CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE ET DEFINITIONS DES CONCEPTS
CLES
1-1-Problématique
1-1-1- Problème de recherche et justification de
l'étude
Malgré le taux de croissance de la production agricole
soutenu et estimé a 5 % en moyenne durant la période 1994-2001,
la pauvreté est restée un phénomène
préoccupant au Bénin et touche environ le tiers de la population
(PNUD, 2003). Il fait partie des pays les plus pauvres du monde, avec un revenu
annuel par habitant de 365 dollars contre 470 dollars par habitant en 2001 pour
l'Afrique subsaharienne. Il se situe au 159ème rang sur les
174 pays classés selon l'indice du développement humain du
Programme des Nations Unies pour le Développement (IFAD, 2005).
Malgré un net recul de la pauvreté urbaine de 28% en 1994 et 23%
en 2000, la pauvreté en zones rurales s'est aggravée en passant
de 25% à 33% dans la même période (DSRP, 2002), rendant
davantage difficiles les conditions de vie de ces populations dont les
premières victimes sont les enfants. Une situation qui expose ces
enfants aux maladies, aux épidémies, à la malnutrition,
à la mendicité, au système de confiage ou de placement
d'enfants, à la non scolarisation ou à l'abandon de
l'école, etc.
Cependant, des réductions durables de la
pauvreté rurale avec toutes ses conséquences sur les enfants
(malnutrition, non-scolarisation ou déscolarisation, les maladies de
toutes sortes dont ils sont victimes) ne sont possibles sans une augmentation
de la productivité agricole et une diversification des cultures (FAO ;
2004), base principale de l'économie des pays en voie de
développement.
C'est dans cette optique de diversification des cultures que,
depuis les années 80, le Bénin a opté pour le
développement de la riziculture et beaucoup d'accords ont
été ratifiés avec différentes institutions
internationales pour promouvoir ladite culture.
En effet, le riz constitue pour le Bénin depuis
quelques années, une denrée de base dont les besoins
dépassent largement la production locale. Selon les statistiques de la
FAO, pour l'année 1997, la production du riz blanc était au
Bénin de 18.000 tonnes, tandis que les quantités importées
se sont élevées à 56.000 tonnes. D'autres statistiques
indiquent que ces importations ont atteint 71.200 tonnes en 1999. Ces chiffres
mettent en évidence le faible taux de couverture des
besoins par la production nationale qui représente ainsi
en 1997, moins de 30% de la consommation (FAO, 2001 ; Adégbola et
Sodjinou, 2003).
Pour pallier cette situation, les possibilités
d'intensification de la culture sont en cours d'étude pour augmenter la
production en vue de couvrir la consommation intérieure, d'exporter une
partie de riz produit localement, d'accroître le revenu des producteurs
et de rapporter ainsi des devises importantes pour la nation. C'est dans ce
cadre que l'Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB),
en collaboration avec le Centre du Riz pour l'Afrique (ADRAO), a introduit un
certain nombre de paquets technologiques pour l'intensification durable de la
riziculture au Bénin. Ces innovations ont été introduites
suite à certaines contraintes que sont l'assèchement
précoce et l'érosion constante, l'utilisation de
variétés inadaptées de semences, l'envahissement par les
adventices, l'insuffisance de la main d'oeuvre etc. (INRAB, 2000). Ces
innovations concernent les variétés améliorées,
l'aménagement et le désherbage à l'herbicide. Plusieurs
variétés ont été testées en milieu
réel avec la participation des paysans. La toute dernière gamme
de variétés de riz mises au point par l'ADRAO est
dénommée le NERICA2 (entendre Nouveau riz pour
l'Afrique). Considéré comme le riz "miracle" africain, il a
déjà fait ses preuves en Côte d'Ivoire et en Guinée
où il a été adopté à grande échelle
par les riziculteurs. Ces différentes variétés de riz sont
toutes différentes des variétés habituellement
cultivées (Gambiaka), en considérant les critères tels que
la résistance à la sécheresse, la précocité,
le tallage, la capacité à recouvrir le sol, le format des grains
et le rendement (INRAB,2000).
D'après Mama et al. (2000) et Assigbe et Munyemana
(2002), ces nouvelles technologies ont induit une augmentation du rendement en
paddy. Midingoyi (2003) quant à lui, dans son étude sur
l'évaluation économique des technologies d'intensification de la
production rizicole, a montré que les systèmes de riziculture
intégrant les variétés améliorées ont connu
une amélioration de leurs performances techniques et économiques.
De plus, les études socio-économiques de l'adoption de ces
variétés améliorées ont montré que leur taux
d'adoption est croissant depuis leur introduction (Adégbola et al,
2005).
Cependant, les performances techniques d'une technologie,
fut-elle en milieu rural, ne suffisent pas pour démontrer son impact
sur les performances des adoptants (Honlonkou, 1999) et sur
le bien-être qui, selon le PNUD (1998), est non seulement la
satisfaction du besoin « primaire »
2 NERICA : New Rice for Africa
d'alimentation, mais également la satisfaction des
autres besoins comme la scolarisation des enfants, la santé, le
logement, les facteurs de production, les moyens de déplacement etc. En
effet, les technologies techniquement efficaces peuvent avoir des effets
négatifs inattendus comme la distribution inégale des
bénéfices aussi bien entre les exploitations qu'à
l'extérieur des exploitations et surtout entre le genre (entre les
hommes et les femmes) (Bahtty, 1978 ; Herdd, 1978, Norman ,1992 ; Nwajiuba,
1995 et Arouna, 2002). De plus, l'adoption des technologies nouvelles comporte
également des coûts. Alors il urge de savoir si l'adoption de ces
variétés améliorées de riz a vraiment
contribué à l'amélioration de l'investissement sur le
capital humain, en particulier sur la scolarisation et la santé des
enfants.
L'importance de ces questions est à la fois
théorique et empirique. En effet, sur le plan théorique, la
connaissance des implications économiques du développement et de
la vulgarisation des technologies est nécessaire et souvent
décisive pour les décideurs publics, les partenaires au
développement et les gestionnaires de recherche dans les pays en voie de
développement (Honlonkou, 1999).
Sur le plan empirique, les quelques récentes
études (Houndékon, 1996 ; Ahoyo, 1996 et Adégbola et
Sodjinou, 2003) se sont intéressées à évaluer la
compétitivité du riz béninois. Celle de Midingoyi (2003) a
évalué les performances techniques et économiques des
nouvelles technologies introduites (nouvelles variétés du riz,
l'aménagement et le désherbage à l'herbicide). Il en
ressort que ces technologies ont permis une amélioration du revenu des
adoptants. L'impact de cette augmentation de revenus sur l'acquisition de biens
matériels et l'investissement sur le capital humain n'a pas
été abordé. Or, il y a une différence entre la
performance d'une technologie et son impact sur la pauvreté. La
présente étude est une contribution à l'évaluation
des effets induits par l'adoption des variétés
améliorées de riz au Bénin.
1-1-2- Objectifs de recherche
L'objectif général de cette étude est
d'évaluer l'impact de l'adoption des variétés
améliorées de riz au niveau des producteurs.
De façon spécifique, il s'agit de :
· :. déterminer l'impact des variétés
améliorées de riz en général et des NERICAs en
particulier sur la scolarisation des enfants ;
· :* déterminer l'impact des variétés
améliorées de riz dont les NERICAs sur la santé des
enfants.
1-1-3- Hypothèses de recherche
H1 : L'adoption des variétés
améliorées de riz en général et des NERICAs en
particulier a un
impact positif sur le taux de scolarisation et sur le niveau
d'investissement dans la scolarisation des enfants.
Dans cette hypothèse, les indicateurs choisis sont :
les taux de scolarisation et de maintien à l'école, le niveau
d'investissement dans la scolarisation des enfants. Selon la
littérature, plus le niveau économique des ménages est
élevé, plus ils scolarisent leurs enfants (Lututala et al.,1996 ;
Mabika et Dimbuene, 2002). On s'attend donc à une augmentation des taux
de scolarisation et de maintien à l'école et des dépenses
scolaires suite à l'amélioration du revenu des ménages
H2 : L'adoption des variétés
améliorées de riz dont les NERICAs permet aux riziculteurs
d'investir davantage dans la santé des enfants et
d'augmenter leur taux de fréquentation des hôpitaux en cas de
maladies de ces derniers.
Dans cette hypothèse, les indicateurs choisis sont : la
fréquence des maladies au sein des ménages (c'est la proportion
des individus ayant souffert d'une maladie quelconque au cours d'une
période de référence donnée. Lors de cette
enquête, la période de référence a été
limitée aux huit derniers mois précédent l'enquête),
la fréquentation des hôpitaux (nombre d'enfants malades
emmenés à l'hôpital sur le nombre total d'enfants
tombés malades dans le ménage au cours de la même
période) et les dépenses sanitaires par enfant malade.
L'un des thèmes les plus répandus dans les
études épidémiologiques est le lien entre le statut
socio-économique et l'état de santé (Scott, 2002 et de
Sardan, 2004). Il est donc attendu qu'une augmentation du revenu des
ménages permettrait à ces derniers d'emmener davantage leurs
enfants malades à l'hôpital.
Le test de ces deux hypothèses nous permettra de
connaître l'effet de l'adoption des semences améliorées de
riz sur l'investissement dans le capital humain. En d'autres termes, ce test
devra nous permettre de savoir si le revenu issu de l'adoption de ces
variétés améliorées de riz est assez suffisant pour
la scolarisation de tous les enfants en âge scolaire et la couverture de
leurs dépenses de scolarisation et de soins de santé.
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