou à la
menace de conflits ethniques. Elles devaient régir les cohabitations
entre groupes d'origines différentes, préserver la paix entre eux
et favoriser l'intégration des différents groupes ou de leurs
membres dans un cadre plus large : sous -régions, régions,
pays. En effet, en plus de l'interdiction de conflits entre alliés au
nom de celles-ci aucune sanction ne devait punir quelque faute commise par un
membre d'un groupe allié au détriment d'un autre de l'autre
groupe allié. Des précautions étaient donc prises car une
faute commise dans ce cadre était ressentie par le groupe fautif comme
une malédiction, un danger.
Eu égard à ces précisions, il est donc
loisible de noter que nous trouvons dans nos traditions des normes et des
mécanismes établis depuis des âges et qui peuvent favoriser
la paix, l'unité et la communion et de ce fait prévenir les
conflits identitaires qui ronge le continent. C'est sans nul doute dans une
telle perspective qu'on peut apprécier l'importance de la parenté
à plaisanterie qui contribue efficacement à la prévention
desdits conflits. En effet, il s'agit d'une pratique traditionnelle au
service de la paix dans la mesure où elle instaure un système de
gestion de la diversité qui déborde les clans, les ethnies, les
castes et les âges. En outre elle garantie la dignité de l'autre
en toute circonstance car la règle d'or est de ne jamais nuire. Pour
dire vrai, la parenté à plaisanterie est un sujet d'expertise
nationale, élément d'un phénomène transnational
pouvant servir utilement la paix en afrique. Au delà de l'étude
de la parenté à plaisanterie il y a lieu maintenant de
s'intéresser au mécanisme de l'arbre à palabre qui
constitue également un mode traditionnel de règlement des
conflits qui mérite d'être vulgarisé en vue de favoriser
l'harmonie et l'entente dans les Etats secoués par les conflits
identitaires.
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