Avant-propos.
La problématique qui est ici traitée est le
fruit d'une réflexion que j'ai menée à la suite du
décès brutal de mon père le 4 février 2008, au
moment où j'esquissais mes premiers pas sur le chemin de la recherche.
À cette période, les savoirs construits à travers
l'expérience et la pratique bénévole m'interpellaient
déjà et cet événement inattendu est venu modifier
quelque peu l'orientation d'origine. Ce sont les circonstances de sa mort qui
ont imprimé cette nouvelle direction, focalisant alors mon attention sur
la population des retraités. J'étais alors animée de trois
questions :
- Quelle place notre société attribue t-elle aux
personnes vieillissantes ?
- Une fois mis à l'écart du travail, dans une
société qui identifie utilité sociale et activité
rémunérée, comment les retraités continuent-ils
à exercer un rôle de citoyen actif valorisant ?
- Qu'en est-il de la perspective éducative des
retraités ?
Mon père est décédé trois jours
après son admission en clinique, d'une affection qui relevait certes de
l'urgence chirurgicale, mais dont la prise en charge immédiate et
adaptée devait normalement le mettre à l'abri d'une fin tragique.
Hélas, cette nuit-là, par souci de rentabilité, un seul
chirurgien de garde exerçait sur trois cliniques en même temps. Et
dans l'urgence des malades à traiter, le critère sélectif
retenu fut la date de naissance du patient. « Il était
âgé», expliquera le chirurgien par la suite. Le terme de
«âgé» semblant justifier de manière suffisante
l'issue fatale. Sa mort posa les jalons d'un nouveau cheminement. Cette piste
alternative me conduisit à réinterroger et à
préciser mon objet de recherche. Je décidai aussitôt
d'impulser un nouveau souffle à ma recherche en choisissant de
questionner cette troisième partie de la vie représentée
par la retraite.
Les expériences plurielles accumulées tout au
long de l'existence font de ces personnes parvenues dans la troisième
partie de leur vie, des réservoirs de savoirs et de compétences
qu'il serait dommage d'ignorer. En quoi ces connaissances construites au fil
des ans, tant dans le domaine professionnel que de manière informelle
à travers la vie quotidienne, peuvent-elles être objets
d'intérêt dans l'exercice bénévole ? Et
par-là même, en mettant l'accent sur ce profil
« expert » des retraités, serait-il envisageable que
le regard porté sur ceux qui sont abusivement qualifiés
« d'inactifs » puisse évoluer, autorisant la
reconnaissance de leur utilité sociale à travers leur
contribution gratuite à la vie collective et faisant évoluer les
représentations d'une vieillesse déficitaire parce que
retraitée ?
Auparavant, le séminaire de Dan Ferrand-Bechmann, puis
la lecture de son ouvrage Le Métier de Bénévole
avait suscité prioritairement mon intérêt pour ce domaine
de la mobilisation des savoirs dans l'engagement bénévole. La
volonté de porter un regard attentif sur ce moment de l'existence en
interaction avec le paradigme de l'éducation tout au long de la vie,
s'inscrit dans un défi pédagogique à double objectif.
D'une part comprendre comment cette période de l'existence, du fait d'un
temps libéré du travail contraint peut être le moment
privilégié pour poursuivre des apprentissages voire en reprendre
et d'autre part ajouter une « pierre » à la
réflexion concernant la situation et le devenir des aînés
dans la société contemporaine.
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