B - Différenciation vestimentaire
Le juriste musulman Al-Mawardi, dans
son traité intitulé « Les Statuts
Gouvernementaux» , cite, à titre indicatif, les traits
distinctifs qui doivent différencier le dhimmi (dont le juif) du
musulman :
____________________________________________________________________________
(1) Mawerdi A., Les statuts
gouvernementaux,(Traduction Fagnes), OPU, Alger, 1984, p 63 (1)Ibn
El-khouja Med.-H., op cit, p, 52. (2) Al-Mawerdi A., Les statuts
gouvernementaux (Traduction Fagnes), Alger, OPU,1984, p 213.
- Le juif doit se distinguer par un tenu extérieur
en portant un signe distinctif (ghiyâr) et une ceinture
spéciale (zonnar) avec des vêtements spécifiques
où certaines couleurs lui étaient réservées
- Le juif ne doit pas élever de construction plus
haute que celle du musulman mais d'une hauteur moindre ou égale
- Enfin il ne doit pas employer, pour monture, des chevaux de
race ou de sang mêlé sauf un mulet ou un âne lors de sa
pénétration dans la ville
Toutefois, Paul Sebag note, que les juifs
tunisiens s'habillent comme les musulmans et que le costume juif comporte les
mêmes éléments (serwal, jubba, burnus...) que le
costume musulman. Mais à la différence des musulmans qui portent
une chéchia rouge enveloppée d'un turban blanc, les
juifs doivent porter un bonnet noir enveloppé d'un turban de couleur
sombre(1). En réalité, il semble que la différenciation
vestimentaire ( des vêtements de forme et de couleur spéciales )
était loin d'une forme de discrimination sociale mais un signe de
reconnaissance d'une personne dhimmi vivant en terre d'islam . Cette
différenciation touche aussi les autres membres de la
société musulmane . On reconnaît, à cet
époque, une femme non mariée par son tenu , un homme esclave par
l'anneau en argent dans sa main gauche , un étudiant à la
Zitouna par son chéchia rouge avec son " queue de
cheval" noir , un artisan par son serwal moins ample . L'habit
n'était pas sectaire mais de reconnaissance sociale .
La différenciation vestimentaire était
la plus voyante, mais elle n'était pas la plus importante. La
Communauté juive a régi positivement par rapport au tissu social
musulman en développant leur intégration communautaire
§ II - Intégration communautaire
L'intégration et le communautarisme constituent
deux items apparemment contradictoires mais en réalité
complémentaires dans le discours religieux juif en Tunisie.
L'intégration suppose, en principe, l'effacement graduel de toute
spécificité particulière et la fusion lente mais
certaine dans la "grande communauté" tunisienne . Rien de cela n'est
réalisé puisque les juifs ont gardé un particularisme
spécifique dans la société tunisienne. Ceci se
vérifie au niveau de la séparation spatiale de l'habitat ,
imposée ou voulue par cette minorité, et que rien en principe
n'interdisait de résider en dehors de cet espace, la Hara, mais
une simple situation de fait qui a pris force de droit. En revanche, le
communautarisme suppose le détachement, sans rupture, du corps social et
le développement d'une autonomie distinctive des autres composantes
_____________________________________________________________
(1) Sebag P., Histoire des juifs en Tunisie : des origines
à nos jours . Paris, l'Harmattan , 1991, p. 113
de la société. Or, rien n'est
réalisé de ce qui précède puisqu'un étranger
venant en Tunisie ne peut pas distinguer, à première vue, le juif
de son compatriote musulman. Les juifs en Tunisie, malgré la
différence de religion, ont une contribution culturelle certaine
( A ) dans le système religieux tunisien mais tout en
gardant une certaine spécificité communautaire (
B )
|