La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole( Télécharger le fichier original )par Anne Gometz Paris 8 Vincennes Saint-Denis - Master 1 2008 |
3.5.2 - Savoirs mobilisés à travers l'engagement bénévole.L'engagement bénévole implique la mobilisation de savoirs, de capacités pour mener à bien un projet, une entreprise, réaliser des objectifs. On apprend mais on réinvestit et on transmet également des compétences acquises ailleurs. Les acteurs engagés sur le terrain qu'il soit associatif ou informel n'ont pas toujours conscience que ces apprentissages ont lieu. Il n'y a pas d'intention d'apprendre. Et lorsqu'ils apprennent ou expriment le désir d'acquérir des connaissances, c'est à des fins utilitaires, pour mener à bien l'action dans laquelle ils se sont engagés. De toute évidence, les retraités possèdent de l'expérience, des compétences qu'ils vont exploiter à travers leur pratique bénévole. Que cette réalité soit explicitement formulée, en tant que volonté annoncée de transmettre quelque chose ou qu'elle fonctionne comme moteur à l'engagement, comme c'est le cas pour Fanny : « Lorsque j'ai pris ma retraite, je suis venue ici dans le département et je ne me voyais pas tellement rester là (j'ai encore la tête, j'ai des bras, des mains) j'ai des choses à donner ou peut-être à communiquer ou à transmettre, (je ne sais pas) sur plusieurs points de vue. C'est pas à donner des choses et obliger les gens, mais à parler, discuter et à dire d'autres choses que ce qu'on connait dans nos coins; c'est pour cela que j'ai voulu m'occuper des jeunes ». Pour Dan Ferrand-Bechmann (2008)92(*), « les capacités et les savoirs acquis dans des engagements sont d'ordre diffus et confus » (p. 58). Confrontés à des problématiques diverses, les bénévoles que j'ai rencontré ont développé, consolidé et/ou transmis des compétences dans trois domaines divers étroitement liés et qui interagissent (Ferrand-Bechmann, 2008) : des savoir-faire, des savoir-agir, des savoir-être et parmi ces derniers, des savoir-passer (Lesourd, 2008). a) Des savoir-faire...Ils sont de l'ordre des savoir-faire techniques, des « trucs », des idées innovantes soudain nécessaires pour résoudre un problème ou conduire une action précise, savoirs appris nulle part qui résultent ici même de l'interaction entre une situation précise et une solution à trouver. Par exemple, Claude, retraité bénévole dans l'association JA et responsable du tracé du parcours en VTT et de son bon fonctionnement met au point un système de gommettes multicolores qu'il colle sur les cartes routières distribuées aux différentes équipes en charge de la sécurité des pédalants. Les équipes sont nombreuses - toutes composées de bénévoles - qu'il faut « manager » impérativement et les aiguiller vers des sentiers sur lesquels ils sont susceptibles d'intervenir. Claude n'était pas spécialisé dans ce domaine auparavant. Certes, il avait l'habitude de diriger une équipe lorsqu'il était entrepreneur, et il puise dans ses ressources acquises au cours de sa carrière professionnelle pour conduire sa tâche. Mais il doit accepter aujourd'hui de confronter son savoir à un alter ego, puisque son poste de responsable ne lui octroie plus les mêmes droits officiels qu'il était légitimé à revendiquer dans sa carrière professionnelle. En tant que bénévoles, les voilà tous sur un « même pied d'égalité ». Certains transfèrent des compétences professionnelles qu'ils réinvestissent dans la pratique bénévole, à l'image de Jean, jeune retraité qui a officié pendant une quarantaine d'années comme préparateur en pharmacie et qui aujourd'hui collecte des médicaments pour les envoyer dans les pays du Tiers-Monde, l'Afrique essentiellement. Il supervise le tri des médicaments, enseigne à ses collaborateurs bénévoles. Les liens tissés au sein de l'association l'ont même récemment incité à participer en tant que brancardier à l'accompagnement des malades au pèlerinage de Lourdes où il était responsable de la distribution des médicaments tous les matins. Ou encore Georges, sémillant septuagénaire, demain octogénaire, devenu visiteur de prison lorsqu'il prend sa retraite de juriste, venant exercer là une activité complémentaire voire compensatoire à son ancienne profession, en passant de l'autre côté des barreaux : « Le plus mauvais souvenir de mes études juridiques, c'est le droit pénal. Le droit pénal, ça c'est pas intéressant ! ». En revanche, son expérience du bénévolat lui a apporté beaucoup. Sa connaissance du milieu carcéral a fait de lui une personne toute désignée pour visiter des détenus dont il est même devenu proche, quand sa profession d'hier l'empêchait de cultiver cette proximité relationnelle. Compétences différemment exploitées aujourd'hui, mais qui n'en constituent pas moins des bases favorisant un authentique dialogue avec des prisonniers reconnaissants. * 92 Op. Cit., Ferrand-Bechmann, 2008, p. 58 |
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