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Etude lexico-semantique des noms des journaux au Rwanda

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par Pierre Canisius MUTSINZI
Université Nationale du Rwanda (UNR) - Licence en Langue et Littérature Française, Option Science du Langage 2007
  

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3.1.2. La dérivation

La dérivation est un procédé par lequel on forme des mots nouveaux en modifiant la racine ou le radical. Elle opère ainsi par préfixation c'est- à -dire par adjonction d'un affixe qui précède immédiatement la racine ou le radical et par suffixation c'est- à- dire par adjonction d'un affixe qui suit le radical ou la racine.

En d'autres mots, « la dérivation est une agglutination d'éléments lexicaux en une forme unique continue, un radical d'une part, un élément adjoint ou affixe d'autre part appelé préfixe, s'il est placé devant le radical ou suffixe, s'il est placé derrière le radical. » (Guilbert 1975 :34). Quant à Polguere, (2003 :62) « la dérivation est dans le cas le plus standard un mécanisme morphologique qui consiste en combinaison d'un radical et d'un affixe -appelé affixe dérivationnel - ayant les trois propriétés suivantes :

1. Son signifié est moins général et moins abstrait que celui d'un affixe flexionnel, il s'apparente au signifié d'une lexie 

2. L'expression de son signifié correspond normalement à un choix libre du locuteur qui décide de communiquer le signifié en question 

3. La combinaison avec le radical d'une lexie donne un mot forme qui est associé à une autre lexie. »

3.1.2.1. Préfixation nominale

Voici quelques exemples relevés dans la dénomination des journaux au Rwanda.

Tableau 4: Classes nominales

Base

Classe

Noms dérivés

-mwê

-cô

-baanga

-ingabo

-kiîngi

-nâanâ

-seeso

-vâaho

-seemburo

-sekê

-êezi

-tâbeerâ

-bârutso

-yobôke

-jabo

-bâga

-bwiîriza

-raava

-raangi

-nyaânge

-nâni

-taâshya

-bôni

-râbyo

-haanda

-hâmo

-riba

-muri

-geenzi

-tuûrage

-ragê

-goboka

-teera

14

3

5

9/10

9/10

11

3

9

3

3

3

14

9/10

1

5

9/10

1

3

3

12

7

12

9/10

3

9/10

9/10

5

11

9/10

1

3

9/10

9/10

Ubumwê : u-bu-mwê

Umucô : u-mu-cô

Ibaanga : i-ø-baanga

Ingabo : i-n-gabo

Inkiîngi : i-n-kiîngi

Urunâanâ : u-ru-nâanâ

Umuseeso : u-mu-seeso

Imvâahô : i-n-vâahô

Seemburo: u-mu-seemburo

Umusekê: u-mu-sekê

Umwêezi: u-mu-êezi

Ubutâbeerâ: u-bu-tâbeerâ

Imbârutso: i-n-bârutso

Umuyobôke: u-mu-yobôke

Ijabo: i-ø-jabo

Imbâga: i-n-bâga

Umubwiîriza: u-mu-bwiîriza

Umuraava: u-mu-raava

Umuraangi: u-mu-raangi

Akanyange: a-ka-nyaânge

Ikinâni: i-ki-nâni

Agataâshya: a-ka-taâshya

Imbôni: i-n-bôni

Umurâbyo: u-mu-râbyo

Impaanda: i-n-haanda

Impâmo: i-n-hâmo

Iriba: i-ø-riba

Urumuri:u-ru-muri

Ingeenzi: i-n-geenzi

Umutuûrage: u-mu-tuûrage

Umuragê: u-mu-ragê

Ingoboka: i-n-goboka

Înteera: i-n-teera

D'après le tableau ci-dessus, il est à souligner que l'usage des différents classificateurs (marques de classes nominales) assigne un sens différent d'une classe à l'autre. Néanmoins, les unités lexicales dans la dénomination des journaux gardent un rapport sémantique direct avec la base concernée.

a) Classificateur « Bu » (Classe 14)

Les noms de cette classe peuvent représenter certains êtres concrets, ou les mots abstraits. En général, la classe 14 comprend des dérivés qui expriment le fait ou la capacité de faire quelque chose. Comme l'écrit Iyamuremye, (1982 :39), « des substantifs qui désignent généralement l'état d'une personne ou d'une chose ou le fait même d'acquérir cet état ». Dans notre cas, les noms qui sont inclus dans cette classe concernent la catégorie des mots abstraits. Ils ne sont pas du tout fréquents car ils sont seulement au nombre de trois : ubumwê, ubutâbeera, ubucaâmaânza.

b) Classificateur « Mu » (Classe 1 ou 3)

Le classificateur « mu » est souvent employé dans la dérivation restrictive dont plusieurs types s'emploient librement. Cette dérivation s'applique à la plupart des substantifs. Le classificateur « mu » s'emploie toujours pour le singulier, soit dans la classe 1 et ayant comme son pluriel le classificateur « ba » de la classe 2, soit dans la classe 3, ayant cette fois-ci « mi » de la classe 4 comme son pluriel. D'après Uwiringiyimana (200 :17) « le préfixe -mu- de la cl.1, semble être le substitut de `umuuntu' (personne) car dans des doublets savants où il apparaît, il ajoute la notion de personne spécialiste de l'action prônée par le thème de base ». Autrement dit, la première et deuxième classe comprend les dérivés qui ont le sens d'auteur, ce qui ne contredit pas l'idée d'Iyamuremye, (1982 :32) qui explique que : « dans le couple 1,2 on trouve des dérivés de formation libre avec le sens régulier de la personne qui se trouve dans tel ou tel état dont il est l'auteur ou non. (...) Dans le couple 3,4 on trouve des substantifs qui désignent l'état final d'une personne ou d'un objet, et d'autres ont pour sens général l'objet ou l'état qui résulte de l'action contenue par le verbe.»

Dans notre corpus, nous avons un bon nombre d'exemples de cette catégorie dont : « Umubwiîriza » (umuuntu ugîira abaândi inâama zibayobôra= conseiller). Umucô, Umuseeso, Umuseemburo, Umwêezi, Umuragê, Umuyobôke, Umuraava, Umuraangi, Umurâbyo, Umutuûrage... au total, on dénombre 25 noms de ces deux classes sur 236 titres de tout le corpus soit 10,6%.

c) Classificateur « Ka » (Classe 12)

Il s'agit d'une classe entièrement consacrée aux diminutifs et dans la dénomination des journaux, le classificateur « ka » a gardé le même sens. On note également qu'il renvoie à une certaine appréciation des êtres représentés par les noms de cette classe. Selon COUPEZ (1980 :225), « le classificateur -ka- forme librement des dérivés de sens diminutif généralement avec une connotation élogieuse ». Dans la dénomination des journaux, cette classe n'est pas fréquente car nous n'en dénombrons que deux : Akanyaânge et Agataâshya.

d) Classificateur « n » (classe 9-10)

Dans la dénomination des journaux, le classificateur « n » représente à son tour un bon nombre d'exemples. Il concerne les noms de la classe 9 et/ou 10 qui peuvent être soit des êtres concrets ou des abstraits. Iyamuremye, (1982 :11) nous fait savoir que « le couple des classes 9,10 comprend des dérivés qui ne présentent pas de régularité sémantique ». Il ajoute plus loin que « la majorité des dérivés de classes 9,10 ayant -à pour terminaison accompagnée du morphotonème grammaticale P' désignent la personne à laquelle on attribue une action ou une qualité. (...) les autres ne présentent pas de régularité sémantique et ont des sens spécialisés. » (Iyamuremye, 1982 :15-16) Nous citons parmi eux : Ingabo, Inkiîngi, Imvâaho, Imbârutso, Imbôni, Impaanda, Ingeenzi, Ingoboka, etc. Ce couple totalise, dans la dénomination des journaux rwandais, 20 termes sur 236 équivalent de 8.4%.

e) Classificateurs « ki »/ « bi » (classes 7-8)

Comme l'écrit Coupez, (1980 :225) « le classificateur -ki- s'emploie normalement avec le classificateur -bi- et forment librement des substantifs de sens augmentatif (grand nombre, ou grande quantité) généralement avec connotation péjorative ». Il est complété par Iyamuremye, (1982 :15) qui ajoute que «les dérivés du couple 7,8 ont généralement le sens d'auteur ou de cause ». Dans d'autres cas, renchérit Iyamuremye (1982 :35), dans le même couple, « quand il s'agit d'une personne on a le sens régulier de quelqu'un qui a telle ou telle qualité (bonne ou mauvaise) mais avec une notion d'emphase ou alors l'état final qui est le résultat d'une action. D'autres enfin n'offrent aucune régularité sémantique et ont chacun un sens spécialisé». Les exemples de ce couple dans la dénomination des journaux sont seulement au nombre de 3, à savoir ikinâni, icyiîkigihe, ibyiîkigihe...

f) Le négateur « ta »

D'après Shimamungu, (1984 : 4) «la négation elle-même est l'essence du non-être, un refus d'existence. Par mouvement d'éloignement, elle apporte l'inexistant ». Ainsi, le négateur -ta- s'emploie avec un verbe de sens négatif, pour former les noms dont la connotation est positive comme le montre les noms Ubutâbeera et Intâremara.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand