CONCLUSION :
Le but de l'audit est d'obtenir « une assurance
raisonnable que les comptes annuels ne comportent pas d'anomalies
significatives ». L'audit ne peut être pas une assurance absolue.
C'est dans ce contexte que le législateur tunisien a
considéré que l'obligation du commissaire aux comptes est de
moyen et non pas de résultant.
Malgré cette obligation, on trouve que le
législateur tunisien cherche à engager très lourdement la
responsabilité de commissaire aux comptes (c'est en précision la
révélation des faits délictueux qui peut toujours engager
la responsabilité pénale de commissaire aux comptes) et à
consacrer toute un arsenal de textes juridiques pour l'étendu de cette
responsabilité (CSC, COC, code pénal, loi n° 88-108).
CONCLUSION DE PREMIÈRE PARTIE
Le rapport de l'auditeur externe apparaît actuellement
comme une source d'information crédible et important pour la prise des
décisions malgré tous les jugements présentés par
certains qui cherchent à présenter une image fausse sur la
mission de contrôle des comptes en raison des fautes accomplit par l'une
des grandes cabinets d'audit du monde, sa va de soi que Arthur Andersen a
induit plusieurs investisseurs en erreur (c'est la plus récent celle de
l'affaire d'ENRON64), mais qu'on ne peut pas
généraliser cette situation sur toute une profession.
En effet, le recours de l'auditeur externe à une
démarche bien identifiée par les normes en vigueur, en raison de
minimiser les risques existants lors de l'accomplissement d'une mission, a pour
objectif de garantir plus de confiance et de certitude dans les états
présentés.
Le législateur tunisien a engagé ainsi la
responsabilité de l'auditeur externe lors de l'existence d'une faute
conduisant l'utilisateur de cette opinion à une décision qui peut
être dommageable pour ce dernier.
64 Revue l'EXPERT, n° 92-93, Décembre
2002, p 40.
Introduction de deuxième partie
Les états financiers sont parmi les moyens permettant
la prise de décision et la communication entre les acteurs
économiques.
En effet, puisque l'auditeur externe est
présenté dans la littérature économique moderne
comme un véritable fournisseur de confiance, il est donc plus utile que
ces états financiers soient audités par un professionnel
compétant et indépendant.
L'opinion de l'auditeur externe apparaît ainsi comme une
garantie pour les intervenants économiques (dirigeants, actionnaires,
créanciers...) afin de les aider à la résolution des
conflits entre eux.
Aussi, outre son rôle dans la résolution des
problèmes d'agence, le rapport d'audit joue un autre rôle
pré pondérant dans l'aide à la prise de décision,
lors du recours de l'entreprise au financement externe, pour le banquier.
C'est ainsi que dans ce deuxième chapitre, on va
présenter l'utilité du rapport d'audit dans la résolution
des problèmes d'agence (chapitre premier) et l'aide à la prise de
décision pour le banquier lors de l'octroi des crédits bancaires
(deuxième chapitre).
PREMIER CHAPITRE LE THÉORIE
D'AGENCE ET L'AUDIT
En tant qu'organisation poursuivant des objectifs dans un
environnement économique, l'entreprise est le lieu de rencontre de toute
une série d'intervenants intéressés par sa performance. Il
s'agit notamment des dirigeants, des actionnaires et des tiers (institutions de
crédit, autorités publiques, clients et fournisseurs,
salariés, ect...).
Comme les débats actuels sur la notion de gouvernement
de l'entreprise le soulignent particulièrement, les
intérêts des intervenants, s'ils sont dans une large mesure
convergents, sont également contradictoires. D'un point de vue
théorique, la différence de position entre les différents
intervenants peut s'analyser en tant que « relation d'agence ».
En effet, selon l'approche classique de la théorie
d'agence, une relation d'agence est définie comme « un contrat par
lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne
(l'agent) pour accomplir une action en son nom, ce qui implique la
délégation à l'agent d'un certain pouvoir
décisionnel »
(Coriat&Weinstein 1995)65.
D'une certaine manière, la notion d'agence pourrait
recouvrir pratiquement toute relation contractuelle entre individus ou
organisations. Elle ne présente cependant un intérêt que
parce que le contrat y présente certaines caractéristiques quant
à la nature et à la répartition de l'information entre les
parties. En effet, le contrat se caractérise par l'hypothèse de
l'information imparfaite relativement à l'état de la nature et
aux comportements des agents et par la présence d'asymétrie
d'information entre le principal et l'agent. La conséquence de ces
problèmes d'information est d'une part que le contrat qui lie les
parties est nécessairement incomplet et d'autre part que le principal
n'a pas les moyens de contrôler parfaitement l'action de l'agent
(Coriat&Weinstein, 1995)66
.
Une telle situation nécessite la mise en place des
moyens destinés à orienter leur comportement. Ces moyens prennent
deux formes principales : les incitations (Incentives) et le contrôle
(monitoring). Les incitations - telles que la rémunération
à la performance - ont pour objectif d'assurer un minimum de convergence
d'intérêt entre actionnaires et dirigeants. Le contrôle
passe quant à lui par la mise en place de procédures de suivi de
la performance des dirigeants afin de réduire l'asymétrie
d'information. A cet égard, L'établissement des
65 Olivier HERRBACH, op, cit, p1.
comptes annuels des entreprises (constitués du bilan,
du compte de résultat...) est un moyen de contrôle dont les enjeux
sont importants.
Pour parvenir à un équilibre contractuel entre
ces intervenants à objectifs divergents, le contrôle est l'un des
moyens utilisés afin d'atteindre cet équilibre où
régulant ces relations contractuelles.
Un système de contrôle comptable reste le seul
moyen permettant d'observer les actions des dirigeants. Ceci est
vérifié par l'objet même de la comptabilité qui
depuis son apparition restera un mécanisme qui permet à ses
différents utilisateurs de s'informer sur la performance de l'entreprise
et sa capacité à honorer ses engagements. Elle constitue aussi
bien pour les actionnaires que pour les créanciers un moyen qui
témoigne de la qualité de la gestion du dirigeant et de la
capacité de l'entreprise à régler ses dettes.
La raison d'être de la fonction d'audit a largement
été abordée dans la littérature qui a
attribué à l'audit la mission de résoudre les
problèmes qui découlent des relations d'agence ; En effet, la
théorie contractuelle des organisations a expliqué comment le
rapport d'audit (auditer les données comptables) peut être un
moyen employé dans la résolution des conflits
d'intérêts en produisant l'information utile à la prise de
décision67.
L'importance de l'audit externe dans la résolution des
conflits d'intérêts a été soulignée par
plusieurs auteurs. Jensen et Meckling, les
fondateurs de la théorie d'agence 68 ont été
les premiers à aborder l'utilité et le rôle de la fonction
audit dans la résolution de ces conflits.
De même, les études empiriques
réalisées par Chow (1982),
Francis&Wilson (1988) et
Watts&Zimmerman (1983) ont
expliqué la demande de l'audit comme étant le reflet de relations
contractuelles conclues dans le cadre de l'entreprise69.
Ainsi, dans ce chapitre, on va chercher à examiner les
différents problèmes d'agence présentés par cette
théorie (section 1) et le rôle de l'audit dans la
résolution de ces problèmes (section2).
67 Jouini Saloua, op, cit, p 2.
68 La théorie d'agence a initialement
été développée par Jensen et Meckling au sein de la
Business school de l'Université de Rochester dont Meckling était
le doyen. Cette théorie pourrait être désormais
qualifiée d'Ecole
de Rochester-Harvard, Jensen ayant quitté Rochester pour
Hravard.
69 Jouini Saloua, op, cit, p 2.
SECTION I : LES CONFLITS D'INTERETS PRESENTÉS DANS
LA THÉORIE D'AGENCE :
Avant de présenter les différents types des
conflits présentés par la théorie d'agence et ces sources,
il fallait présenter en bref les conditions d'application de cette
théorie et ces hypothèses sous -jacents.
Dans ce contexte, Charreaux & Cies
70 (1987) soulignent que pour qu'il y ait des problèmes d'agence,
il faut qu'il y ait à la fois :
- Une divergence d'intérêts entre le principal
et l'agent : expliquée par deux phénomènes : d'une
part les dirigeants ont une partie majeure de leurs patrimoines (leurs capitaux
humains) investis dans leurs sociétés, et sont par
conséquent beaucoup plus sensibles à la variabilité des
résultats de la société que les actionnaires qui peuvent
facilement diversifier leurs portefeuilles. D'autres parts, l'horizon des
dirigeants est limité à leur présence dans l'entreprise.
Ils vont avoir donc intérêt à investir dans des projets
moins risqués et plus rentables à court terme. Ajoutant ici
qu'Adam Smith (1776) a précisé que les
dirigeants, étant régisseurs de l'argent d'autrui plutôt
que de leur propre argent, n'apportent pas, le plus souvent, la vigilance
exacte et soucieuse que celle, souvent apportée par les
associés.
- Une incertitude, une imparfaite observabilité, des
coûts d'établissement et d'exécution de contrat : le
problème de l'imparfaite observabilité de la part des apporteurs
des capitaux des actions posées et des décisions prises par les
dirigeants ainsi que l'importante asymétrie sur le plan de l'information
détenue par l'agent et le principal sont les conséquences de
l'incertitude qui caractérise le monde des affaires.
Ajoutant aussi que l'analyse de la théorie d'agence est
basée sur deux hypothèses comportementales
fondamentales71 :
- La première consiste à supposer que les
dirigeants cherchent à maximiser leurs richesses personnelles au
détriment des actionnaires, ainsi, Jensen et
Meckling (1976) ont montré que tout dirigeant ne
détenant pas la totalité du capital de son entreprise a
intérêt à utiliser une partie de la richesse de la firme
pour des satisfactions personnelles puisque, le coût de celle-ci est
réparti entre les actionnaires, il n'en supporte qu'une fraction
proportionnelle à sa part dans le capital.
70 Jouini Saloua, op, cit, P 5.
71 Yosra MNIF, mémoire de maîtrise
comptabilité, ESC Sfax, 2001.
- La deuxième hypothèse stipule que les individus
sont rationnels 72 et capables de
prévoir l'impacte de ces problèmes d'agence sur la
formation de leur richesse.
I- Les conflits d'intérêts entre les
dirigeants et les actionnaires :
1- Les coûts d'agence causés par ces
conflits :
Selon Jensen et Meckling, la
divergence d'intérêts qui peut apparaître entre dirigeants
salariés (agent) et actionnaires (principal : propriétaire de
l'entreprise) génère un certain nombre de coûts
appelés « coûts d'agence » :
-Les « Monotoring costs » : ce sont les coûts de
surveillance encourus par le principal pour contrôler les
activités de l'agent et essayer de limiter son comportement
opportuniste.
-Les « Bonding costs » : ce sont les coûts de
l'obligation que l'agent peut encourir pour mettre le principal en confiance,
ainsi ces coûts représentent l'ensemble des frais engagés
par les dirigeants pour émettre des signaux crédibles en ce qui
concerne leurs performances de gestion concernant des caractéristiques
véritables des entreprises qu'ils gèrent.
- Le troisième type de coût est la «
Residual loss », (les coûts résiduels), appelés encore
pertes résiduelles, qui résultent de l'impossibilité
d'exercer un contrôle total sur les actions des dirigeants et se
traduisent par une perte de valeur de la société.
Dans le premier et le deuxième type de dépenses,
on trouve les dépenses d'audit ; D'une part, l'audit est utilisé
par le dirigeant pour signaler sa performance de gestion et son respect des
clauses contractuelles établis dans le cadre d'un contrat
d'intéressement basé sur les chiffres comptables, d'autre part,
l'audit est utilisé par les actionnaires pour s'assurer que le dirigeant
agit dans l'intérêt de l'entreprise.
Ajoutant ainsi que Ettredge,
Simon, Smith et Stone fait
la distinction entre les coûts d'agence internes et ceux externes ;
-Les coûts d'agences internes découlent de la
différence entre les objectifs des dirigeants avec ceux des
employés de la firme.
-Les coûts d'agence externes : peuvent naître de la
différence entre les objectifs des dirigeants de la firme et ceux des
fournisseurs de capitaux73.
72 Olivier HERRBACH, dans son thèse de
doctorat;a critiqué cette hypothèse en indiquant qu'elle ignore
les liens normatifs et effectifs qui se développent entre les individus
et créent un réseau complexe déloyautés,
d'engagements et d'interdépendances qui dépassent le lieu
économique.
73 Cité par Abaoub (1994).
2- Les origines des conflits entre les actionnaires et
les dirigeants :
En cherchant dans les causes des conflits d'intérêts
entre dirigeants et actionnaires, Jensen et
Smith (1985) ainsi que Naranayan (1985a,
1985b) présentent plusieurs sources74 :
-Les dirigeants ont leurs capitaux humains investis dans la
société, donc ils sont beaucoup plus sensibles à la
variabilité des résultats de la société que ceux
des actionnaires qui peuvent se diversifier plus facilement.
- Le problème d'asymétrie d'information entre
dirigeants et actionnaires.
-Les efforts déployés par les dirigeants en faveur
de l'entreprise, même s'ils sont bénéfiques aux
actionnaires comportent pour eux une désutilité.
-Le fait que l'horizon des dirigeants est limité à
leur présence dans l'entreprise, va les amener à investir dans
des projets moins risqués et plus rentables à court terme.
Ajoutant ici que Charreaux75
indique que si les actionnaires sont distincts des dirigeants, il s'ensuit une
relation d'agence et les problèmes traditionnels qui lui sont
liés, qui naissent des conflits d'intérêts et de
l'asymétrie d'information. Les dirigeants sont nécessairement en
conflit avec les actionnaires pour les raisons suivantes : l'essentiel de leur
patrimoine (le capital humain) est investi dans la firme, leur horizon
économique est limité à la durée de leur fonction,
ils peuvent accroître leur utilité par différents avantages
en nature76 au détriment des propriétaires.
Ainsi, Jensen et Meckling
(1976) ont montré que le dirigeant actionnaire minoritaire a
intérêt à utiliser une partie de la richesse de la firme
pour une satisfaction personnelle puisque le coût de celle-ci est
partagé entre tous les actionnaires, il n'en supporte qu'une partie
proportionnelle à sa part dans le capital77.
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