3.1.2. La dérivation
La dérivation est un procédé par lequel
on forme des mots nouveaux en modifiant la racine ou le radical. Elle
opère ainsi par préfixation c'est- à -dire par adjonction
d'un affixe qui précède immédiatement la racine ou le
radical et par suffixation c'est- à- dire par adjonction d'un affixe qui
suit le radical ou la racine.
En d'autres mots, « la dérivation est une
agglutination d'éléments lexicaux en une forme unique continue,
un radical d'une part, un élément adjoint ou affixe d'autre part
appelé préfixe, s'il est placé devant le radical ou
suffixe, s'il est placé derrière le radical. »
(Guilbert 1975 :34). Quant à Polguere, (2003 :62)
« la dérivation est dans le cas le plus standard un
mécanisme morphologique qui consiste en combinaison d'un radical et d'un
affixe -appelé affixe dérivationnel - ayant les trois
propriétés suivantes :
1. Son signifié est moins général et
moins abstrait que celui d'un affixe flexionnel, il s'apparente au
signifié d'une lexie
2. L'expression de son signifié correspond
normalement à un choix libre du locuteur qui décide de
communiquer le signifié en question
3. La combinaison avec le radical d'une lexie donne un mot
forme qui est associé à une autre lexie. »
3.1.2.1. Préfixation nominale
Voici quelques exemples relevés dans la
dénomination des journaux au Rwanda.
Tableau 4: Classes
nominales
Base
|
Classe
|
Noms dérivés
|
-mwê
-cô
-baanga
-ingabo
-kiîngi
-nâanâ
-seeso
-vâaho
-seemburo
-sekê
-êezi
-tâbeerâ
-bârutso
-yobôke
-jabo
-bâga
-bwiîriza
-raava
-raangi
-nyaânge
-nâni
-taâshya
-bôni
-râbyo
-haanda
-hâmo
-riba
-muri
-geenzi
-tuûrage
-ragê
-goboka
-teera
|
14
3
5
9/10
9/10
11
3
9
3
3
3
14
9/10
1
5
9/10
1
3
3
12
7
12
9/10
3
9/10
9/10
5
11
9/10
1
3
9/10
9/10
|
Ubumwê : u-bu-mwê
Umucô : u-mu-cô
Ibaanga : i-ø-baanga
Ingabo : i-n-gabo
Inkiîngi : i-n-kiîngi
Urunâanâ : u-ru-nâanâ
Umuseeso : u-mu-seeso
Imvâahô : i-n-vâahô
Seemburo: u-mu-seemburo
Umusekê: u-mu-sekê
Umwêezi: u-mu-êezi
Ubutâbeerâ: u-bu-tâbeerâ
Imbârutso: i-n-bârutso
Umuyobôke: u-mu-yobôke
Ijabo: i-ø-jabo
Imbâga: i-n-bâga
Umubwiîriza: u-mu-bwiîriza
Umuraava: u-mu-raava
Umuraangi: u-mu-raangi
Akanyange: a-ka-nyaânge
Ikinâni: i-ki-nâni
Agataâshya: a-ka-taâshya
Imbôni: i-n-bôni
Umurâbyo: u-mu-râbyo
Impaanda: i-n-haanda
Impâmo: i-n-hâmo
Iriba: i-ø-riba
Urumuri:u-ru-muri
Ingeenzi: i-n-geenzi
Umutuûrage: u-mu-tuûrage
Umuragê: u-mu-ragê
Ingoboka: i-n-goboka
Înteera: i-n-teera
|
D'après le tableau ci-dessus, il est à souligner
que l'usage des différents classificateurs (marques de classes
nominales) assigne un sens différent d'une classe à l'autre.
Néanmoins, les unités lexicales dans la dénomination des
journaux gardent un rapport sémantique direct avec la base
concernée.
a) Classificateur « Bu » (Classe
14)
Les noms de cette classe peuvent représenter certains
êtres concrets, ou les mots abstraits. En général, la
classe 14 comprend des dérivés qui expriment le fait ou la
capacité de faire quelque chose. Comme l'écrit Iyamuremye,
(1982 :39), « des substantifs qui désignent
généralement l'état d'une personne ou d'une chose ou le
fait même d'acquérir cet état ». Dans notre
cas, les noms qui sont inclus dans cette classe concernent la catégorie
des mots abstraits. Ils ne sont pas du tout fréquents car ils sont
seulement au nombre de trois : ubumwê, ubutâbeera,
ubucaâmaânza.
b) Classificateur « Mu » (Classe 1
ou 3)
Le classificateur « mu » est souvent
employé dans la dérivation restrictive dont plusieurs types
s'emploient librement. Cette dérivation s'applique à la plupart
des substantifs. Le classificateur « mu » s'emploie
toujours pour le singulier, soit dans la classe 1 et ayant comme son pluriel le
classificateur « ba » de la classe 2, soit dans la classe
3, ayant cette fois-ci « mi » de la classe 4 comme son
pluriel. D'après Uwiringiyimana (200 :17) « le
préfixe -mu- de la cl.1, semble être le substitut de `umuuntu'
(personne) car dans des doublets savants où il apparaît, il ajoute
la notion de personne spécialiste de l'action prônée par le
thème de base ». Autrement dit, la première et
deuxième classe comprend les dérivés qui ont le sens
d'auteur, ce qui ne contredit pas l'idée d'Iyamuremye, (1982 :32)
qui explique que : « dans le couple 1,2 on trouve des
dérivés de formation libre avec le sens régulier de la
personne qui se trouve dans tel ou tel état dont il est l'auteur ou non.
(...) Dans le couple 3,4 on trouve des substantifs qui désignent
l'état final d'une personne ou d'un objet, et d'autres ont pour sens
général l'objet ou l'état qui résulte de l'action
contenue par le verbe.»
Dans notre corpus, nous avons un bon nombre d'exemples de
cette catégorie dont :
« Umubwiîriza » (umuuntu ugîira
abaândi inâama zibayobôra= conseiller). Umucô,
Umuseeso, Umuseemburo, Umwêezi, Umuragê, Umuyobôke, Umuraava,
Umuraangi, Umurâbyo, Umutuûrage... au total,
on dénombre 25 noms de ces deux classes sur 236 titres de tout le corpus
soit 10,6%.
c) Classificateur « Ka » (Classe
12)
Il s'agit d'une classe entièrement consacrée aux
diminutifs et dans la dénomination des journaux, le classificateur
« ka » a gardé le même sens. On note
également qu'il renvoie à une certaine appréciation des
êtres représentés par les noms de cette classe. Selon
COUPEZ (1980 :225), « le classificateur -ka- forme librement
des dérivés de sens diminutif généralement avec une
connotation élogieuse ». Dans la dénomination des
journaux, cette classe n'est pas fréquente car nous n'en
dénombrons que deux : Akanyaânge
et Agataâshya.
d) Classificateur « n » (classe
9-10)
Dans la dénomination des journaux, le classificateur
« n » représente à son tour un bon nombre
d'exemples. Il concerne les noms de la classe 9 et/ou 10 qui peuvent être
soit des êtres concrets ou des abstraits. Iyamuremye, (1982 :11)
nous fait savoir que « le couple des classes 9,10 comprend des
dérivés qui ne présentent pas de régularité
sémantique ». Il ajoute plus loin que « la
majorité des dérivés de classes 9,10 ayant -à pour
terminaison accompagnée du morphotonème grammaticale P'
désignent la personne à laquelle on attribue une action ou une
qualité. (...) les autres ne présentent pas de
régularité sémantique et ont des sens
spécialisés. » (Iyamuremye, 1982 :15-16) Nous
citons parmi eux : Ingabo, Inkiîngi, Imvâaho,
Imbârutso, Imbôni, Impaanda, Ingeenzi, Ingoboka, etc. Ce
couple totalise, dans la dénomination des journaux rwandais, 20 termes
sur 236 équivalent de 8.4%.
e) Classificateurs
« ki »/ « bi » (classes
7-8)
Comme l'écrit Coupez, (1980 :225)
« le classificateur -ki- s'emploie normalement avec le
classificateur -bi- et forment librement des substantifs de sens augmentatif
(grand nombre, ou grande quantité) généralement avec
connotation péjorative ». Il est complété
par Iyamuremye, (1982 :15) qui ajoute que «les
dérivés du couple 7,8 ont généralement le sens
d'auteur ou de cause ». Dans d'autres cas, renchérit
Iyamuremye (1982 :35), dans le même couple, « quand il
s'agit d'une personne on a le sens régulier de quelqu'un qui a telle ou
telle qualité (bonne ou mauvaise) mais avec une notion d'emphase ou
alors l'état final qui est le résultat d'une action. D'autres
enfin n'offrent aucune régularité sémantique et ont chacun
un sens spécialisé». Les exemples de ce couple dans la
dénomination des journaux sont seulement au nombre de 3, à savoir
ikinâni, icyiîkigihe, ibyiîkigihe...
f) Le négateur
« ta »
D'après Shimamungu, (1984 : 4) «la
négation elle-même est l'essence du non-être, un refus
d'existence. Par mouvement d'éloignement, elle apporte
l'inexistant ». Ainsi, le négateur -ta- s'emploie avec un
verbe de sens négatif, pour former les noms dont la connotation est
positive comme le montre les noms Ubutâbeera et
Intâremara.
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