La Communauté juive
était déjà suffisamment différenciée depuis
le XVIII siècle . L'élite juive d'origine
étrangère , très dynamique , s'est greffée sur le
corps de la Communauté autochtone sans se confondre avec elle ,
accentuant ainsi les clivages. Au sommet de la pyramide se plaçait une
élite particulièrement entreprenante et active sur le plan
économique . Elle était constituée de deux
catégories : la grande bourgeoisie commerçante
et financière ( ce sont les juifs négociants Grana-s
mais aussi Twansa-s qui se sont taillés une place de choix
dans le commerce extérieur de la Régence ) d'une part, et les
grands agents financiers du beylic et les fermiers juifs qui se recrutaient
essentiellement de juifs autochtones d'autre part.
Ces deux catégories constituant la grande
bourgeoisie, commençaient à se distinguer au début du XIX
siècle par une tendance à l'européanisation de leurs
moeurs au niveau vestimentaire et de la culture et des attitudes dues à
la fréquence de leurs contacts avec la société occidentale
. Ces membres constituaient le noyau de l'élite la plus dynamique et
influente de l'organisation modernisatrice (3).
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. (1) Podselver L., op cit, p.358. (2) Montel J,
'Excursion en Tunisie' , Revue Tunisienne , Tunis , 1894, p.90 ,
cité par Larguèche A., Pauvres...,op cit, p.684 (3)
Larguèche A., Histoire de la communauté .., op cit, P.171.
Le chroniqueur A. Ibn Abi Dhief
témoigne de son coté de la montée de cette élite ,
de sa fortune et de son pouvoir dans l'échelle sociale, par opposition
aux difficultés des classes sociales musulmanes, dans les années
1860: "...la plupart des riches du pays sont des juifs comme les fils de
'Attâl , les Nat'taf et d'autres parmi la notabilité juive du
royaume " (1) . Le fermier général Nessim Sciammama
, à titre indicatif , a laissé , après sa mort ,
plus de 25 millions de riyals (2)
Le fait caractéristique de ces milieux juifs
de finance et de négoce était leur implication , par le
système des protections et le jeu des alliances , avec les puissances
européennes et leur intrusion à leurs rivalités dans la
Régence à la veille du protectorat (3) .Ce fait notoire
expliquait dans un sens le mépris du général Hussein (
Maire de Tunis et membre du Grand Conseil crée après 1857 ) de
cette élite qu'il qualifia d'ingrate.
Enfin, cette bourgeoisie , et pour marquer son
ascension , déserta la Hara pour s'installer dans le quartier
franc de Tunis et le banlieu nord ( la Goulette ) .
En dehors de cette élite
homogénéisé économiquement et culturellement se
trouvait une diversité ethno-culturelle et des contrastes sociaux .