IV DUALITE ET ENGAGEMENT
1. Gaston Gravier et Yves Châtaigneau, géographes
classiques
Il y a pas d'écrits théoriques de Gaston Gravier,
ni d'Yves Châtaigneau. Tout au plus, peut-on relever pour ce dernier un
article intitulé Les tendances actuelles de l'Ecole
géographique française écrit en 1925 dans geografski
vestnik, revue slovène qui vient à peine de naître et dont
c'est le deuxième numéro. Probablement destiné à
donner un aperçu d'ensemble de la géographie universitaire
française à un nouveau public étranger, il y fait un
panégyrique de l'Ecole dont il est issu.
L'introduction est significative du ton général de
l'article :
Son fondateur et son chef actuel (de l'Ecole
géographique française) Paul Vidal de la Blache et Emmanuel
de Martonne sont les égaux des mathématiciens Henri
Poincaré et Painlevé, du philosophe Bergson, des physiciens
Langevin, Jean Perrin, Curie et Branly, des géologues Termier et Kilian,
de l'historien Seignobos. Tous ces savants ont su s'élever au dessus du
domaine particulier de leurs recherches et de leur science à une
conception philosophique qui en fait les maîtres de la pensée
française contemporaine. (Annexe 2, n° 5, p.81)
Outre une présentation élogieuse de la vie et des
oeuvres de Vidal de la Blache, auteur présenté à la fois
comme scientifique et artiste, on y retrouve la conception possibiliste de la
géographie Vidalienne :
Les phénomènes humains ne sont pas
considérés uniquement comme le reflet des faits physiques.
Ceux-ci ne leur offrent que des cadres « possibles » parmi
lesquels l'homme se meut et auxquels il s'adapte à son gré,
orienté, mais libre de réagir. (Annexe 2, n° 5,
p.86)
Yves Châtaigneau s'en tiendra à cette conception
jusqu'au bout puisqu'il utilise le mot même de possibilisme en 1947 dans
une lettre liminaire à l'Atlas de la mutualité agricole en
Algérie.
On peut également relever une définition de la
géographie qu'il écrit en 1968 (soit un an avant son
décès) dans un compte-rendu d'ouvrages (Annexe 2, n° 25).
Définition 5 dont on peut dire qu'elle reprend le diptyque
description/explication qui fait la base même de la géographie
classique et qui forge le paradigme du mixte mis en lumière par M.C.
Robic (Robic, 1991).
L'absence de formalisation théorique chez ces deux
auteurs, leur engouement pour une géographie de « plein
vent » où l'observation in situ prime tout, la démarche
idiographique qui les caractérisent permettent donc de les situer, tout
au moins pour leurs écrits de géographie savante, dans le champ
classique de la discipline.
Plusieurs extraits peuvent être cités à cet
égard :
Dans une lettre datée du 2 janvier 1906, Gaston Gravier
écrit à Albert Demangeon :
Enfin à tout cela (Gaston Gravier vient
d'indiquer de nombreuses références bibliographiques)
j'ajoute les quelques observations que je pourrais faire, le sac au dos,
tandis que les camarades chantent à gorge
déployée.
Albert Demangeon parlant de Gaston Gravier :
Dans ces voyages, il aimait aussi l'imprévu, le
pittoresque : le départ de grand matin, à pied ou à
cheval, escorté le plus souvent d'un guide nécessaire dans les
régions qui manquent de routes ; l'étude du terrain
exploré, l'enquête chez l'habitant. (Demangeon, 1915,
p.456).
5. Science à la fois descriptive et explicative
qui cherche à mettre en lumière l'extension des
phénomènes superficiels de notre terre et leurs rapports locaux,
éclaircit à la lumière des données naturelles
permanentes l'aménagement d'espaces en pleine évolution.
Rendant hommage à Jovan Cvijic et à ses
méthodes d'investigation, Yves Châtaigneau écrit :
L'étude sur le terrain était poussée
à fond par Jovan Cvijic. On ne saurait retrouver ni dans les nombreux
travaux qu'il laisse, ni à aucun moment de son enseignement,
d'exposé qui ne soit le résultat direct d'observations
personnelles. Il voyageait une grande partie de l'année à pied ou
à cheval. (Annexe 2, n° 15)
Et plus loin, il précise :
Il procéda toujours du particulier au
général. Les lois auxquelles sont soumis les groupements humains
se dégageaient elles-mêmes des détails qu'il
observait.
Les articles qu'ils écrivent dans les Annales de
Géographie sont conformes au déroulé des monographies
régionales tel qu'on le retrouve dans la géographie classique
avec une présentation première des éléments
physiques suivie de celle des éléments humains, le glissement de
l'une à l'autre s'effectuant au niveau de l'étude de la
végétation et des cultures. Ce déroulé est moins
systématique chez Gaston Gravier que chez Yves Châtaigneau avec
une présentation souvent plus succincte des éléments
physiques. La codification de cette gestion spatiale de la production
géographique est maximale dans les passages de la Géographie
Universelle sur les Pays Balkaniques.
De fait, les chapitres rédigés par Yves
Châtaigneau sont un calque de ceux réalisés par Emmanuel de
Martonne pour le volume traitant de l'Europe Centrale. On retrouve le
même découpage en Etats-Nations (La Yougoslavie puis l'Albanie
puis....), le même partage entre la géographie
générale introductive et la géographie régionale
dont les grands ensembles sont de nature géomorphologique (comme le
montrent les cartes qui sont des croquis géologiques), la même
structure fragmentée à l'extrême entre de multiples
sous-ensembles soit thématiques, soit géographiques, soit
constitués par un mixte des deux (Orain, 2000 et 2001). C'est un
déroulé récurrent, le fameux plan à tiroirs,
particulièrement marqué dans la présentation de la vie
économique de chaque pays.
2. La séparation des supports éditoriaux
Alors que les géographes allemands n'hésitent pas
à intégrer l'élément politique dans leur
démarche scientifique quitte à dévier, dans l'entre deux
guerres, vers une Geopolitik qui se veut l'instrument d'une domination
politique et militaire de l'Etat, les géographes français de la
première moitié du XXe siècle se refusent à le
faire en considérant que science et politique doivent rester
séparées :
L'universitaire français redoute de se perdre, en
laissant « sa » science, la science, qui rêve de
schémas intemporels, être polluée par les contingences
humaines (Moreau-Defarges, 1994, p.200)
Comment concevoir que des auteurs qui sont à la fois
historiens et géographes et qui travaillent sur l'espace des Balkans
puissent se contenter d'une géographie non pas a-temporelle car
l'histoire y a sa part mais d'une géographie dégagée des
rapports de force internes et externes et des tensions qui résultent des
politiques d'Etat ou des réactions des peuples ? Bref, comment
peuvent-ils se contenter d'une géographie aseptisée ?
Tout montre, qu'au contraire, ils ne s'en contentent pas mais que
la ligne éditoriale des revues de géographie les contraignent
à cette séparation. Lucien Gallois, lui même, demandait aux
géographes de ne pas dépasser les limites strictes imparties
à la discipline dans les articles prévus pour les Annales.
Plusieurs raisons peuvent être émises à ce
sujet. La première est un problème de légitimation de la
discipline : science nouvelle, la géographie pour être
considérée comme telle, doit s'en tenir à une attitude
impartiale, ne pas prêter le flan à polémiques et faire la
preuve de son sens de la rigueur et du raisonnement. Ce n'est pas par hasard si
la « description raisonnée » est alors la formule
consacrée pour désigner la démarche géographique.
La géographie doit se révéler scientifiquement
irréprochable. Or, rien n'est plus controversé que les positions
politiques. Jacques Ancel, dans son ouvrage La Macédoine,
étude de colonisation européenne ne se déclare-t-il
pas interdit d'aborder les questions politiques qui peuvent prêter
à polémiques ? (Ancel, 1930b, p.321)
L'argument est d'ailleurs utilisé avant la guerre par
Camille Vallaux pour rejeter la géographie politique de Ratzel (Arrault,
2007, p.288). Il l'est aussi dans l'entre-deux-guerres, pour combattre la
Geopolitik allemande au milieu d'autres raisons plus théoriques que
développe Jacques Ancel.
En effet, aux yeux des géographes français et
notamment d'Albert Demangeon et d'Yves Marie Goblet, les géographes
allemands étaient sortis du domaine de la science (Robic et
Rössler, 1996a, p.144-146)
La deuxième raison est un problème de
délimitation de la discipline. Il convient d'attribuer à la
géographie un domaine spécifique et comment le faire si elle
traite de tout ? Dégager un pré carré à la
géographie c'est évidemment refuser les empiétements des
autres disciplines et donc les analyses politiques surtout si elles sont de
parti pris.
Que l'on retrouve des développements de type
« vidalien » dans les articles géopolitiques de
Gaston Gravier et d'Yves Châtaigneau ne contredit pas la
réalité d'une séparation des supports éditoriaux
dans la mesure où l'inverse n'est pas vrai. Seul le domaine de la
description des frontières, abordé dans des articles de
monographies régionales aussi bien pour Gravier que pour
Châtaigneau échappe à la règle, encore faut-il dire
que la présentation en question se limite à une brève
introduction à la description de la région sans analyse
approfondie des tiraillements entre Etats qui peuvent en résulter (ou
alors elle s'inscrit comme c'est le cas pour Yves Châtaigneau dans des
articles qui doivent faire le point sur les redécoupages
réalisés en Europe à la sortie des traités de
paix)
A cet égard, est-ce de la géographie
politique ou un élément d'étude qui existe
traditionnellement depuis fort longtemps dans la géographie
historique ?
Les seules exceptions notables sont les écrits de Camille
Vallaux et de Jean Brunhes. Contrairement à ce que peut affirmer Michel
Sivignon (Sivignon, 2005) les réflexions politiques sur les Balkans
transmises oralement par Jean Brunhes dans ses cours au Collège de
France sont marquées du sceau de la publication dès 1914 d'abord
dans la Revue de Géographie Annuelle puis reprises après la
guerre dans l'ouvrage qu'il a cosigné avec Camille Vallaux, La
Géographie de l'Histoire. Il n'y a donc pas seulement communication
verbale. En revanche il est vrai que les écrits de géographie
sont consacrés au « noyau » du paradigme de
l'époque qui est la relation de l'homme au milieu physique. Dès
que l'on s'écarte de ce noyau, on écrit donc dans des supports
autres que ceux dévolus à la géographie. C'est ce qui
permet de dire que la naturalisation de la géographie établie par
le paradigme vidalien et lui même centré sur le questionnement des
rapports homme/nature a eu tendance à réduire chez les
géographes les réflexions d'ordre politique ou social.
Il est à remarquer également qu'Emmanuel de
Martonne, expert géographe et « traceur de
frontières » au comité d'études pour la
conférence de la paix a complètement « omis »
de signaler dans sa liste « Titres et Travaux », les
ouvrages ou articles consacrant ce rôle politique, comme s'il
considérait que ces écrits étaient à retrancher de
son oeuvre scientifique (Hallair, 2005). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si
la plupart des géographes ayant participé à ce
comité d'études ont été particulièrement
discrets sur cette expérience.
Gaston Gravier et Yves Châtaigneau suivent donc ce
schéma qui va les amener à séparer les deux domaines. Dans
le cas de Gravier, la séparation n'est pas double mais triple. Il y a
dans sa production, des articles qui relèvent de la géographie
régionale classique et qui paraissent dans deux types de support :
les Annales de Géographie et le Bulletin de la société
serbe de Géographie, des articles de type politique
étrangère qui paraissent dans la Revue de Paris et dans Questions
Diplomatiques et Coloniales et enfin des articles d'actualité qui
paraissent dans la presse qu'elle soit quotidienne ou mensuelle, plus
exactement dans les journaux Le Figaro et Le Temps et dans
Correspondance d'Orient. La transition entre la première
catégorie et la seconde se fait par le Bulletin de la
Société de Géographie Commerciale de Paris dont l'unique
article recensé de Gaston Gravier traitant de l'émancipation
économique de la Serbie peut être qualifié de
mi-géographique mi-politique.
Il y a une gradation dans ces articles. Si ceux parus dans les
revues de géographie classique peuvent être
considérés comme « apolitiques », ceux des
revues de politique étrangère sont déjà de parti
pris et ceux parus dans la presse sont engagés voire
délibérément polémiques.
Pour Yves Châtaigneau, deux types de support sont
utilisés, les Annales de Géographie et La Vie des Peuples, revue
spécialisée dans le domaine politique et littéraire, selon
la même séparation entre domaine
« géographique » et domaine
« politico-diplomatique ». Dans la seconde revue, Y.
Châtaigneau y prend simultanément l'habit de l'expert en relations
internationales et celui du spécialiste d'économie
financière. Il se fait à la fois l'historien quasi contemporain
de questions diplomatiques sensibles et le conseiller de dirigeants en mal
d'informations dans des domaines aussi divers que les taux de change, la
législation fiscale, le tracé des futures voies ferrées,
les emprunts d'Etat, la balance commerciale. Ces articles n'ont pas de
structure : il n'y a pas d'introduction, ni de conclusion, aucune partie
n'est perceptible dans le corps du texte sous forme de titre. Le style est
plutôt informatif et peut ressembler au style utilisé pour
l'écriture d'un rapport administratif dont la
technicité s'appuie sur de nombreuses informations chiffrées. On
serait amener à dire que c'est tout à fait le genre de documents
qu'un gouvernement attend d'un haut fonctionnaire.
La formation de géographe d'Yves Châtaigneau peut y
transparaître notamment lorsqu'il critique les tracés
prévus du futur transdinarique et lorsqu'il propose d'autres
tracés susceptibles d'être plus appropriés aux
caractéristiques des territoires. Aucune proposition n'est d'ailleurs
envisagée sans son coût financier, lequel est mis en regard avec
l'utilité du projet :
Le tracé préparé ne traverse sur un
tiers de sa longueur que des régions karstiques, dépourvues
d'industries et où la densité de population n'atteint pas 30
habitants au km2. Il ne se justifie pas par sa valeur stratégique, car
il impose à l'Etat la couverture de déficits d'exploitation
qu'aucun rapport de budget ne pourra prévoir avec exactitude. Il ne
traverse aucune ville de population supérieure à 10000 habitants.
Or, toute voie ferrée doit traverser des villes et des zones
susceptibles de fournir du trafic sinon dans le présent, du moins dans
l'avenir. Même celles établies en Lorraine, sur la demande de
l'Etat-major Allemand, avant 1914, obéissaient à ce
principe. (Annexe 2, n° 14, p.1159)
La séparation de deux domaines, l'un académique et
scientifique et l'autre politico-diplomatique et engagé ne semble pas
avoir posé de problèmes à ces auteurs. Ceux-ci peuvent
s'éloigner du domaine scientifique sans dommages : il suffit de ne
pas l'exposer et de ne pas le revendiquer dans le milieu universitaire. Pas de
tiraillement, ni d'écartèlement chez eux, on serait plutôt
amené à parler de schizophrénie intellectuelle.
Le contenu de la correspondance entre Gaston Gravier et Albert
Demangeon illustre cette séparation : alors que les avancées ou
les difficultés dans la production des écrits de type
géographique (ou historique) sont mentionnées dans le
détail, rien n'est dit ou presque de la production
« géopolitique » qui ne relève ni du
jugement, ni du domaine du maître.
3. L'engagement national de Gaston Gravier
En même temps que d'être géographe, Gaston
Gravier est journaliste. Il est employé par les journaux pour être
un observateur de la vie Serbe. Correspondant particulier est
l'expression qui revient le plus souvent en tête d'articles qui,
chronologiquement, s'inscrivent tous dans la période la plus
troublée qu'il a pu connaître : les guerres Balkaniques. Il a
d'ailleurs suivi la progression de l'armée Serbe lors de la
deuxième guerre notamment sur les terres albanaises. Il n'est pas anodin
de signaler à ce sujet que Jacques Ancel a été
également journaliste en assumant pendant plusieurs années la
direction de la politique étrangère d'un grand quotidien
d'information, en l'occurrence au journal L'Information
(Péchoux et Sivignon, 1996) et qu'Albert Mousset, historien
spécialiste du monde slave et auteur de nombreux articles sur la
Yougoslavie, y était également rédacteur.
Probablement le poste de Lecteur de Français que Gaston
Gravier occupe à l'Université lui permet d'être à un
bon poste d'observation. Il est fin connaisseur de la presse locale dont il
reprend analyses et inquiétudes et tous les domaines sont bien sûr
abordés : situation militaire, vie politique, colonisation des
territoires conquis, rachat des voies ferrées par l'Etat Serbe,
création de l'Albanie etc.
Outre les articles de presse, ses articles
« géopolitiques » sont très souvent
marqués du sceau de l'actualité d'une part parce que l'expansion
de la Serbie vers le sud le conduit à établir un diagnostic de la
situation des nouveaux territoires du pays, d'autre part parce la
défense des intérêts serbes lui impose de réagir.
L'exemple le plus probant est son article intitulé La Question
agraire en Bosnie-Herzégovine paru en 1911 soit trois ans
après l'annexion de la région par l'Autriche-Hongrie et un an
après les soulèvements durement réprimés des
paysans bosniaques par les autrichiens.
L'étude essentiellement juridique qu'il y développe
dénonce la dégradation de la condition des paysans soumis
à un antique régime féodal ainsi que le
développement de la colonisation autrichienne injuste dans ses
modalités vis à vis des éléments serbes. Il en
arrive ainsi à y condamner à la fois l'héritage turc et la
domination récente de l'empire des Habsbourg, ceci pour laisser entendre
que le meilleur statut possible de la région est le rattachement
à la Serbie.
De fait, certaines positions sont récurrentes dans ces
écrits d'actualité : il souhaite la libération et la
réunion de toute la race serbe, la disparition de l'oppression
qu'exercent Italiens et Autrichiens sur les minorités slaves, la
réalisation de l'unité Yougoslave à partir du rameau
serbe, le refus d'une Albanie indépendante création artificielle
des Autrichiens, la condamnation de la germanisation et de la magyarisation de
la Bosnie-Herzégovine, l'accès à l'Adriatique
indispensable pour la Serbie.
Le style est souvent lyrique et enthousiaste notamment lorsque
sont évoqués les (re)conquêtes de l'armée serbe sur
des lieux historiques considérés comme lieux de gloire nationale.
Il est parfois dans l'identification à la cause serbe comme peut le
montrer le passage suivant :
L'Adriatique n'a jamais rien eu d'autrichien. C'est depuis
Napoléon seulement et la dislocation des provinces Illyriennes que la
côte Dalmate fait partie de l'Empire. Auparavant Trieste seule avec un
fragment de littoral relevait de ses possessions. Mais nous et
notre puissance sommes nés sur la côte. Scutari
fut notre première capitale. Durazzo fut, un temps,
notre ville. Depuis Alessio vers le Nord toutes les
églises bordant le littoral sont nôtres.
(Annexe 1, n° 22, c'est nous qui soulignons)
Comparé aux écrits de Jean Brunhes et de Camille
Vallaux, qui relatent avec émotion certains faits vécus lors des
guerres balkaniques (migrations de réfugiés, maisons
brûlées ou abandonnées, camps de regroupement), ce qui
frappe chez Gaston Gravier, c'est le peu d'évocation des
conséquences humaines qu'elles peuvent entraîner. De fait, la
population civile n'est guère présente dans ces écrits de
« période chaude ».
Il en appelle souvent à l'action et agit lui
même.
A la base des propositions qu'il émet, on trouve toujours
des préoccupations politiques. Il lance un appel à la
conquête des provinces serbes d'Autriche-Hongrie, message qu'on peut
qualifier d'appel aux armes puisqu'il qualifie l'Empire des Habsbourg de
Nouvelle Turquie (Annexe 1, n°1, p.161). Il énumère
les mesures d'organisation économique, administrative ou religieuse qui
doivent être mis en oeuvre dans les nouveaux territoires conquis par la
Serbie en 1913. Il considère qu'il faut entreprendre la conquête
démographique de Trieste et Fiume. Il demande à la presse de se
consacrer davantage aux éléments de rapprochement de toutes les
nations slaves du sud et moins à ceux qui alimentent les divisions
intestines entre croates et serbes. Il dénonce le régime
répressif des journaux en Bosnie-Herzégovine alors occupée
par L'Autriche-Hongrie. Il présente même un véritable
programme de guerre culturelle qui sera en partie réalisé et qui
est dirigé contre l'influence autrichienne en Serbie :
création d'écoles et de lycées français,
prospectus, affiches, fondation d'une librairie exclusivement française,
agent sur place qui orienterait les étudiants vers les
universités françaises...etc..
C'est un militant de la cause serbe et tout laisse penser qu'il
se fait journaliste et géopoliticien en grande partie pour les besoins
de la cause.
Pour lui, il y a une alliance de nature entre les yougoslaves et
les français, ce qui lui fait dire qu'avec un tel programme culturel et
face au danger de l'expansion germanique, nous serons mieux armés
pour cette lutte commune (Annexe 1, n° 14)
Il paye de sa personne puisque son travail de rapprochement
intellectuel entre la Serbie et la France trouve son point d'aboutissement dans
certaines réalisations : fondation en 1911 avec l'appui de Monsieur
Descos, ministre de France à Belgrade, d'une société
littéraire française qui organise des cours en français et
qui crée des filiales dans plusieurs villes serbes, recrutement de
conférenciers (dont René Pinon) venus de France, envoi de jeunes
étudiants serbes dans les universités françaises.
Percevant le danger, l'Autriche-Hongrie a même tenté de
l'acheter.
Reprenant les propos de Claire Gravier dans une longue lettre
qu'elle lui a adressée datée du 18 octobre 1915, voilà ce
qu'écrit Albert Demangeon dans la notice nécrologique qu'il
a consacré à Gaston Gravier :
De cette ambition l'Autriche avait si bien le sentiment qu'en
1913 elle lui avait fait offrir, avec des émoluments triples de ceux
qu'il recevait à Belgrade, un poste dans l'une des universités de
la monarchie. A ses yeux, accepter eût été
trahir.(Demangeon, 1915, p.457).
Le degré de confiance et d'engagement est tel que le
gouvernement serbe accepte qu'il travaille sur des archives secrètes
pour son ouvrage les frontières historiques de la Serbie
de même qu'il demande au gouvernement français par
l'intermédiaire d'Albert Demangeon de le faire revenir en Serbie alors
qu'il est sur le front en France (Wolff, 2005 p. 528 et correspondance Claire
Gravier/Albert Demangeon).
Chaque article géopolitique ou d'actualité qu'il
écrit peut donc être vu à travers le prisme des
intérêts de son pays d'adoption mais aussi à travers les
jeux d'influence et les particularités géopolitiques
européennes de l'avant-guerre. Gaston Gravier n'échappe
évidemment ni à son époque, ni au lieu qu'il étudie
et dans lequel il vit. Son nationalisme est vraisemblablement un nationalisme
de transfert ou de communion.
Né en Lorraine, non loin de la frontière allemande
et des « provinces perdues » dans un milieu d'instituteurs
qui est celui des « hussards noirs de la
République » à une époque où
l'enseignement en général et celui de la géographie en
particulier est destiné à fortifier le patriotisme des
écoliers, il a lié son nationalisme originel à celui, plus
intellectuel, qu'il a pu développer pour sa patrie d'adoption dans une
même hostilité à l'égard de l'ennemi
germanique :
Il pensait que la France aurait un jour à se battre
pour la Serbie ; il associait ces deux patries l'une à l'autre, et
il préparait peut-être son esprit à cette idée que,
si jamais il mourrait dans la guerre qu'il prévoyait, il tomberait en
les défendant toutes deux. (Demangeon, 1915, p. 457).
Le 29 octobre 1914, Gaston Gravier écrit à Albert
Demangeon :
C'est d'une tranchée en 1ere de ligne que je vous
écris à l'adresse que me communique ma femme. Après la
campagne de Lorraine, c'est depuis un mois la campagne du Nord. Vous pensez
comme je suis heureux de pouvoir ainsi défendre tour à tour mon
pays d'origine et mon pays d'adoption.
4. La serbophilie des géographes français.
Les relations historiques étroites entre la Serbie et la
France constituent bien évidemment une explication à la
serbophilie ou à la yougoslavophilie des géographes
français. Sans remonter loin dans le temps et sans entrer dans des
développements conséquents, rappelons simplement qu'en 1878 au
congrès de Berlin, l'extension vers le sud de la Serbie est obtenue avec
l'appui de la France. C'est Gaston Gravier lui même qui cite une phrase
de Ristic, délégué serbe au congrès de
Berlin :
Si mes faibles tentatives procurent quelques avantages
à la Serbie, celle-ci les devra au noble appui que la France a toujours,
et dans cette circonstance également, prêté à mon
pays. (Annexe 1, n° 19 p. 420)
Rappelons également que l'anti-germanisme virulent qui
caractérise la France de la fin du XIXe siècle et du début
du XXe siècle pousse les gouvernements à entretenir des relations
avec les Russes et avec leurs protégés que sont les Serbes. Les
deux systèmes d'alliances que sont la Triple Entente et la Triplice se
mettent en place. La Serbie est naturellement conduite à être
l'alliée de la France, à recevoir des armes françaises
pour équiper son armée (elle choisit le canon de 75 en 1907) sans
pour autant qu'il y ait d'alliance militaire entre les deux pays. Pierre
1er de Serbie est francophile, ardent partisan de l'alliance avec la
Russie et la France.
Du point de vue financier les relations sont fortes entre les
deux pays surtout à partir du moment où l'Autriche-Hongrie
organise une guerre économique envers la Serbie (« guerre des
cochons » de 1906-1911). De grands emprunts sont émis en
France et la banque franco-serbe accroît son importance au
détriment des intérêts autrichiens (Poidevin, 1964).
Du point de vue intellectuel, il y a de forts liens
d'universités à universités et on assiste à un
éveil des sentiments pro-serbes notamment à l'occasion des
guerres balkaniques, sentiments qui touchent une grande partie des
universitaires historiens et géographes tels Jean Brunhes, Ernest Denis,
Emmanuel de Martonne, Emile Haumant.
Mais c'est surtout la grande guerre qui fait naître un
véritable engouement pour la Serbie (Bariety, 2000, p.308). Les
combats héroïques des Serbes au début du conflit, leurs
malheurs par la suite, la lutte commune à partir de l'intervention de
l'armée d'Orient, tout cela explique la publication d'un certain nombre
d'écrits très favorables à la Serbie parmi lesquels on
peut citer l'ouvrage d'Ernest Denis intitulé La Grande Serbie
publié en 1915 ou la longue préface de Jean Brunhes au
précis d'histoire serbe publié en 1917 (Brunhes, 1917),
préface qu'il signe « un vieil ami de la Nation
Serbe ».
Jean Jacques Becker rappelle à cette occasion qu'en dehors
des Belges, les seuls étrangers à qui furent
dédiées des journées de quêtes nationales furent les
serbes.(Becker, 2001, p.7)
Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes puis la
Yougoslavie à partir de 1929 continuent d'être le point d'appui de
la politique balkanique de la France après la guerre.
L'influence de Jovan Cvijic dans la serbophilie des
géographes français est également fondamental. Ses
rapports sont profonds avec la France. Contraint de fuir son pays en 1915, il
donne, en pleine guerre, des conférences à la Sorbonne en
1917-1918 à l'instigation de Vidal de la Blache et du recteur Louis
Liard. Il fait partie de la délégation officielle des Serbes,
Croates et Slovènes à la conférence de la paix, il y
côtoie Emmanuel de Martonne et se lie d'une amitié
particulière avec Ernest Denis (qui fut le professeur d'Yves
Châtaigneau) avec qui il fonde l'institut d'études slaves à
Paris en 1924. Il enseigne de nouveau en France en 1924-1925.
Son ouvrage principal La péninsule balkanique,
étude de géographie humaine est publié en
français avant de l'être en serbe, nombreux sont ses articles
publiés en français (ce qui ne l'empêche pas aussi
d'écrire en allemand) et certains de ses ouvrages sont repris ou
résumés notamment dans les Annales de Géographie par
Lucien Gallois et Emile Haumant. D'abord spécialiste de
géomorphologie, il s'oriente à partir de 1902 vers la
géographie humaine puis s'engage dans des écrits d'ordre plus
politique lorsqu'en 1908 l'Autriche-Hongrie annexe la
Bosnie-Herzégovine.
Par son action et surtout par ses écrits, il soutient la
cause serbe, entreprend une véritable croisade contre les
prétentions autrichiennes en Serbie et élabore une conception
unitaire d'un futur Etat des Slaves du sud centré sur sa partie
orientale c'est à dire essentiellement sur la dépression
moravo-vardarienne. Il est donc un des instigateurs d'une Yougoslavie où
l'élément serbe est appelé à dominer.
Cvijic a été un conseiller très
écouté lors de la conférence de la paix lorsqu'il s'est
agi de tracer les frontières des nouveaux Etats en Europe.
Les géographes français adoptent à la fois
les conclusions scientifiques de Cvijic (par exemple les « types
psychiques des populations ou les mouvements métanastasiques) mais ils
adoptent aussi son « projet politique ».
Voici ce que peut écrire Gaston Gravier dans son article
sur la région de la Choumadia :
Le pays par sa position, de même que par son histoire
et son peuplement, constitue le coeur de la Serbie actuelle. Là
convergent, se renforcent les traits les plus caractéristiques de la
nature du pays, tous les éléments divers, toutes les faces
vivantes du peuple serbe. Après avoir joué le rôle de
creuset élaborateur de la nationalité, cette région,
expression la plus vivante de la conscience nationale et du royaume, influe au
loin dans tous les sens. Dans la langue du pays,
« sumadinac » représente le serbe le plus pur ;
c'est presque un titre de noblesse parmi tous les autres membres de la
race. (Annexe 1, n° 11, p. 272)
Dans plusieurs de ces articles de presse, Gaston Gravier
espère manifestement des serbes qu'ils soient les artisans de
l'unité yougoslave en considérant que le haut degré de
civilisation qu'ils ont atteint ainsi que la conscience plus
élevée qu'ils peuvent avoir de l'unité nationale les
prédestinent non seulement à délivrer leurs
frères de race mais également à être
l'élément moteur de cette réalisation.
Yves Châtaigneau, pour sa part, reprend l'idée que
la Serbie a été pour la Yougoslavie ce que le Piémont a
été pour l'unité italienne et rajoute qu'elle
était prête à combattre tandis que les croates
négociaient et que les slovènes tiraient le meilleur parti d'une
situation de fait. (Annexe 2, n° 2, p.98).
On retrouve ici l'idée, fréquemment
évoquée par Cvijic, que la légitimité d'une
position dominante accordée aux serbes dans la construction d'un Etat
des slaves du sud vient de ce qu'ils ont accédé à leur
propre indépendance pendant que les autres peuples slaves
s'accommodaient plus ou moins du joug étranger.
On pourrait également citer des écrits de Jean
Brunhes allant dans le même sens notamment dans la préface du
Précis d'Histoire Serbe (Brunhes, 1917).
Concernant la question macédonienne, il est
intéressant de noter que la position de Gaston Gravier est plus
serbophile que la position de Cvijic lui même. Tout en penchant pour un
rattachement de la Macédoine à la Serbie, la probité
scientifique de Cvijic, l'analyse rigoureuse et objective qu'il
développe lui fait prendre une position modérée en la
matière. Sa « création » d'une
catégorie ethnique regroupant les slaves macédoniens (qui selon
lui pouvaient s'assimiler aussi bien à la Serbie qu'à la
Bulgarie) le prouve et est vraisemblablement guidée par un souci de
neutralité lié à sa propre nationalité. On peut
ainsi comprendre que le citoyen français qu'est Gaston Gravier,
dégagé de ces scrupules, ait pu prendre une position plus
tranchée.
La yougoslavophilie de l'après guerre est moins
prégnante que la serbophilie des années de guerre et d'avant
guerre. On peut néanmoins la percevoir à travers le compte rendu
d'une excursion interuniversitaire organisée en Yougoslavie en 1929,
dans lequel sont mis en avant les réalisations modernes de la
colonisation yougoslave au Kosovo. (Larnaude, 1930 et Sivignon, 2005).
5. L'engagement diplomatique et politique d'Yves
Châtaigneau
L'année 1924 marque en tournant dans la carrière
d'Yves Châtaigneau. Il quitte le milieu universitaire et n'y reviendra
plus. Sans que l'on puisse dire si les deux articles géopolitiques
écrits pour la revue « la Vie des Peuples » sont des
rapports recyclés (rien n'a été trouvé en ce sens),
il est probable que ces productions ont eu une incidence sur la volonté
du Quai d'Orsay de s'attacher ses services.
Toujours est-il qu'Yves Châtaigneau est appelé au
ministère des Affaires Etrangères en tant que chef de section au
Service des OEuvres Françaises à l'Etranger (SOFE), service qui
naît en janvier 1920 de la réorganisation de la Propagande
Française à l'issue de la première guerre mondiale. Yves
Châtaigneau s'y consacre aux questions cinématographiques,
à la radiodiffusion, aux relations culturelles entre la France et
l'étranger. Dans les dix années qui suivent, il écrit
pourtant encore quatre articles de géographie, il participe à la
Géographie Universelle et livre même en 1938 un compte-rendu
d'ouvrage pour les Annales de Géographie. Tout semble donc indiquer
qu'il ait eu une activité de géographe parallèlement
à son travail de haut fonctionnaire.
En 1936, sa carrière s'élargit : il est
associé à la politique gouvernementale en étant
appelé auprès de Léon Blum, lequel cherche un
chargé de mission issu du Quai d'Orsay pour l'analyse des questions
internationales. Il est donc intégré à
« l'Equipe » du Secrétariat Général du
Gouvernement que dirige Jules Moch. Il signe sous son nom dans ces
années 1936-1938 des conventions internationales sous l'égide de
la Société des Nations concernant l'emploi de la
radiodiffusion dans l'intérêt de la paix (23 septembre 1936
à Genève) et sur la circulation internationale des films
ayant un caractère éducatif (12 septembre 1938).
En 1937, il succède à Jules Moch comme
Secrétaire Général à la présidence du
Conseil. C'est un poste important et récent puisque le
Secrétariat Général a été créé
par P. E. Flandin en 1935 et qu'il s'agit d'assurer la coordination des
ministres, de donner au président du Conseil la documentation
nécessaire à la prise de décision et de suivre les travaux
législatifs. Le Secrétaire Général assiste aux
conseils de cabinet et aux conseil des ministres. Dans cette fonction, Yves
Châtaigneau participe à d'importantes réformes.
Son engagement politique date de cette période du Front
Populaire. Jules Moch indique qu'il est homme de gauche mais non
socialiste (Moch, 1976) mais qu'il le devient au contact du plus
gauchiste de « l'Equipe » du Secrétariat
Général : Marceau Pivert.6
En effet, Yves Châtaigneau adhère au parti
socialiste SFIO en 1937. Il participe à la revue orientée
à gauche L'Homme Réel dont le sous-titre est Revue
Mensuelle du Syndicalisme et de L'Humanisme sans pourtant y formuler
aucune de ses convictions politiques. Le seul texte qui témoigne de cet
engagement est une intervention au cours du colloque sur Léon Blum
chef de gouvernement organisé par la fondation nationale des
sciences politiques sous la direction de René Rémond et Pierre
Renouvin en 1965. Voici comment il raconte certains de ses souvenirs :
Pendant les grèves de juin 1936, je m'arrêtais
régulièrement devant le chantier du musée d'art moderne
qui était en construction à ce moment là, et je parlais
avec les grévistes. Les deux tiers de mes interlocuteurs
n'étaient pas syndiqués, mais les uns comme les autres me
disaient : « ce qu'il y a de changé, c'est que nous avons
un gouvernement avec lequel nous pouvons causer, et nous savons que ce
gouvernement ne prendra pas de mesures de répression contre les
grévistes ».
6. Marceau Pivert (1895-1958) est le principal dirigeant du
courant révolutionnaire au sein de la SFIO dans les années 30. Il
représente le courant marxiste dans la tradition du Guesdisme. Il
crée la Gauche Révolutionnaire (GR) en 1935 qui regroupe les
militants de la SFIO les plus à gauche. Exclu du parti en 1938, il fonde
le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (P.S.O.P.). Il s'est toujours
intéressé aux méthodes de propagande
cinématographiques et a supervisé la production de plusieurs
films militants.
Je trouve ce détail essentiel parce que c'est une
marque de confiance envers le gouvernement, avec lequel on discutera
d'ailleurs, mais marque de confiance absolue, il n'y a pas d'esprit
révolutionnaire, c'est plutôt un esprit socialiste. Lénine
disait que pour faire une révolution il faut la complicité de la
classe paysanne : il n'y avait pas de complicité de la classe
paysanne pour faire une révolution en France ; et d'autre part
Lénine disait qu'il faut une volonté agissante pour qu'une
révolution impose ses formes : il n'y avait pas non plus de
volonté agissante prête à entamer une
révolution. (Rémond, 1967, p. 102-103).
S' il est possible d'établir un lien, aussi ténu
soit-il, entre l'expérience d'Yves Châtaigneau dans les Balkans et
son orientation professionnelle vers la diplomatie, il est clair qu'en revanche
son engagement politique en est complètement séparé.
D'autres raisons y concourent que ce soit l'origine familiale, le vécu
de la guerre ou les rencontres de circonstances.
L'attachement d'Yves Châtaigneau à cette zone de
l'Europe ne se traduit par la suite que par quelques compte-rendus d'ouvrages
(Annexe 2, n° 25), des articles sur la littérature yougoslave
(Annexe 2, n° 18 et n° 21), des textes introductifs à des
romans ou à des ouvrages touristiques (Annexe 2, n° 17 et n°
32) ou à un glossaire assez bref de termes géographiques (Annexe
2, n° 11).
Il est vrai que sa brillante carrière diplomatique
l'éloigne de cette région de même qu'elle le conduit
à renforcer son engagement politique à mesure des postes de plus
en plus importants qu'on lui confie. En 1942, il démissionne de son
poste de ministre plénipotentiaire en Afghanistan, intègre les
Forces Françaises Libres en 1943 puis devient Gouverneur
Général de l'Algérie (1944-1948) et enfin ambassadeur de
France à Moscou (1948-1952). Son action, surtout en Algérie, y
est aussi importante que controversée.
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