§ I - Protection discriminatoire
l'Etat beylical a hérité le statut que
l'Islam assigne à tous ceux qui croient aux Saintes Ecritures,
appelés Gens du Livre (Ahl Al-Kitab). Du
coup, l'Etat reconnaît aux juifs le droit de pratiquer leur religion tout
en payant, en contre partie, un tribut leur garantissant la
sécurité et la protection. C'est un statut de
protégé (A ) dont jouit la communauté
juive qui participe activement à la vie économique et sociale et
garde un monopole de fait sur certains secteurs commerciaux que les tunisiens
musulmans répugnent. Toutefois, pour différencier le musulman du
juif, on impose, à ce dernier, certains traits vestimentaires apparents
et une contribution fiscale (B ) dus de son statut de
protégé et son exclusivisme de certaines activités
très lucratives.
A - Un statut de protégé
En fait, la condition des « Gens du
Livre » en terre d'Islam était régie par un
véritable pacte. Si les juifs devaient verser à l'Etat musulman
l'impôt de capitation, l'autorité devait, en retour, leur assurer
sécurité et protection. C'est par l'appellation de
protégés (Ahl Al-Dhimma) que furent
désignés les juifs tunisiens astreints au paiement de
l'impôt de capitation "Jezya"
Par ailleurs, en échange de la
sécurité et de la protection qui leur étaient
assurées, les juifs ne devaient pas seulement s'acquitter de
l'impôt de capitation, il leur fallait encore ne pas enfreindre un
certain nombre d'interdits dont on cite quelques-uns :
- Ne pas attaquer le livre sacré (le Coran ) ni en
fausser le texte
- Ne pas accuser le prophète de l'Islam ou en
parler avec mépris
- Ne pas parler de la religion islamique pour la
blâmer ou la contester
- Ne pas entreprendre une musulmane en vue de relations
illicites ou licites
- Ne pas détourner de la foi aucun musulman ni
nuire à sa personne
- Ne pas venir en aide aux ennemis ou accueillir aucun de
leur espion (1).
En réalité, cet impôt de
capitation (Jezya) est prélevé sur les tributaires
(ahl al-dhimma) mâles, libres et majeurs et ne s'applique pas
aux femmes, ni aux esclaves et domestiques, ni aux incapables physiques ou
mentaux ni aux vieux et ni sur aux démunis (2) .
La jezya pour les Gens du Livre a
son équivalent pour les musulmans, c'est la Zaket, impôt
sur le revenu. Donc, Jezya et Zaket constituent en fait deux
contributions fiscales qui s'imposent de part et d'autre et sur toute personne
vivant en terre d'islam . On explique cette imposition fiscale dans le fait que
l'obligation du Jihad ( dans le sens d'un service militaire )
n'était pas imposée au protégé . De ce fait, sa
contribution fiscale constitue la contre partie de sa protection et de sa
liberté religieuse. Dans la Régence de Tunis , c'est au
Qâyid des juifs, représentant de ses coreligionnaires
auprès du beylic, de décider du montant global annuel de la
Jezya à payer par la Communauté collectivement. Ce
même Qâyid est aussi , en même temps, le
trésorier receveur général du Bey
En fait, la large autonomie économique dont
jouissaient les juifs leur a donné, malgré l'imposition fiscale
de capitation, l'occasion de réaliser leur promotion économique
tout en gardant leur foi religieuse intacte et même prospère. Ils
ont continué à bénéficier, dans le cadre de l'Etat
beylical, d'une large tolérance qui leur permettait, non seulement de
célébrer leur culte sans contrainte, mais de vivre selon la loi
mosaïque, et ce en s'auto-administrant. La liberté de
célébration du culte, la gestion autonome (ayant
développé l'esprit communautaire chez les juifs tunisiens) et
leur intégration dans le tissu social et économique du pays,
constituent les conditions nécessaires de l'essor d'un discours
religieux original
Ce pacte de protection impose, outre la contribution
fiscale, une différenciation vestimentaire
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