b- Obstacles à la diversification des exportations
La diversification des exportations rencontre beaucoup
d'obstacles parmi lesquels l'extrême pauvreté de la population
combinée à l'accès difficile au financement de
l'agriculture. L'absence d'un cadre juridique bien défini rend
l'accès au crédit problématique. Ces difficultés
s'expliquent aussi par le défaut de garanti valide, ce qui n'est pas le
cas pour la production du coton pour laquelle l'Etat offre une certaine
protection aux producteurs qui s'y mettent. Les paysans ont donc plus de
facilité à s'exercer dans la filière cotonnière. On
pourra aussi mettre l'accent sur les difficultés liées aux
aléas climatiques, la nature et la rentabilité des sols qui
conditionnent le choix de culture à adopter. Il y a aussi le
problème de manque de spécialisation selon les dotations
naturelles des régions. Tous les paysans sont tentés de produire
du coton vu les conditions relativement attrayantes de cette filière. La
diversification est également liée aux problèmes fonciers
que rencontrent les producteurs. Ils n'arrivent toujours pas à trouver
l'espace nécessaire pour produire. On pourra aussi mettre l'accent sur
l'absence de partenariat entre les secteurs privé et public. C'est aux
forces du marché qu'il revient de s'occuper de
5 Données de l'INSAE
l'investissement, mais celui-ci ne se manifestera que si le
secteur public crée un environnement favorable sous forme
d'infrastructures et de services publics, d'appui aux entrepreneurs et aux
agriculteurs, et d'attrayantes incitations à l'investissement.
Malheureusement, ces conditions ne sont pas réunies au Bénin.
Par ailleurs, le monde rural est dominé par de petits
exploitants. Ces derniers ne peuvent prospérer que s'il existe certains
biens publics essentiels, à savoir les infrastructures ainsi que des
connaissances sur les techniques de production, le contrôle de la
qualité et les marchés étrangers. L'assistance technique
aux producteurs est insuffisante. L'assistance fournie par le Gouvernement a
été réduite à la suite des coupures
budgétaires et elle n'a été que partiellement
compensée par le PADSE et certaines ONG, ce qui a eu une incidence
négative sur le contrôle de la qualité et la
productivité. Les intrants tels que les engrais et les insecticides ne
sont pas facilement disponibles. Par ailleurs, les marchés financiers
n'accordent pas de crédit de fonds de roulement aux producteurs. Ces
derniers doivent payer les intrants au comptant ou contracter des prêts
à des taux d'intérêt usuriers auprès des grossistes
et des acheteurs. De même, la commercialisation est
désorganisée et se fait au petit bonheur. En outre, les
producteurs négocient en position de faiblesse, en raison de leur manque
d'information et d'organisation. Il n'existe aucune organisation
défendant les intérêts des producteurs. Entre les planteurs
et les grandes entreprises de commercialisation des noix de cajou, une
variété d'intermédiaires non réglementés qui
opèrent de manière désorganisée. D'après une
étude récente (INRAB-PAPA 2004), les producteurs ont des marges
de profit nettement inférieures à celles des acheteurs. Tout
porte à croire que les acheteurs étrangers agissent comme
d'efficaces monopsonistes et usent de leur influence politique pour limiter la
concurrence, en fixant des prix abusifs et en faisant jouer leurs relations
politiques.
Cette diversification se heurte à beaucoup d'autres
difficultés qui l'empêchent d'être effective. Le constat qui
se dégage est l'absence d'une mise en oeuvre effective de
réformes pouvant favoriser les exportations et leur diversification.
Le
Projet d'Appui au Développement du Secteur Privé
(PADSP), qui vise en partie la création de nouvelles filières
d'exportation est un bon point de départ, mais il a accusé des
retards considérables dans son exécution avec peu de
résultats tangibles à ce jour. Dans le même temps, le
Bénin reste très vulnérable aux changements de politique
commerciale du Nigeria. Selon les statistiques officielles en matière
d'exportation, le Nigeria représente environ 53% des échanges du
Bénin avec l'ensemble des pays de la CEDEAO. Quand on sait que dans les
échanges avec le Nigeria, la plus grande partie est informelle et que
les chiffres officiels sous- estiment les échanges effectifs, on
comprend alors à quel point la politique commerciale de ce pays est
dépendante du Nigeria. D'après une étude du LARES (2004),
le nombre de produits interdits d'importation au Nigeria est passé d'une
trentaine en 1986, à plus d'une cinquantaine en février 2003.
Depuis 1995, le Bénin a libéralisé un
marché qui jusque-là était dominé à tous les
stades par la SONAPRA. Des usines d'égrenage privées ont
été autorisées, et des compagnies privées
contrôlent aujourd'hui près de 50% de la capacité de
production. On s'est rapidement rendu compte que la libération par
elle-même était insuffisante et que des mécanismes
institutionnels d'appui aux marchés étaient nécessaires
pour fournir des biens publics, telle l'infrastructure, disséminer
l'information et mettre en application les contrats. Il était
évident que la transition d'un système de marchés
contrôlés par l'état vers un système de
marchés décentralisés était difficile et devait se
faire par phases. La gravité des difficultés de cette transition
met en péril le bon fonctionnement du secteur. Ces difficultés
ont certainement été aggravées par l'affaissement des
cours mondiaux jusqu'à récemment. Par ailleurs, les prix sont
toujours partiellement fixés et le Gouvernement conserve un rôle
important, de sorte que le système actuel est loin de représenter
un marché libre. La privatisation de la SONAPRA elle-même a
été prévue à de nombreuses reprises, mais toujours
retardée.
Les difficultés tel que le retard dans les paiements
aux paysans, les politiques de prix qui ne tiennent pas toujours compte des
problèmes que connaissent les
producteurs , le mauvais partage de responsabilités
entre les secteurs public et privé, la mauvaise gestion de certains des
nouveaux organismes, la crainte de voir l'anarchie s'emparer du secteur si ces
problèmes ne sont pas abordés sont autant de problèmes qui
ne favorisent l'esprit d'initiative des nouveaux paysans ou des paysans qui
veulent investir pour diversifier. Un point positif à noter toutefois
est la relance du processus de privatisation de la SONAPRA, après
plusieurs mois de confusion. Ceci devrait favoriser la libéralisation et
donc la promotion des autres produits. Ces problèmes ne laissent pas
indifférents les dirigeants béninois qui ont depuis plusieurs
années reconnu l'importance de diversifier les exportations, lesquelles
sont encore fortement dominées par le coton, qui représente
environ 60 à 80% des exportations de marchandises.
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