3.2.3. La métaphore
La métaphore est « un
procédé qui consiste à donner à un objet un nom qui
désigne déjà un autre objet auquel on le
compare. » (Baylon et Fabre, 1978 :209). Et, Le Guern
(1972 :87) ajoute que « la métaphore consiste
à donner à un mot un sens qui ne lui convient qu'en vertu d'une
comparaison sous - entendue. »
Dans la dénomination des journaux, les termes
métaphoriques sont innombrables et notre intention ne sera que d'en
présenter quelques exemples. Les termes Imbôni et
Ijîisho ryaa rubaanda sont utilisés
métaphoriquement tous les deux en comparaison avec l'oeil, organe de la
vue pour dire que le public doit se servir de ces journaux pour
découvrir certaines réalités qui leurs sont
cachées. Umuravuumba, ordinairement est une plante
médicinale très amère, et son utilisation dans notre
contexte est très significative vu la situation dans laquelle le journal
est créé. Si Umuseemburo est couramment utilisé
pour la fermentation de bière, du pain etc., ce n'est pas par hasard que
le journaliste choisit le même titre. C'est qu'il a en tête cette
comparaison avec un changement positif qu'il doit viser. Bien d'autres
métaphores inondent notre corpus, mais nous énumérons
simplement en passant : Kibeerinkâ (ce qui est
agréable), Le Tribun du peuple (magistrat chargé de
défendre la classe populaire ou le bas peuple), Umuvûgizi
(porte-parole),... Somme toute, il reste à remarquer que la grande
partie des noms des journaux rwandais a un usage métaphorique relatif au
contexte dans lequel ils ont été créés, et à
l'histoire rwandaise en général. Au total les métaphores
dans la dénomination des journaux rwandais occupent 51.2%
de tout le corpus c'est-à-dire 121 noms sur 236.
Tableau 6: Synthèse des
procédés sémantiques relevés dans ce
travail
Procédé
|
Nombres
|
%
|
Métaphore
|
121
|
51.2
|
Synonymie
|
64
|
27,11
|
Polysémie
|
47
|
19,9
|
D'après ce tableau, on note la prédilection de
la métaphore parmi d'autres procédés sémantiques
dégagés dans la dénomination de journaux rwandais. En
principe, la métaphore est une figure de comparaison qui joue un grand
rôle dans la rhétorique. Ses effets linguistiques consistent
à transférer quelques qualités d'un élément
A à un élément B, afin d'attirer l'attention de
l'auditoire ou du public.
Il ne serait donc pas étonnant que les Rwandais, dans
les contextes variés, recourent à cette figure, surtout dans le
domaine de la presse pour attirer à eux le plus possible de
clientèle. Ceci montre également que les Rwandais comprennent
bien la valeur de la parole et son impact sur la psychologie des gens. Cette
concurrence à trouver les meilleurs des noms, touchant davantage les
sentiments du public agrandit la fréquence de la métaphore dans
la dénomination des journaux rwandais. On souligne par exemple dans le
contexte des années 90, où le courant politique était de
grande ampleur, les journaux comme : Le Tribun du peuple
(comparaison entre le magistrat qui était chargé de
défendre les intérêts des plébéiens dans la
Rome antique et le journal qui se prête ces qualités et se donne
comme mission de plaider pour le peuple rwandais), Ijiîsho ryaa
rubaanda : comparativement à l'oeil qui est
un organe de la vue et qui doit être vigilant pour guider la personne sur
son chemin, ce journal prétend, par son titre, d'être un guide de
la population qui était aveuglée par le pouvoir.
Dans un contexte d'après génocide, beaucoup
d'autres journaux recourent toujours à cette figure et on enregistre des
titres comme Izûuba, Umucyô, Umuseeso, qui s'approprient
les qualités du soleil, de l'aube, bref de la lumière en
général pour convaincre le public de la fiabilité ou de la
qualité de l'information qu'ils fournissent.
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