B. Les deux représentations de la
responsabilité
Une opposition strictement théorique sépare deux
aspects de la responsabilité dans une divergence à la fois
conceptuelle et institutionnelle.
Premièrement, en prenant la responsabilité comme
concept, nous partons d'un inventaire des conséquences possibles du
manquement d'un Etat à une obligation internationale qui s'explique : la
première ne concerne pas le droit de la responsabilité dont le
manquement au droit international consiste dans l'édiction d'un acte
juridique illégale (21) ; la deuxième catégorie
de conséquences du manquement est la mise à la charge de l'Etat
défaillant d'une responsabilité civile. D'où, une
obligation secondaire de réparer le manquement à son
obligation
21 La conséquence la plus adéquate de
ce type de manquement consiste à rendre l'acte internationalement
inefficace, soit par la technique de la nullité, soit plus
aisément par celle de l'inopposabilité aux Etats tiers, qui est
beaucoup plus conforme à la nature de l'ordre juridique
international.
primaire initialement violée et de mettre fin à
cette violation au cas où elle est continue (22). Ensuite,
elle consiste en une réaction contre l'Etat défaillant, qu'on est
tenté de situer au bout de la chaîne normative quand l'Etat
débiteur ne s'étant pas acquitté de son obligation
primaire, a également fait défaut dans l'exécution de son
obligation secondaire ou mieux s'est comporté de façon à
la rendre impossible.
Par contre, la responsabilité naît aussi de la
violation de l'obligation secondaire de réparer et de ce fait elle se
prête à un mécanisme de règlement du
différend et constitue à nouveau un rapport juridique d'un
nouveau type entre l'auteur de l'acte illicite et son partenaire. Ainsi, au
lieu que le premier soit tenu d'une nouvelle obligation, il est réduit
à la passivité : le sujet actif, c'est désormais l'autre
Etat, la victime de l'acte illicite qui tire de la défaillance de son
adversaire le pouvoir juridique de déclencher une riposte, sous des
formes diverses. On parlera alors de légitime défense s'il s'agit
de réagir à une attaque armée par une action militaire
tendant à repousser l'agresseur. Ce qui provoque une double image de la
responsabilité.
D'une part la responsabilité prise dans le sens
étroit, c'est l'institution qui assure la réparation d'un dommage
; et d'autre part (au sens large), la responsabilité ne s'étend
pas comme une nouvelle obligation à la charge de l'Etat
défaillant mais plus largement comme l'ensemble des nouvelles relations
juridiques (qui se traduit par un lien de droit) qui s'établit entre lui
et d'autres Etats intéressés au respect de la
légalité.
Deuxièmement, la responsabilité comme
institution, il sied de dégager d'une part sa fonction et d'autre part
son régime. La « Fonction » de la responsabilité se
résume à la réparation des dommages et la garantie de
la légalité. La responsabilité stricto sensu
(par le rôle dissuasif qu'elle peut jouer
auprès d'Etats tentés de manquer à leurs
obligations et retenus de le faire par la crainte de s'exposer à une
obligation nouvelle) n'a jamais eu une fonction exclusive de réparation
; c'est alors celle-ci qui la caractérise principalement. Au contraire,
la responsabilité est plus qu'une institution destinée à
réparer le dommage subi par la victime. Ce qui se traduit par un moyen
de garantir la légalité internationale ainsi que de la
rétablir quand elle court le risque d'être enfreinte.
Par ailleurs, le régime qui s'inclue dans la question
du droit de chaque Etat au respect des règles, lequel respect serait
placé au coeur de la théorie classique de la
responsabilité internationale, dont la fonction est surtout d'en assurer
réparation, le dommage s'effaçait ainsi, dans la théorie
rivale, au point d'être écarté des conditions
nécessaires à la mise en oeuvre d'une responsabilité.
(23)
L'opposition à la prise en compte du dommage et
à la vision réparatoire tient à un enjeu central : il
s'agissait donc de passer, au moins pour certains faits illicites
internationaux, de la conception traditionnelle selon laquelle ils n'engagent
la responsabilité de leur auteur qu'envers la victime à une
conception nouvelle dans laquelle ils l'engagent envers un nombre d'Etats bien
supérieur. (24)
§ 2. Du mécanisme de la responsabilité
internationale
Deux points attirent notre attention et méritent
d'être décortiqués à savoir la question de
l'illicéité du comportement, du dommage et le lien de
causalité qui sont les trois conditions pour que la
responsabilité internationale soit
(23) 2ème Rapport R. AGO, § 53-54, An.
CD', 1970, Vol.'', p.208
(24)
COMBACAU J. et SUR S., Op.Cit., p. 522
établie (A) et celui consacré à l'engagement
et la mise en oeuvre effective de la responsabilité (B).
A. Les conditions de la responsabilité
internationale
En 1963, sur la responsabilité, la C.D.I. avait repris
sur des bases indubitablement nouvelles des travaux jadis mal engagés.
Dans ce contexte, et quelle que soit la valeur doctrinale des travaux de la
C.D.I., on ne doit pas sur ce point accorder aux textes provisoires
adoptés une valeur plus à laquelle eux- mêmes ne
prétendent pas et que des Etats influents leur refusent.
(25)
En principe, la C.D.I. a toujours joué depuis sa
création, un rôle essentiel en matière de codifications et
de développement du droit international. La responsabilité
internationale des Etats pour des faits internationalement illicite
était un point régulièrement inscrit à son ordre du
jour. En 1979, elle adoptait un ensemble de trente cinq articles portant sur le
fait international illicite et ses modalités, mais nullement sur les
conséquences qu'il fallait y attacher quant à la
responsabilité de son auteur. Il fut remédié à ce
manquement en 1996 avec l'adoption d'un projet plus vaste et plus complet; qui
resta néanmoins critiqué par un certain nombre d'Etats.
L'aboutissement de ce projet eut lieu en 2001, année ou fut
adopté un texte profondément remanié. Mais
l'Assemblée Générale de l'ONU hésitant sur le fait
de savoir s'il fallait codifier ce texte et donc le rendre obligatoire, s'est
contentée de « prendre note » des articles et de les
recommander à l'attention des gouvernements, renvoyant à une
session ultérieure la question de leur statut définitif.
Voilà pourquoi il est nécessaire de
préciser que les règles relatives à l'engagement de la
responsabilité de l'Etat ne revêtent aucune valeur légale,
elles
22 doivent davantage être perçues comme une
expression fidèle du droit coutumier
(26).
Par ailleurs, le problème de la responsabilité
pour des faits licites n'a pas été abordé à
l'époque. Ce qui veut dire que le projet est à transformer en
traité selon une décision de l'Assemblée
Générale de l'ONU. Ce document est pourtant largement
utilisé par la pratique internationale pour identifier des règles
fondamentales applicables. La C.D.I., créée par
l'Assemblée Générale de l'ONU, selon l'art. 13 de la
charte, vise le développement du droit international qui est facteur
important de la paix (objectif de la charte). Il persiste néanmoins des
différends importants.
L'art. 19 du projet est en effet un sérieux
problème. Il existe donc une échelle de gravité des faits
illicites et la C.D.I. a essayé de faire une distinction entre le crime
et le délit (terminologie pénale).
Au demeurant, restant dans l'économie de l'art. 19 du
projet, il est à déduire que les délits internationaux
sont des faits internationalement illicites, ainsi donc la
responsabilité internationale est cet ensemble des conséquences
liées à un fait international illicite. S'agissant de
l'identification, le projet donne des éléments tels :
l'imputation (attribution), à l'art. 5 du projet. Il y a une
sélection d'actes qui sont attribuables à l'Etat. Pour ces faits
seulement, on va regarder la 2ème question. Le comportement
doit être celui d'un fait ; l'infraction, selon l'art 16 du
projet, c'est un comportement qui constitue une violation du droit
international et qui se contredit avec une obligation internationale de
l'Etat.
Selon l'art. 3 du projet, ces deux conditions suffisent mais
à partir des art. 29 et suivant du projet, on parle des circonstances
excluant l'illicéité.
Celle-ci est exclue si c'est un fait légitime suite
à un fait internationalement illicite que l'Etat en cause a subi. L'art.
34 du projet parle de la légitime défense. D'où, une
troisième étape l'absence des circonstances excluant
l'illicéité.
En réalité, dire d'un fait qu'il est «
internationalement » illicite, c'est situer le système de
référence de l'illicéité et désigner l'ordre
juridique par rapport à quoi elle se jauge. Or, le plus souvent, le fait
générateur peut en même temps être
apprécié en termes de droit interne, dans l'ordre de l'Etat
auquel il est imputable, et les normes de référence qu'offre
celui-ci ne paraissent pas dénuées de pertinence au premier abord
puisqu'il consiste dans l'agissement d'un organe ou d'un agent de l'Etat ou
d'une collectivité dont les comportements lui sont imputés. Il
faut donc choisir lequel des deux ordres juridiques, interne ou international
va devoir être consulté pour déterminer le caractère
illicite du fait au regard du droit de la responsabilité
(27).
Seul le droit international permet de décider si un
comportement imputable à un Etat a le caractère illicite
d'où résulteront des conséquences sur le plan de la
responsabilité internationale.
D'une manière générale, la
responsabilité internationale est une responsabilité pour faute
(28) en dépit de critères que suscite l'utilisation de
ce terme dans la pratique contemporaine soumise à un régime
très proche en son principe de celui qui est par exemple
évoqué à l'article 1382 du code Napoléon qui
stipule que «Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui
un dommage oblige, celui par la faute duquel il est arrivé, à le
réparer ».
(27) FORTEAU M., Droit de la sécurité
colective et droit de la responsabilité internationale
des Etats, Paris, éd. Perdone, 2006, p.496
(28) VERHOEVEN, J., Droit international public, Bruxelles,
éd. Larcier, 1996
Trois conditions sont requises pour que la réparation
puisse être obtenue : premièrement, l'illicéité
internationale du comportement. La responsabilité internationale trouve
son origine dans un fait international illicite. Celui-ci est le fondement et
l'élément premier de la responsabilité, celui auquel le
rattachent tous les autres : imputation du fait illicite, préjudice,
réparation et éventuellement punition. Il y a un fait
internationalement illicite de l'Etat lorsque un comportement consistant en une
action ou en une omission est attribuable, d'après le droit
international, à l'Etat et que ce comportement constitue une violation
d'une action ou d'une obligation internationale. L'illicéité
internationale découle d'une violation du droit international soit dans
la violation d'une obligation conventionnelle, soit dans la violation d'une
obligation coutumière, soit encore dans une abstention condamnable.
En deuxième lieu, il y a le préjudice ou encore
le dommage. Une partie de la doctrine tend à différencier la
notion de dommage de celle de préjudice : le dommage est souvent
défini par la doctrine comme la lésion subie à proprement
parler, qui s'apprécie au siège de cette lésion ; tandis
que le préjudice est généralement perçu comme la
conséquence de la lésion ou mieux encore la suite du dommage.
C'est donc la conséquence du fait internationalement illicite. Le
préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral
résultant du fait internationalement illicite de l'Etat. Autrement dit
il doit avoir porté atteinte à un droit ou intérêt
d'autrui juridiquement protégé. Il ne peut donc y avoir fait
internationalement illicite, et en conséquence responsabilité, en
l'absence d'une atteinte à un droit d'un tiers.
Enfin, le lien de causalité entre le dommage et cette
violation se résume en l'imputabilité. Le fait illicite au regard
du droit international ayant causé un préjudice à une
victime doit être attribué à l'Etat qui en est l'auteur,
c'est-à-dire qu'il doit être son fait. Le procédé
d'imputation a pour fonction de rendre possible
le rattachement de la conduite d'un sujet interne à un
sujet international aux fins de détermination de la
responsabilité.
B. L'engagement et la mise en oeuvre effective de la
responsabilité internationale
L'analyse doctrinale du déroulement de la
responsabilité est souvent obscurcie par le fait que l'on ne distingue
pas toujours suffisamment le temps successif qui le constitue. Cette analyse a
pourtant une importance théorique se rapportant notamment à la
catégorisation des différents types de faits illicites «
ratione temporis » mais elle a aussi une importance pratique,
révélée en particulier à propos de
l'appréciation des formes et de l'ampleur de la réparation due
par l'Etat responsable. C'est ainsi qu'il faut nécessairement distinguer
entre le lien de causalité et la mise en oeuvre de la
responsabilité.
Tout au premier rang l'engagement de la responsabilité
doit s'apprécier de deux points de vue : le premier est celui de l'Etat
responsable et le deuxième celui de l'Etat victime. On peut, pour ce qui
concerne le premier dire que sa responsabilité est engagée
à partir du moment où la violation d'une obligation primaire par
l'un de ses organes a crée à sa charge une obligation subsidiaire
généralement susceptible de réparation.
Cependant, du point de vue de l'Etat victime, l'engagement de
responsabilité a lieu à partir du moment où ce dernier
subit un dommage provoqué par le fait illicite de l'autre
Etat(29) ainsi atteint dans son droit subjectif, l'Etat
lésé peut alors invoquer la responsabilité propre à
l'auteur de la violation. En effet, dans bien de cas, il est vrai que le temps
de réalisation du manquement au droit coïncidera avec celui de la
création du dommage. L'engagement de
(29) DUPUY P.M., Droit international Public, 4è
édition, Paris, Dalloz, 1998, P. 185
responsabilité, naît de la conjonction de
l'illicéité imputable à un sujet et du dommage subi par
l'autre.
Au demeurant, pendant un temps, et pour une très large
part de la doctrine, la production d'un dommage était reconnue
consubstantielle à la création du fait illicite et aussi, mais
surtout, indispensable à l'existence de la responsabilité d'un
Etat. D'aucuns affirment pour résumer cette évidence que
naturellement, il faut l'existence d'un dommage pour que l'on parle de l'acte
illicite. Pourtant, l'article 1er du projet d'articles de la CDI se
détente d'indiquer tout fait internationalement illicite d'un Etat
engage sa responsabilité. L'allusion faite au dommage disparaît
donc de la définition même de la responsabilité. Il est en
effet admis cette élimination, car on indiquait le lien direct existant
entre responsabilité et atteinte à la légalité
internationale et l'on peut abstraitement concevoir que la création de
l'infraction suffise en elle-même à faire naître la
responsabilité de son auteur, raison pour laquelle cette institution
juridique joue un rôle clef dans le système général
d'incitation à l'application du droit international. Pratiquement, on ne
peut pas s'en tenir là.
Une responsabilité sans dommage est en effet
condamnée à rester à l'état de virtualité.
La responsabilité ne se résume pas seulement dans
l'établissement d'une atteinte intrinsèque à la
légalité internationale. Un nouveau rapport juridique naît
d'elle, entre son auteur et un autre sujet de droit, victime de cette
illicéité. Ce qui permet l'identification de ladite victime sur
le dommage qu'elle a subit.
Ainsi, le dommage qui donne à la responsabilité
de l'auteur d'infraction l'occasion d'être invoqué, comme le fait
apparaître la définition précitée de l'engagement de
responsabilité, celui-ci n'apparaît qu'avec la production du
dommage et le droit qu'elle fait naître entre la personne de sa victime
d'en demander réparation à son auteur. Il est donc vrai que sans
dommage pas
d'atteinte à un droit subjectif (30), et sans
atteinte à un droit pas d'intérêt juridique à
l'action en responsabilité.
Par ailleurs, s'agissant de la mise en oeuvre, sa question est
évidemment distincte, quoique trop d'auteurs n'y prennent pas garde :
elle ne se pose par définition qu'à partir du moment où la
responsabilité est déjà engagée. Elle a trait
à la détermination du contenu de l'obligation secondaire que la
création du fait illicite a fait naître à la charge de
l'Etat responsable. Elle identifie également les conditions dans
lesquels l'Etat responsable devra réaliser son obligation seconde, mais
aussi s'étendra à l'indication des droits, et,
éventuellement des devoirs du ou des Etats victimes.
La condition basique de la responsabilité est
l'existence d'un fait illicite. Sur un plan pratique, deux conditions doivent
être satisfaites : existence d'un préjudice et existence d'une
victime. Le dommage ne fait pas naître la responsabilité, mais il
est nécessaire pour la mettre en oeuvre.
En droit international, on admet aussi le dommage moral que le
dommage matériel. Le dommage moral est considéré comme
particulièrement important (le fait de porter atteinte à un Etat
par exemple en brûlant son drapeau). Le préjudice doit consister
en l'atteinte à un intérêt juridiquement
protégé.
(30) Par droit subjectif on entend par l'ensemble
des prérogatives reconnues à l'individu par le droit objectif.
Ils sont opposables aux tiers. Ce sont par exemple, le droit de
propriété, le droit de créance, (le droit de possession),
le droit à la vie ... On parle alors plus volontiers des droits. Un
droit subjectif peut être absolu ou relatif : Les droits absolus
s'appliquent à l'égard de tout tiers (ex. : droit de
propriété, droit à la vie). On dit qu'ils s'appliquent
erga omnes donc opposable à tous ; Les droits relatifs s'appliquent
à l'égard d'un ou plusieurs tiers déterminés (ex. :
droits découlant d'un contrat). Le droit objectif quant à lui est
l'ensemble des règles juridiques obligatoires applicables dans un pays.
Ces règles sont établies par le pouvoir
régulièrement en place dans le pays et sont destinées au
maintien de l'ordre et de la sécurité, et par suite à
préserver les intérêts subjectifs légitimes et de
réprimer les intérêts subjectifs illégitimes. On
parle alors plus volontiers du Droit
Ainsi, sur le plan du fond du droit, on affirme qu'il existe
des normes impératives, des normes qui ont plus de valeur que d'autres.
Tandis que sur le plan de la forme, il n'y a pas forcément de juge pour
faire appliquer ces normes. Tant que l'on ne crée pas une
compétence pour appliquer les normes impératives, elles ne
pourront pas produire tout leur effet. Pourtant sur la question du
préjudice, il y a eu une évolution sur le fond du droit. La
C.I.J. opère une distinction entre les obligations des Etats envers la
communauté internationale dans son ensemble, et envers un autre Etat
dans le cadre des relations diplomatiques. Les premières concernent tous
les Etats et peuvent être considérés comme ayant un
intérêt juridique à ce qu'elles soient respectées
(à ce titre elles ont une valeur erga omnes) (31).
Le juge international n'est compétent que si l'Etat impliqué a
accepté sa compétence. Les O.I. quant à elles, peuvent
agir en protection de leurs membres (protection fonctionnelle). Dans l'affaire
du Comte BERNADOTTE, Il est dit que l'organisation en tant qu'employeur peut
exercer sa protection fonctionnelle (équivalente à la protection
diplomatique) et ainsi soutenir l'action en responsabilité.
Section IIème : L'obligation de
protection de l'Etat hôte et les faits sur le « Comte BERNADOTTE
»
Il s'agit dans cette section de soulever les obligations de
protection de l'Etat à l'égard des étrangers et surtout
des missions diplomatiques et situation qui serait applicable dans l'affaire de
l'assassinat du Comte BERNADOTTE.
31 Les articles 40 et 41 du texte sur la
responsabilité portent sur les violations graves des normes
impératives : il y a un droit collectif a obtenir le respect des normes
erga omnes. Et pour qu'il puisse y avoir une victime. L'Etat prend en charge le
dommage subi par son ressortissant et s'adresse à l'Etat auteur du
dommage. C'est donc un dommage médiat (l'Etat fait la médiation).
On peut également considérer que l'Etat a subi un dommage
immédiat par la biais du dommage de son ressortissant.
§1. L'obligation de protéger
L'obligation de protéger est un outil fort au service
de la seule chose qui compte en définitive à savoir la protection
effective du personnel d'une Organisation Internationale. Clarifier la norme et
engager un débat à son endroit sont toujours choses utiles mais
d'évidence, cette classification ne sera jamais un substitut à la
volonté politique ou diplomatique. C'est pourquoi, cette protection en
droit international se manifeste à l'égard de touts les
résidents dans cet Etat ; mais dans notre contexte, elle s'attelle sur
les missions diplomatiques d'une part, et sur les personnes invitées
d'une mission.
A. A l'égard d'une mission
diplomatique
C'est la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques
de 1961 qui regorge la matière sur la protection des missions
diplomatiques. Cette convention expose les grandes lignes des règles du
droit diplomatique. Elle a été mise en oeuvre par le biais de la
loi sur les missions étrangères et les organisations
internationales. La Convention codifie les règles qui régissent
l'échange et le traitement des envoyés d'Etats, lesquelles ont
été solidement établies au fil des siècles par le
droit international coutumier.
La Convention de vienne sur les relations diplomatiques est
essentielle à la conduite des relations extérieures et garantit
aux diplomates qu'ils seront libres d'assurer leurs fonctions sans que le
gouvernement d'accueil n'exerce d'influence sur eux. Elle établit entre
autres : les règles relatives à la nomination des
représentants étrangers, l'inviolabilité des locaux de la
mission diplomatique, la protection de l'agent diplomatique et de sa famille
contre toute forme d'arrestation ou de détention, la protection de toute
forme de communication diplomatique, le principe d'exemption, l'immunité
de la juridiction civile et
administrative, hormis certaines exceptions, l'obligation par
les diplomates de respecter les lois du pays où ils se trouvent. Ainsi,
il est question dans cette partie de la protection de la mission
diplomatique
La protection d'une mission diplomatique trouve son fondement
aux articles 22 et 29 de la Convention sur les relations diplomatiques et trois
aspects à souligner ressortent de l'analyse de ces articles à
savoir : l'inviolabilité, les mesures de protection existantes en faveur
des représentations diplomatiques étrangères dans un Etat
donné mais aussi qui répond de la protection de ces
représentations (32).
Premièrement, l'article 22 §1 de la Convention sur
les relations diplomatiques prévoit que les locaux de la mission
diplomatique sont inviolables. Cette inviolabilité est absolue en ce
sens que les autorités de l'Etat accréditaire, notamment les
forces de police ne peuvent y pénétrer à moins qu'elles
n'aient obtenu le consentement exprès du chef de mission. La
règle de l'inviolabilité de la mission émane logiquement
de l'idée que la mission diplomatique est considérée comme
un organe de l'Etat accréditant. Or, cet organe doit être en
mesure d'accomplir sa tache de représentation en toute liberté,
c'est-à-dire sans ingérence ni entrave de la part de l'Etat
accréditaire.
En effet, cette inviolabilité couvre en plus des locaux
de la mission diplomatique, la résidence du chef de mission (art. 1 de
la Convention précitée), la demeure privée de l'agent
diplomatique (art. 30 §1) et enfin celle des membres du personnel
administratif et technique de la mission diplomatique (art. 32 §2).
32 Voir CIJ, ordonnance du 15 décembre 1979,
Personnel diplomatique et consulaire des Etats- Unis à
Téhéran : « Dans la conduite des relations entre
États, il n'est pas d'exigence plus fondamentale que celle de
l'inviolabilité des diplomates et des ambassades et, au long de
l'histoire, des nations de toutes croyances et de toutes cultures ont
observé des obligations réciproques à cet effet »
L'inviolabilité des locaux prévue audit art. 22
§1 est reprise mutatis mutandis à l'art. 31 §1 et 2 de la
Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires (cette
disposition est aussi reprise à l'article 1 section 3 de la Conventions
sur les privilèges et immunités des Nations Unies : Les
locaux de l'Organisation sont inviolables. Ses biens et avoirs, où
qu'ils se trouvent et quel que soit leur détenteur, sont exempts de
perquisition, réquisition, confiscation, expropriation ou de toute autre
forme de contrainte exécutive, administrative, judiciaire ou
législative.
La section 4 de la dite convention poursuit : Les archives
de l'Organisation et, d'une manière générale, tous les
documents lui appartenant ou détenus par elle, sont inviolables,
où qu'ils se trouvent, s'agissant des locaux du poste consulaire,
sauf que le consentement du chef de poste est présumé en cas
d'incendie ou d'autre sinistre. En revanche, cette inviolabilité ne
s'étend pas à la résidence du chef de poste consulaire
(soit celle d'un consul général ou d'un consul).
A son tour, l'article 29 de la convention sur les relations
diplomatiques précise que la personne de l'agent diplomatique est
inviolable (33), ce qui signifie qu'il ne peut être soumis
à aucune forme d'arrestation ou de détention. A noter que cette
inviolabilité personnelle couvre également les membres du
personnel administratif et technique (art. 37 §2 de la convention sur les
relations diplomatiques).
Deuxièmement, l'inviolabilité réside dans la
protection spéciale que l'Etat accréditaire doit à la
mission diplomatique. Ainsi donc, après un devoir
33 Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les
relations diplomatiques, art. 29 : « la personne de l'agent diplomatique
est inviolable. Il ne peut Être soumis à aucune forme
d'arrestation ou de détention. L'État accréditaire le
traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes mesures
raisonnables pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité ».
d'abstention, l'inviolabilité comporte une obligation
d'action à la charge des autorités de l'Etat
accréditaire.
L'art. 22 §2 de la Convention sur les relations
diplomatiques prévoit que l'Etat accréditaire a l'obligation
spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin
d'empêcher que les locaux de la mission ne soit envahis ou
endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité
amoindrie. Cette obligation est définie dans les termes analogues
à l'art. 31 §3 de la convention sur les relations consulaires. En
commentant l'art. 22, la CDI a relevé que pour remplir cette obligation
spéciale, l'Etat accréditaire doit prendre des mesures
spéciales, soit des mesures en dehors de celles qu'il prend pour
s'acquitter de son devoir général d'assurer l'ordre public
(34)
Cette protection spéciale revêt deux aspects : la
prévention d'éventuels actes dommageables et, lorsque ceux-ci ont
été commis, la punition de leurs auteurs. L'inexécution de
ces obligations constitue un délit dit d'omission qui entraîne la
responsabilité internationale de l'Etat. Les obligations de l'Etat
accréditaire dans ce domaine n'ont pas un caractère absolu. Le
devoir de prévention, en particulier, ne se réalise que dans le
cadre d'une responsabilité pour négligence. L'Etat
accréditaire doit faire preuve de « due diligence »,
mais il n'est pas tenu d'empêcher n'importe quel incident d'une
manière absolue, ce qui serait matériellement impossible. Il
incombe à l'Etat accréditaire d'apprécier les
circonstances de chaque cas d'espèce et d'adopter les mesures de
protection et de surveillance nécessaires.
Cette protection spéciale vise également l'agent
diplomatique. Selon l'art. 29 précité, l'Etat accréditaire
traite l'agent diplomatique avec le respect qui lui est dû, prend toutes
mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa
(34) Voir annuaire de la Commission du Droit
International 1958, Vol. I, p. 17
personne, sa liberté et sa dignité. Ces
principes obligent donc l'Etat accréditaire à prendre toutes les
mesures de protection qui s'imposeraient, y compris, éventuellement,
l'octroi d'un garde. La protection spéciale se concrétise par une
certaine surveillance par la police. Toutefois, cette surveillance doit
être exercée dans les limites raisonnables. On ne saurait exiger
que d'importantes forces de police stationnent continuellement dans le
voisinage des missions diplomatiques. En temps normaux, les missions n'ont rien
à craindre ; en revanche, dès qu'il existe par exemple une
tension internationale comme dans la guerre du Golf, ou qu'il y a
présomption que compte tenu de l'opinion publique de l'Etat
accréditaire à l'égard de la politique extérieure
ou intérieure (notamment le droit de l'homme) de l'Etat
accréditant, des attaques ou des manifestations sont à craindre,
l'Etat accréditaire doit renforcer sa protection de police.
B. A l'égard d'une personne invité d'une
mission
Dans ce point, il sera question (celle-ci est souvent fois
prévue dans les accords de siège entre le système des
Nations Unies et les Etats hôtes) de vider le contenu des
privilèges et immunités des experts en mission de l'ONU car c'est
ce qui englobe la pratique sur la protection des personnes invitées des
mission de part le statut leur accordé par les Etats hôtes. Et
c'est la Convention sur les privilèges et immunités des Nations
Unies du 13 février 1946 qui codifie cette matière. La Convention
stipule à son article 22 que les experts, autre que les
fonctionnaires, lorsqu'ils accomplissent des mission pour l'organisation des
Nations Unies, jouissent, pendant la durée de cette mission, y compris
le temps du voyage, des privilèges et immunités
nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute
indépendance.
bagages personnels ; immunité de toute juridiction en
ce qui concerne les actes accomplis par eux ou cours de leur mission y compris
paroles et écrits ; inviolabilité de tous papiers et document ;
droit de faire usage de codes et recevoir des documents et de la correspondance
par courrier ou par valises scellées, pour les communications avec
l'ONU.
Ce droit a été implicitement rappelé en
1989 dans l'affaire MAZILU où la Roumanie empêchait35
l'expert roumain de la sous-commission de la protection des minorités et
de la prévention de la discrimination de recevoir des communications du
Centre des droits de l'homme des Nations Unies de Genève. Cette
situation occasionnant la demande par l'assemblée générale
des Nations Unies de l'Avis consultatif du 15 décembre 1989 sur
l'applicabilité de la section 22 (36), de l'article VI de la
Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies
La Cour a donné à l'unanimité un avis
consultatif sur la question de l'applicabilité de la section 22 de
1'article VI de la convention sur les privilèges et immunités des
Nations Unies. Cet avis avait été demandé par le Conseil
économique et social de l'Organisation des Nations Unies aux termes de
sa résolution 1989/75 du 24 mai 1989 dont le texte intégral est
le suivant.
(35) Voir l'avis de la CIJ, Rec. 1989, p. 197 §55
(36) Ayant examiné la résolution 1988/37 de la
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la
protection des minorités, en date du ler septembre 1988, et
la résolution 1989/37 de la Commission des droits de l'homme, en date du
6 mars 1989,
«1. Conclut qu'une divergence de vues s'est
élevée entre l'Organisation des Nations Unies et le Gouvernement
roumain quant à l'applicabilité de la convention sur les
privilèges et immunités des Nations Unies au cas de M. DUMITRU
MAZILU, en sa qualité de rapporteur spécial de la Sous-Commission
de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des
minorités;
«2. Demande à titre prioritaire à la Cour
internationale de Justice, en application du paragraphe 2 de l'article 96 de la
Charte des Nations Unies et conformément à la résolution
89 I) de 'Assemblée générale, en date du 11
décembre 1946, un avis consultatif sur la question juridique de
l'applicabilité de la section 22 de 1'article VI de la convention sur
les privilèges et immunités des Nations Unies au cas de M.
Dumitru Mazilu en sa qualité de rapporteur spécial de la
Sous-Commission.»
Par ailleurs, en ce qui concerne l'immunité de
juridiction des experts en mission, la section 22 à son §b
suggère qu'elle couvre n'importe quel acte accompli par l'expert pendant
sa mission, cette interprétation impliquerait que l'immunité (de
juridiction) serait plus étendue que celle diplomatique (37).
En réalité, l'immunité reconnue aux experts en mission est
celle relative aux actes de la fonction.
En effet, cette disposition met davantage en évidence
le lien entre l'immunité de juridiction et la mission proprement
dite.
Au demeurant, dans l'affaire CUMARASWAMY DATO, ce juriste
malaisien alors Rapporteur spécial en 1994, nommé par la
Commission des droits de l'homme des Nations Unies pour les enquêtes sur
l'indépendance du pouvoir judiciaire, dans une interview lui
accordée par une revue de presse, il avait émis des doutes sur
l'impartialité de la justice malaisienne eu égard à
l'inquiétude manifestée par des hommes d'affaire étrangers
à l'égard de cette justice. De ce fait, ayant cité une
affaire illustrant ses propos, il avait fait l'objet d'actions en
diffamation.
Par contre, l'article VI section 23 de la convention de 1946
précitée prouve en suffisance que la protection de l'Etat
hôte dans ce contexte se limite en effet au statut que porte l'expert ou
mieux l'invité. C'est ainsi que les privilèges et
immunités sont accordés aux experts dans l'intérêt
de l'Organisation des Nations Unies, et non à leur avantage
personnel.
Chaque Etat aussitôt signer un accord cadre ou sous
d'autres cieux accord de siège avec l'ONU sur une éventuelle
mission des Nations Unies organise une cellule pouvant assumer la liaison entre
la mission et ses institutions (Tel est le cas par exemple pour la RDCongo, de
la Délégation Générale du
(37) Article 31 § 1 de la Convention de Vienne de
1961 sur les relations diplomatiques
Gouvernement chargée de la liaison avec la MONUC). Ce
qui signifie en effet qu'il n'est pas possible de trouver un expert de la
mission traîner devant la justice de l'Etat hôte sans qu'il y ait
pour lui une levé de l'immunité, du moins temporaire, sinon le
juge saisi se déclarerait incompétent en la matière. Il
faut alors entamer la procédure de la lever d'immunité. Le
Secrétaire général pourra et devra lever l'immunité
accordée à un expert, dans tous les cas où, à son
avis, cette immunité empêcherait que justice soit faite et
où elle peut être levée sans porter préjudice aux
intérêts de l'Organisation.
§ 2. Les faits sur le « Compte BERNADOTTE
»
Aussitôt créées, les Organisations
Internationales en collaboration avec les Etats membres, concluent la
nécessité de protéger et faciliter le fonctionnement de
leurs services qui se résume dans la base des règles sur les
immunités, les privilèges ; d'où, la convention
spéciale en fixe certains éléments importants dans le but
d'assurer l'indépendance des services. Mais il est évident
qu'elle n'épuise pas la matière et que l'obligation de
protéger la personne existe comme pour les diplomates
étrangers.
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