Chapitre VI
Les confrontations des trois théories
Section I : Comparaison selon la
littérature théorique.
Les modèles théoriques de la structure du
capital sont articulés autour de la notion de niveau optimal
d'endettement. Si les dirigeants se soucient de maximiser la valeur de la
firme, ils chercheront à atteindre le niveau d'endettement qui
correspond au compromis optimal entre les coûts et
bénéfices associés à la dette. Certaines
spécificités de l'endettement agissent sur la valeur de la firme
lorsqu'il existe des imperfections de marchés. Les
échéances fixes des redevances d'emprunt augmentent la
probabilité de faillite qui impose des coûts réels
aux actionnaires (Stiglitz, 1972 ; Titman 1984). A des niveaux
élevés d'endettement les firmes peuvent être amenées
à laisser passer des opportunités d'investissements valables
(underinvestment : Myers, 1977) ou à investir dans des projets
trop risqués (asset substitution: Jensen et Meckling, 1976).
En effet, la dette présente également des
avantages sur les fonds propres. Elle bénéficie d'un traitement
fiscal favorable sur les dividendes et les plus values en capital (Modigliani
et Miller, 1963 ; Miller et Scholes, 1978), dont l'importance est
néanmoins modérée par le volume des charges non
monétaires fiscalement déductibles (De Angelo et Masulis,
1980). Devant la difficulté d'écrire des contrats qui alignent
parfaitement les fonctions d'utilité des managers et des actionnaires,
l'endettement peut être vu comme un mode de résolution
des conflits d'agence puisqu'il oblige les dirigeants à distribuer les
free cash-flows (Jensen, 1986). Il est généralement fait
référence à ce courant de littérature sous
le terme de Trade Off Theory.
La théorie de trade-off a pour objet d'expliquer
comment atteindre une structure optimale du capital qui maximise la valeur de
l'entreprise. Elle soutient que le niveau optimal d'endettement est atteint
lorsque l'économie marginale d'impôt attribuable à
l'endentement se trouve annulé par l'accroissement correspondant des
coûts potentiels d'agence et de faillite. L'un des problèmes
à résoudre pour tester cette théorie réside dans
l'estimation du ratio cible.
Dans les modèles de compromis et plus
précisément (STOT), la démarche marginale basée sur
l'analyse coûts avantages des modes de financement, permettrait de
réaliser l'objectif de structure financière globale optimale. En
revanche, les théories de financement hiérarchique ne font pas
explicitement référence à la notion de structure
financière optimale.
Autrement dit, les modèles de compromis sont
fondés sur une rationalité substantielle qui s'apprécie en
termes de résultats attendus (Simon 1976). Le décideur essaye de
trouver la meilleure structure pour des objectifs fixés, compte tenu des
contraintes induites par les différentes formes de financement, Quant
aux théories de financement hiérarchique, elles présentent
généralement le dirigeant comme un décideur, c'est
-à- dire comme une personne qui agit plus qu'elle ne subit. C'est
l'impossibilité de calculer l'ensemble des coûts qui contraint le
dirigeant à appliquer une solution non optimale fondée sur une
rationalité substantielle limitée ou plus
précisément une rationalité procédurale (le
dirigeant exécuterait une procédure dés qu'une situation
particulière surgie : investissement précis, problème
d'asymétrie...).
La théorie du financement hiérarchisé
développée initialement par Myers (1984) et Myers et Majluf
(1984) ne s'appuie pas sur une optimisation du ratio d'endettement, ce ratio
est le résultat cumule d'un ordre préférentiel des sources
de financement au cours du temps.
La Pecking Order Theory (POT) repose sur
l'hypothèse d'une domination des coûts associés aux
asymétries d'information entre les dirigeants qui sont les mieux
informés sur les perspectives de la firme et les actionnaires
externes qui le savent. Les autres coûts étant d'importance
moindre, les firmes préféreront l'autofinancement au financement
externe et la dette sans risque aux actions dont le modèle
canonique ne prévoit pas l'émission après la
création de la firme (Myers et Majluf, 1984). Si les
considérations de déviation du niveau cible de financement
sont alors accessoires, il faut noter que la POT fait appel à la notion
de debt capacity : la capacité maximale d'endettement au
delà de laquelle les coûts de faillites deviennent trop
importants (Shyam Sunder et Myers, 1999).
En effet, les entreprises les plus sensibles aux
asymétries informationnelles recourent prioritairement à
l'endettement. Au contraire, les entreprises les moins affectées par les
phénomènes de sélection adverse préfèrent
les émissions de capital.
Pour combler les insuffisances des deux cadres de
référence à savoir la théorie de Trade-off et la
théorie de Pecking order. Récemment, on assiste à
l'émergence d'un nouveau cadre théorique connue sous le nom de la
théorie de market timing. Les firmes émettent des actions
lorsque les prix du marché sont élevés et rachètent
leurs titres lorsque leur valeur est faible sur le marché. Dans ce
cadre, Frank et Goyal (2003) arguent que la théorie de Market Timing ne
prédit aucune relation significative entre les déterminants
spécifiques à la firme qui sont « traditionnellement »
définis par la théorie de Trade-off et de Pecking Order. Huang et
Ritter (2005) ajoutent que le cadre théorique du Market Timing comble
les insuffisances des deux cadres de référence à savoir la
théorie de Trade-off et la théorie de Pecking order, qui restent
très peu explicite sur la relation entre les coûts de financement
des fonds propres et la structure de capital.
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