B - Critique de l'action politique
L'élite juive, adressait un grief principal
aux nationalistes tunisiens, en sus de la référence religieuse
sur le plan idéologique, c'est "le manque de
célérité dans les décisions audacieuses et le
manque surtout de l'expérience". Les nationalistes, (surtout le vieux
Destour ) favorisaient dans leur tactique "la fixation dans
l'intransigeance. N'ayant rien à espérer des autorités
française , les nationalistes penchèrent de plus en plus vers le
rejet du protectorat dans un sens réactionnaire"(1) .
Pour Cohen-Hadria " le retour à l'islamisme devait amener
les destouriens à adopter vis-à-vis de la France une attitude
intransigeante et à avoir une peur inconsidérée du moindre
compromis tactique . Comme la fin du protectorat n'était pas dans un
avenir prévisible, ils étaient condamnés à un
immobilisme absolu, ponctué de loin en loin de longs
télégrammes de protestation répandus
généreusement à travers le monde entier, mais qui ne
changeaient rigoureusement rien à rien " (2 )
Les raisons tactiques de cet immobilisme sont dues
à la manière d'appréhender la politique. En effet,
"les dirigeants nationalistes, mêmes ceux qui n'étaient pas
des avocats , abordaient l'activité politique à la manière
des avocats. Ils présentaient leurs revendications au Bey et aux
autorités françaises tels des avocats soutenant leur cause devant
le tribunal . Ils ne pensaient nullement aux compromis. La politique devait
être pure, une affaire d'idéal plutôt que l'exercice de
l'art du possible " (3).
Dans ce cadre, on peut expliquer aisément,
la référence religieuse dans l'idéologie d'un mouvement
national qui puise ses sources dans le constitutionnalisme occidental . Ces
nationalistes "après avoir cherché à imiter le
colonisateur, font un pas vers le conservatisme pour amener les masses
à une prise de conscience nationale " . Or, cette élite
musulmane occidentalisée doit se dévouer entièrement au
changement et doit être politiquement efficace pour prévenir la
formation d'un mouvement réactionnaire. Le retour au conservatisme
dénote d'une approche erronée de l'action politique et un "
certain manque de confiance dans les masses qu'une répugnance de risquer
quoi que ce soit dans la lutte de modernisation " ( 4 ) .
A partir des années 1930, l'opposition ferme
au nationalisme tunisien s'altérait du fait de la déception de
l'élite assimilationniste des autorités coloniales
refusant la naturalisation
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(1)Goldstein D., op cit, p.498. (2) Goldstein D., op cit,
p.498. (3) Goldstein D., op cit, p.499. 41) Goldstein D., op cit , p.432
massive à l'instar de l'Algérie par le
décret Cremieux de 1870. Alors, elle commençait à
émettre
les mêmes critiques que les nationalistes musulmans
à l'encontre du Congrès eucharistique de Carthage de 1932. Elle
recevait, par ailleurs, avec bienveillance le nouveau courant destourien ( le
néo-destour ) qui exprimait sa volonté, dans son organe de presse
l'Action tunisienne , de défendre les Tunisiens sans
distinction de religion
En réalité, une adhésion plus
marquée et militante des juifs tunisiens dans l'anticolonialisme s'est
faite à travers le mouvement social et politique avec des facettes
syndicale, socialiste et communiste. Il s'agit d'un soutien alternatif au
mouvement national à travers les partis politiques pluri-ethniques .
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