La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole( Télécharger le fichier original )par Anne Gometz Paris 8 Vincennes Saint-Denis - Master 1 2008 |
...et à travers le monde.De l'Occident jusqu'en Afrique, en passant par l'Asie et l'Amérique du Sud, les représentations de la vieillesse subissent des variations importantes. Vue comme étant inutile socialement ou appréhendée comme détentrice du savoir et du pouvoir, la personne vieillissante est l'objet de perceptions différentes selon les cultures. Dans les pays d'Afrique en milieu rural traditionnel, l'« ancien », c'est celui qui sait, il possède une fonction éducative. L'âge chronologique est l'expression de l'expérience, du savoir et de la sagesse. Arcand (1982)11(*) examine la situation des personnes âgées dans une population amérindienne des plaines colombiennes et observe qu'il est impossible de distinguer le groupe des individus vieillissants des autres groupes, la vieillesse chez eux n'existant tout simplement pas. Les plus âgés continuent de participer à toutes les activités, il n'y a ni retraite, ni phénomène d'exclusion ou d'isolement, s'opposant en cela de manière caractéristique à la situation des personnes âgées dans la société occidentale. 2.2.2. De la vieillesse à l'âgisme.C'est à Robert Butler (1969)12(*), gérontologue américain, que l'on doit pour la première fois la définition de l'âgisme comme représentant « une forme très répandue de préjugés relatifs au vieillissement et aux personnes âgées, source de discriminations sociales et censée reposer, comme le racisme sur des croyances fausses et une généralisation abusive »13(*). Perceptions erronées, comportements incivils et discourtois renvoient un message marquant la différence qui sépare les personnes âgées des autres en une attitude qui ignore le processus extrêmement hétérogène propre au vieillissement. L'âgisme est davantage le fait des sociétés occidentales dans lesquelles la vieillesse est stigmatisée car liée à la mort, en guise d'explication partielle de l'exclusion dont elle fait l'objet. Ici, Goffman14(*) nous aide à comprendre ce qui se joue dans le « vieillir » et les étiquettes qui y sont accolées. Pour celui-ci en effet, est stigmatisé celui qui possède un trait le différenciant des autres et qui jette sur lui un discrédit l'empêchant d'être accepté par la société. Goffman distingue l'individu discrédité - cas où la différence est visible - de l'individu discréditable - dont le trait le différenciant n'est pas perceptible par l'entourage. Dans le cas présent, l'âge est un attribut qui à lui seul paraît suffisant pour désigner l'individu, lui appliquant ainsi une identité qui l'accompagne dans toutes les situations sociales auxquelles il sera confronté. La théorie interactionniste de Goffman permet de comprendre comment la personne âgée peut être rejetée du seul fait d'être appréhendée à partir de la catégorie « âge ». Suzanne Weber (2003)15(*) évoque les stéréotypes concernant le vieillissement et parle du « processus de déshumanisation » qui conduit à gommer la singularité de l'individu, à l'uniformiser en l'assimilant tout entier à la population globale dont il est issu, lequel devient un être fictif et abstrait, « procédé typique de la démarche raciste » (p. 23). De même pour Puijalon et Trincaz (2000)16(*), l'âgisme, cette « forme d'hétérophobie à l'égard des plus âgés » stigmatise ceux-ci. L'ignorance est à la base du rejet, de la crainte et des préjugés. L'autre, le différent, effraie - frayeur provoquée par l'esquisse de la mort qui approche - et l'attribution de qualités et de défauts à son endroit permet de se rassurer, d'éloigner le spectre de sa propre fin. Dire « les personnes âgées sont râleuses », « les personnes âgées apprennent moins vite » c'est comme prétendre que « les jeunes d'aujourd'hui sont mal élevés », « les Noirs sont paresseux »; autant de discours qui utilisent la correspondance physique/moral pour asseoir des certitudes qui ont comme fonction de maintenir à bonne distance celui qui fait peur. Cette « logique de refus de l'altérité » est la même que celle qui est à l'oeuvre dans la doctrine raciste. Ignorance et crainte. Ces perceptions et préjugés concernent également le rapport des seniors aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et selon Caradec (2000)17(*)deux types de discours sont fréquents. Dans le discours pessimiste de l'incompatibilité, les personnes âgées seraient dépassées par les technologies numériques; a contrario le discours de la familiarité, en vogue aujourd'hui, accrédite l'idée selon laquelle les « seniors » seraient enthousiastes à l'égard d'Internet. Ces deux types de discours ont le défaut d'ignorer à la fois l'hétérogénéité de cette population de « personnes âgées » ainsi que celle de l'équipement lui-même. Attitudes positives et négatives des aînés à l'égard des TIC, renvoient donc aux styles de vie que les utilisateurs associent à ces outils. Pour maintenir un lien à distance ou satisfaire aux exigences d'une activité, les aînés seront incités à apprendre et développer des compétences dans ce domaine ou non. * 11 Arcand, B. (1982) « La construction culturelle de la vieillesse », Anthropologie et Sociétés, vol. 6 n°3, pp. 7-23. québec : Département d'anthropologie, Université LavaL. Site : http://classiques.uqac.ca/contemporains/arcand_bernard/construction_culture_vieillesse/vieillesse.html * 12 Cité par Kern, D. (2002) L'intégration des personnes âgées dans la vie sociale de la ville. Mémoire de DESS développement Social Urbain non publié, Université d'Evry. : http://perso.numericable.fr/sitedurtf7/publications.htm * 13 Coudin G. Beaufils B. et Henrard J-C. «Au-delà des stéréotypes », Le Journal des Psychologues, avril 98, No 156 pp. 26-29, p. 17, cité par KERN. * 14 Goffman, E. (1963/1975) Stigmates, les usages sociaux du handicap, Éditions de Minuit. * 15 Weber, S.(2003) Avec le temps... De la vieillesse dans les sociétés occidentales et de quelques moyens de la réhabiliter, Les Editions Libertaires. * 16 Puijalon, B. & Trincaz, J. (2000) Le droit de vieillir. Éditions Fayard. * 17 Caradec, V. (2000) La diversité des usages des technologies. Étude auprès de couples à la retraite et de personnes veuves, Rapport pour la DREES-MiRe, la CNAV et le GRETS/EDF, janvier 2000. |
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