§ I - Un discours revendicatif
D'après un recensement de toute la population
en Tunisie , procédé par l'administration coloniale en 1906, la
population se répartit comme suit : 1 703 142 tunisiens musulmans;
64 170 tunisiens juifs , 128 895 européens (dont 34
610 français, 81 156 italiens, 13 129 diverses nationalités )
(1).
La population tunisienne juive se serait
répartie entre les diverses circonscriptions administratives comme suit
: Beja:822; Mejez el-Bab:214; Bizerte: 1 423; Gabes: 1 271; Jerba: 3 685;
Gafsa: 368; Tozeur: 363; Grombalia:1 804; Kairouan: 483; El-Kef: 848;
Téboursouk: 63; Sfax: 2 781; Souk el-Arba' (Jendouba) : 311;
Tabarka: 41; Sousse: 4 923; Thala: 1; Autres: 3; Tunis:44 769;
Total: 64 170. (2) .
Il faudra attendre le commencement du XIX
siècle et l'établissement du protectorat français en
Tunisie pour que soient formulées explicitement les premières
revendications au nom des juifs tunisiens. Elles s'articulent autour de deux
points :le rattachement des juifs à la justice
française ( A ) et la possibilité pour eux
d'acquérir la nationalité française par la
naturalisation ( B ) .Ces deux revendications correspondaient
aux aspirations de l'intelligentsia moderniste qui s'était formé
au lendemain du protectorat français.
A - La protection : Extension de la
couverture juridictionnelle
Le caractère revendicatif du discours de la
Communauté juive tunisienne touche , au niveau de la couverture
juridictionnelle, le système juridictionnel beylical tant chara'ique
que rabbinique .
Tout d'abord , l'institution du protectorat n'avait
apporté aucune modification à la répartition des
compétences des diverses juridictions relevant de L'Etat
protégé. Les juifs tunisiens continuaient à être
justiciables des tribunaux de l'Etat tunisien pour tous les procès
à caractère criminel, civil ou commercial. Les juridictions
rabbiniques demeuraient compétentes pour les litiges qui touchaient le
statut personnel. Cependant, en 1896, les juridictions consulaires des
puissances européennes furent supprimées et tous les
étrangers devenaient justiciables des tribunaux français
nouvellement crées en Tunisie. L'administration coloniale procède
ensuite en 1898 à la réduction draconienne du nombre des juifs
tunisiens anciennement protégés par la France . Cette couverture
n'a plus d'objet du fait de l'abolition des juridictions
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(1) Sebag P., op cit p. 136 . (2) Idem p. 136.
consulaires et de la levée de toute protection
étrangère Ils devenaient automatiquement justiciables des
tribunaux beylicaux (musulmans et rabbiniques) de l'Etat tunisien.
Cette nouvelle situation a suscité une
réaction chez l'élite juive qui n'a pas tardé à
demander , au nom de ses coreligionnaires, l'extension de la justice
française à tous les juifs tunisiens (1). Cette demande
incessante de protection à travers l'extension de la couverture
juridictionnelle s'est faite en parallèle avec une critique
sévère des tribunaux de l'Etat tunisien .
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