B. Les tests d'efficience
Comme nous l'avons souligné précédemment,
le cadre théorique de l'hypothèse d'efficience des marchés
énoncée par Fama (1965) est longtemps resté trop
générique, et par conséquent difficile à tester
empiriquement. Ce qui l'a amené à distinguer trois types
d'efficience informationnelle des marchés. Nous allons succinctement
présenter deux des trois types d'efficience informationnelle, en ayant
soin de présenter plus en détail l'efficience faible, qui
siège au coeur de notre étude par la suite.
1. L'Efficience forte et semi forte
L'efficience forte stipule que les prix des
marchés reflètent à chaque instant l'historique
des prix, l'information publique, ainsi que l'information privée. Les
tests mettent en évidence des
rendements anormaux après des décisions importantes
concernant le titre considéré, mais non rendues publiques (avant
l'annonce d'une OPA mais après sa décision, par exemple).
L'efficience semi-forte stipule elle, que les prix des
marchés reflètent à chaque instant, toute l'information
contenue dans l'historique des cours boursiers, et toute l'information
publique. Les tests tentent de détecter la présence
d'éventuels rendements anormalement élevés sur les
périodes suivant une bonne nouvelle, ou anormalement faibles sur les
périodes suivant une mauvaise nouvelle. Si tel est le cas, l'anomalie
d'efficience informationnelle est incompatible avec l'efficience semi-forte.
« Une attitude raisonnable penche en faveur de
l'efficience semi-forte des marchés. Selon certaines études, il
n'est pas possible de systématiquement tirer profit d'une information
connue de tous, pour réaliser des profits anormaux, si l'on tient compte
des coûts de transactions, et cela compte tenu de la
rémunération du risque encouru ». (Pontrait et Poncet, 2008,
p. 35)
2. L'Efficience faible
L'efficience au sens faible postule que l'ensemble des
informations disponibles comprend uniquement l'historique des prix, et par
conséquent des rentabilités.
Les tests d'efficience faible cherchent à
détecter une éventuelle auto-corrélation dans le temps des
rendements successifs des titres. S'il y a bien auto-corrélation,
c'est-à-dire, si l'on peut prévoir les rentabilités
futures à partir des rentabilités passées, alors sous
certaines conditions, l'efficience se trouve invalidée. Deux types de
tests sont utilisés pour aboutir :
a. Les tests directs
Des tests directs visant à déterminer
l'efficience ont été réalisés par Fama & Blume
(1966). Leur test de « méthode des filtres » consistait
essentiellement à comparer le marché avec un portefeuille
naïf. Leurs résultats aboutirent à la validation totale de
l'efficience
De même, Hakkio & Rush (1989) ont testé les
relations inter-marchés pour déterminer si
l'interdépendance des cours permettait d'obtenir des profits anormaux.
Ces tests réalisés au moyen de méthodes de
co-intégration, ont abouti à l'invalidation de l'Efficience.
D'autres tests directs ont permis de mettre en évidence
des « anomalies » d'efficience informationnelle des marchés,
comme l'« effet taille » de Banz (1981), l'« effet janvier
» de Reinganum (1983), ou encore l'« effet vendredi 13 » de Kolb
& Rodriguez (1987)
b. Les tests indirects
Les tests indirects sont en grande partie des tests de marche
aléatoires ou de processus stochastiques (cf glossaire) visant à
vérifier si les rentabilités futures peuvent être
déterminées à partir des rentabilités
passées.
Mais parmi l'abondante littérature visant à
tester l'efficience faible des marchés, de plus en plus d'études
portent sur l'analyse technique, qui par essence n'a d'objet que la
réalisation de profits anormaux dans un environnement incertain, au
moyen des informations uniquement contenues dans les cours.
? De l'Analyse Technique et de ses
critiques...
Depuis son apparition, dont la plus ancienne technique est
attribuée à Charles Dow dans les années 1800, l'analyse
technique ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté
académique. Notamment à cause de son manque de rigueur et de
cadre théorique. Mais aujourd'hui, ce formalisme prend corps dans un
courant de recherche alternatif à la finance néoclassique ou
moderne, au sein de la finance comportementale (Orléan, 2008).
Pour proposer une définition de l'analyse technique,
citons Benoît Mandelbrot (1997), qui dit de l'ambition de ses praticiens,
dans son ouvrage Fractal, hasard et finance p.137 :
« [l]es praticiens de l' « analyse technique
» ont l'ambition de prévoir l'avenir sur la base des
évolutions du passé. » Ce qui au passage, montre bien
que l'analyse est un test d'efficience faible. Puis, il poursuit la phrase
suivante en clarifiant :
« Leurs méthodes sont subtiles, mais rarement
décrites assez précisément pour permettre
une vérification. Dans les cas exceptionnels où l'on a pu les
vérifier, leurs affirmations se sont
révélées sans fondements. Nous le
verrons dans le cas des « filtres » proposés par S.S
Alexander. »
Dans l'article de Jensen & Benington (1970), ledit
Alexander (1961, 1964) est également cité aux côtés
de Fama & Blume (1966) pour mentionner qu'effectivement les
stratégies de trading basées sur l'analyse technique ne
surperforment pas la stratégie Buy & Hold, et est cité aux
côtés de James (1968) et Van Horne & Parker (1967) pour
mentionner les mêmes résultats, avec des méthodes de
moyennes mobiles en particulier.
Mais dans le même article, Jensen & Benington (1970)
citent ensuite, Robert A. Levy (1967a, b) qui par une méthode d'analyse
technique ainsi nommée des « forces relatives » ou «
portfolio upgrading », obtient des résultats significativement
supérieurs à ceux de la stratégie Buy & Hold.
Quelle attitude alors avoir face à l'analyse technique?
Est-elle une méthode indirecte fiable pour tester l'efficience faible
des marchés?
Brock, Lakonishok & LeBaron (1992), ont fait remarquer que
l'attitude de l'académie envers la discipline est bien
résumée par Malkiel (1981) qui écrivait :
« Obviously, I am biased against the chartist. [...]
Technical analysis is anathema to the academic world. Our bullying tactics are
prompted by two considerations : (1) the method is patently false ; and (2) it
's easy to pick on. ».
Mais ils concluront en fournissant des résultats sans
équivoque sur les performances d'outils simples d'analyse techniques,
comme les moyennes mobiles ou les bandes de support et résistances.
Comme une réponse à cette dernière
critique de Malkiel (1981), Lo, Maymaysky & Wang (2000), dans «
Foundation of Technical Analysis : Computational Algorithms, Statistical
Inference, and Empirical Implementation » ont réalisé une
approche mathématique très formelle et rigoureuse, de ce qu'il
convient encore parfois de nommer dans certains milieux et selon eux, la
« voodoo finance ». Ils ne manquent d'ailleurs pas non plus
de citer Malkiel (1996), comme ayant largement contribué à cette
décrédibilisation de l'analyse technique dans son livre A
Random Walk down Wall Street, concluant en ces termes :
« [u]nder scientific scrutinity, chart-reading must
share a pedestral with alchemy ».
, avec o. l'écart-type de l'échantillon, et n la
taille de l'échantillon.
x -- u0
o.
t=
Cependant, Lo et al. (2000) rappellent dans l'article
sus-cité, que nombre de contributions ont été faites
depuis, en faveur de l'analyse technique. Comme les études de Tabell
& Tabell (1964), Trynor & Ferguson (1985), Brown & Jennings (1989),
Jegadeesh & Titman (1993), Blume, Easley, & O'Hara (1994), Chan,
Jegadeesh, & Lakonishok (1996), Lo & MacKinlay (1997), Grundy &
Martin (1998), et enfin Rouwenhorst (1998).
Et faisant référence aux contributions les plus
directes dans cette discipline, Lo et al. citent Pruitt & White
1988), Neftci (1991), Neely, Weller & Dittmar (1997), Neely & Weller
(1998), Chang & Osler (1994), Osler & Chang (1995), Allen &
Karjalainen (1999), et enfin Brock, Lakonishok, and LeBaron (1992), notamment
grâce à des méthodes simples de moyennes mobiles pour ces
derniers. A cette liste, j'ajoute également Osler (2003).
Brock et al. guideront structurellement l'étude
empirique de ce mémoire.
s Méthodes de calcul des
significativités des rentabilités
Diverses méthodes de significativités
statistiques sont utilisables, afin d'éviter notamment le data-snooping
(cf glossaire). Citons à ce titre John D. Lyon, Brad M. Barber, &
Chih-Ling Tsai (1999) pour des méthodes de tests sur les anomalies
d'efficience à long terme, Robert J. Shiller (1981) sur les mesures de
volatilité, et enfin Ryan Sullivan, Allan Timermann, & Halber White
(1999), pour des méthodes de bootstraping sur des performances de
stratégies type analyse technique.
Globalement, ces articles évoquent les mêmes outils,
et dans chaque cas, des p-values, où des probabilités critiques
sont obtenues, permettant de valider ou d'invalider l'hypothèse
nulle.
i) La t-statistic ou test t de Student : testant
l'hypothèse nulle selon laquelle la moyenne x de l'échantillon
considéré s'approche d'une valeur théorique
ì0, avec une probabilité déterminée par
l'intervalle de confiance de la variable x - ì0. L'intervalle
de
confiance choisi est souvent de 95% (ou 99%) ce qui autorise une
marge d'erreur de 5% (ou 1%)
Le t de Student est alors donné par la formule
générale ci-dessous :
ii) Le Bootstraping : Méthode de
rééchantillonage de données à partir d'un
échantillon initial sans aucune nouvelle donnée, d'où son
nom de bootstrap. Ces rééchantillonages se font par simulations
probabilistes (dites de Monte-Carlo), ici suivant des modèles de
formation des cours boursiers.
Les bootstraps peuvent donc se faire à partir de
simples simulations de marches aléatoires, jusqu'à des
simulations stochastiques bien plus élaborées, telles que les
modèles ARCH ou GARCH. Citons à cet effet Brock et al.
(1992). Ces derniers les utilisent tous, sauf le mouvement brownien
géométrique.
iii) Le ratio de Sharpe : utilisé pour comparer les
performances à celle de la stratégie Buy & Hold, parfois
complété par des simulations de type Monte-Carlo. Ryan Sullivan
et al. (1999), ont utilisé ce type de méthode pour
asseoir la significativité de leurs tests.
S ? R ? r
o.
|
, avec R le taux de rendement de l'indice
considéré, r le référentiel de comparaison
|
choisi, et o. l'écart-type du taux de rendement de
l'indice considéré. Dans le cadre des tests d'efficiences faible,
il s'agit souvent du rendement de la stratégie Buy & Hold.
iv) Les méthodes de Monte-Carlo :
Elles servent dans les méthodes de
rééchantillonage pour un test t de Student, un bootstrap ou un
ratio de Sharpe. La littérature est abondante sur le sujet, mais le
meilleur exemple d'utilisation de cette méthode dans les tests
d'efficience faible est l'étude faite par Brock et al.
(1992).
A l'ensemble de ces méthodes, auxquelles s'ajoutent
l'ensemble des outils classiques de statistique descriptive, notamment dans le
cas d'échantillons gaussien ou supposés comme tels, nous avons
trouvé intéressant d'ajouter un test de Bartlett, sur le
modèle de Brock et al. (1992).
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