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Représentations nationales et territoriales dans la géographie des Balkans de la première moitié du XXe siècle, dualité professionnelle et engagement. L'exemple de deux géographes français : Gaston Gravier (1886-1915) et Yves Chàątaigneau (1891-1969)

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par Hugues Peurey
Université Paris I - Master2 2008
  

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CONCLUSION

Carrefour géopolitique avant même le XXe siècle, y compris dans les représentations mentales des occidentaux, les Balkans sont, de par leur histoire, le lieu de croisement de politiques d'expansion, de volontés impérialistes et d'intrigues internationales. Associé à la complexité ethnique qu'on y trouve, c'est ce qu'on pourrait appeler prosaïquement un « coin chaud ».

Un tel espace a été le siège d'études géopolitiques avant même que le terme ne soit utilisé dans la géographie française.

Néanmoins, les géographes qui s'y sont consacrés se réclament de la géographie classique et continuent d'écrire des articles conformes à l'exercice canonique de la monographie régionale d'inspiration vidalienne. C'est le cas de Gaston Gravier et d'Yves Châtaigneau. Ce l'est nettement moins de Jacques Ancel qui s'en dégage beaucoup plus et qui présente une production plus hétérodoxe où il n'y a pas de véritable séparation entre les écrits géographiques/historiques et les réflexions politiques.

Quant à l'engagement qui peut en résulter, il conduit à une bivalence intellectuelle ou professionnelle qu'on retrouve de manière nette chez Gaston Gravier et Jean Brunhes. Le cas de ce dernier est intéressant à double titre et mériterait une étude à lui tout seul.

Durant les guerres balkaniques, il écrit deux lettres (elles sont reproduites dans sa préface au Précis d'Histoire Serbe, (Brunhes, 1917)), l'une au ministre de la guerre Alexandre Millerand en novembre 1912 et l'une au ministre des affaires étrangères Stéphen Pichon en mai 1913. Ce sont des lettres présentant les situations politiques des pays et des régions qu'il traverse et qui suggèrent à ses destinataires des positionnements possibles de la diplomatie française.

Surtout, le cas de Jean Brunhes illustre de manière successive l'engagement « national » auprès des Serbes avant et pendant la guerre et l'engagement « pacifiste » qui suit le conflit et qui trouve son axe de référence dans l'action de la Société des Nations.

Ceci permet de dire, de façon toute prosaïque, que les géographes n'échappent ni aux lieux sur lesquels ils travaillent, ni à leur époque. Ils en adoptent les courants dominants.

Avant la guerre, les représentations nationales que développe Gaston Gravier et les autres géographes français, insistent à juste titre sur le caractère mouvant des identités sur une zone où la domination ottomane n'a pas fait oeuvre d'assimilation. Sur ces territoires découverts et convoités où les sentiments nationaux sont en devenir et non encore formés, l'analyse des occidentaux se fait à l'aune du cadre national qui est le leur, fondé sur des limites frontalières précises, une volonté de vivre ensemble et une entité politique de préférence démocratique. Ceci peut expliquer en partie la préférence que les français accordent à la Serbie qui est de ce point de vue le pays des Balkans qui correspond le mieux à ces structures et qui leur ressemble le plus.

Mais ce cadre est généralement inadapté aux Balkans et l'appropriation territoriale qui en résulte est difficile dans la mesure où les populations non constituées en groupes ni cohérents, ni stables, ignorantes des frontières, ne peuvent se sentir concernées par un cadre rigide complètement étranger à leur histoire. Ces populations deviennent un enjeu pour les jeunes Etats balkaniques, enjeu auquel participent les géographes français puisque ceux-ci s'engagent et prennent parti comme on a pu le constater pour Gaston Gravier et Jean Brunhes.

Après la guerre, on veut croire ou on fait semblant de croire à la victoire de l'Etat-Nation dans les Balkans. La défense des traités de paix et des frontières qui en résultent s'inscrit dans un courant humaniste et pacifiste auquel ne sont pas étrangers des géographes comme Yves Châtaigneau et surtout Jean Brunhes. Dès lors, l'engagement n'est plus le même. D'un appui accordé aux serbes, on passe à un engagement universel fondé sur la défense de la paix par l'intermédiaire soit d'une position politique plus ou moins internationaliste comme on peut le deviner pour Yves Châtaigneau, soit par la volonté de donner à la Société des Nations un rôle à la mesure de ses ambitions comme dans le cas de Jean Brunhes.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault