c) Bénévolat = travail ?
Pour distinguer travail et bénévolat, l'absence
de contrainte horaire et la marge de liberté inexistante dans le monde
professionnel semblent être les critères déterminants. Les
bénévoles n'évoquent aucunement la qualification ou des
compétences spécifiques comme éléments de choix
pour opposer travail et bénévolat. Être
bénévole c'est travailler, sans rémunération. Jean
aime d'ailleurs à souligner comment son engagement suscite
interrogation, voire même suspicion : « [...] la plupart
des personnes ne comprennent pas que cela puisse être fait gratuitement.
Ils s'imaginent qu'on est payés ! ». Il est un
« outsider » au monde du travail, un dissident qui attise
les regards soupçonneux (Ferrand-Bechmann, 2000; Simonet-Cusset, 2004).
Pour lui, aucune différence entre sa profession de préparateur en
pharmacie et son activité bénévole au sein de
l'association où il a également affaire avec les
médicaments, si ce n'est le temps moindre qu'il y consacre : trois fois
par semaine. Il en parle comme d'un travail, et pour unique salaire, la
reconnaissance, « des grâces ! », dit-il en
riant.
d) Retraite = vieillesse ?
Ils ne se sentent pas âgés, les retraités
bénévoles que j'ai rencontré et pour eux, la vieillesse
est un processus dont la dynamique est dépendante des activités
exercées, lesquelles sont largement sensibles aux capacités
physiques et intellectuelles. Les limitations du corps, la dégradation
de l'état de santé, les difficultés de mobilités
sont signalées en premier comme étant les marqueurs qui font
basculer dans le vieillissement et viennent freiner de fait l'engagement
bénévole. Tant qu'on peut rester actifs, vieillir se rapproche
davantage d'une accumulation des ans plutôt que d'un changement
d'état (Caradec, 2008), dans une perception du vieillissement
étroitement dépendante du regard d'autrui (Puijalon et Trincaz,
2000), comme le souligne Pierre « personnellement,
vis-à-vis de ceux qui nous entourent, on sent qu'on prend de
l'âge ». Étant donné que la personne
âgée, c'est celle qui ne fait rien et qui réduit ses
contacts sociaux, leur activité bénévole semble les
exclure de cette catégorie. Les stéréotypes de repli, de
retrait, d'apathie sont très accrochés à la vision
négative de la vieillesse et les bénévoles luttent contre
ces images en revendiquant une jeunesse d'esprit. La personne
âgée, c'est l'autre. Fanny porte un regard plein d'optimisme sur
cette question du vieillissement : « Je ne suis pas dans une
étape où je me dis, bon ça y est je vais tomber par terre.
Je sais que je vais tomber par terre, ça c'est prévu, pour tout
le monde. Il n'y a pas d'âge. J'ai perdu un enfant qui n'avait que 25
jours et lui n'attendait qu'une chose, c'était de vivre. J'ai pas peur
de la mort. J'ai peur de souffrir. Je ne suis pas dans un état de dire,
je ne sers plus à rien. Non, je ne suis pas dans cet
état-là. Or, je sais qu'il y en a pas mal qui sont comme
ça. »
L'exemple de l'association JA, est suffisamment
éclairant de cette volonté qu'ont les retraités à
refuser l'étiquette de «personne âgée». Dans le
camp VTT qu'ils organisent, chacun des acteurs bénévoles, du plus
jeune au plus ancien a été
« rebaptisé » d'un nom assorti d'une couleur
spécifique de tee-shirt, sorte de titre teinté d'une touche
humoristique pour marquer le rôle et la fonction occupée dans le
camp. Ainsi, les tee-shirts rouges correspondent aux
« TTV » acronyme de « Très très
vieux », titre décerné au groupe majoritairement
constitué de bénévoles retraités. Le
mécontentement de ces derniers est palpable, à demi avoué.
Ils rechignent toutefois à l'exprimer
« officiellement », bien qu'en coulisses, ils
déplorent cette appelation jugée stigmatisante.
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