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Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

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par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

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B - Les traditions et les coutumes partagées

Il n'y a pas que le culte des saints ( le maraboutisme ) qui est commun à la communauté musulmane et à la communauté juive. Ce maraboutisme qui s'apparente à une religion populaire, concerne "les manifestations religieuses qui échappent à la régularité du clerg , tous les écarts par rapport à une religion dite officielle, prescrite ou cléricale " (1). Il y a aussi des moeurs, des traditions et des coutumes partagés : langue, tenue vestimentaire, superstition . D'autres coutumes et usages sont spécifiques à la Communauté juive :

1 - Langue et écriture : Tous les juifs tunisiens parlaient la langue du pays , soit entre eux soit avec la population musulmane . Le parler judaïque , qui n'est pas un « hébreu corrompu », est une variante de l'arabe dialectal en usage dans le pays .Il s'en écarte seulement par une prononciation caractérisée par la permutation de la valeur de certains consonnes telles le sîn et le shîn ,le zîn et le jîm . Les emprunts à l'hébreu sont rares et se limitent à un petit nombre de mots étroitement liés à la pratique du judaïsme .

Le parler judaïque est aussi écrit. Cependant , pour l'écrire , ils n'utilisent pas les lettres de l'alphabet arabe mais les lettres de l'alphabet hébreu. C'est dans cette variante d'arabe dialectal, transcrit en caractères herbeux, que sont rédigés livres, lettres, contrats et mémoires(2). Au fil des temps , l'arabe devient la langue véhiculaire et la puissance de cette langue permit aux juifs tunisiens , depuis l'installation arabo-musulmane en Ifriqiya , de regarder avec des yeux neufs les pouvoirs de l'hébreu et de lui fixer des règles à l'instar de l'arabe . Ce bilinguisme provoqua une renaissance de l'hébreu utilisé par les poètes et les canonistes , tandis que les théologiens se servirent presque exclusivement de l'arabe (3) .

La culture d'expression judéo-arabe est un élément constitutif du patrimoine identitaire de la communauté juive tunisienne . Le parler arabe des juifs tunisiens relevait à la fois d'une expression propre à cette communauté et d'une adaptation au milieu culturel environnant .

2 - Vêtements et parures . Le costume juif se composa des mêmes éléments que le costume musulman . Les hommes portaient un serwel ( pantalon ), une shamla ( ceinture large ), une

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(1) Podselver L., op cit, p.357. (2) Sebag P., op cit, p. 121 (3) Chouraqui A., op cit, p.54

sûriya ( chemise ), une sedriya ( gilet fermé ), une fermla ( veste sans manches), un bûrnous (manteau à capuchon ), chaussent une bal'gha ( babouches ) et se coiffent d'une chéchiya ( bonnet rouge) enveloppée d'un turban ( kashta ) noir ou bleu foncé . Les femmes portèrent un serwel ( pantalon ample ), une sûriya ( chemises à manches longues ), et une blouza ( sorte de boléro) le tout enveloppé, hors de chez elles, d'un sefsari (pièce de soie ) et se couvrent la tête d'une ta'qrita et qufiya ( mouchoir et coiffe ), et chaussaient des bashmaq' ( souliers fermés ) ou temaq' ( mules ouverts ). Elles se fardaient les yeux à l'aide d'un ko'hol, se teignaient les cheveux avec du 'henné, et portaient des ri'hana-s ( colliers ) et des me'qâys ( bracelets ) et 'khal'khal ( anneaux de chevilles ) . La seule différence à des musulmanes c'est qu'elles circulaient sans voiler le visage (1) .

3 - Magie et superstition . Outre le culte des saints , les juifs partageaient avec les musulmans un certain nombre de croyances superstitieuses comme le mauvais oeil ( 'ayn ) que pour la mettre en échec on trace l'empreinte de la main ( Khomssa) sur les murs et dans des bijoux . On croit ensemble au pouvoir prophylactique de la corne de bélier et le poisson ainsi que plusieurs formules conjuratoires qui tirent leur efficacité dans leur prononciation . Les juifs croient aussi aux génies ( jenoun-s ) qui s'emparent des êtres humains et engendrent chez eux des troubles , surtout des maladies nerveuses . On a recours , pour exorciser le corps , à des séances de danse rythmé appelée rebaybiya . On fait appel aussi pour les cas moins graves à un khaffâf c'est-à-dire un guérisseur avec du plomb comme métal de purification

A ces us et moeurs , s'ajoute des coutumes qui sont spécifiques aux juifs tunisiens et qui ont eu, à la longue, force de lois opposables à autrui et applicables par le juge chara'ïque .

4 - Le h'azaqat qandil ( la possession par la lampe ) . L'interdit qui pesait sur le droit de propriété , interdit instauré depuis Hammouda Pacha Bey, a crée une véritable situation d'entassement de la population juive dans des logements exigus dans le cadre restreint de la Hara de Tunis . Alors, pour pallier à cette situation, les responsables communautaires , dès le XVIII siècle, ont instauré à travers le conseil rabbinique d'un droit d'occupation du logement, appelé H'azaqat Qandil ( possession par la lampe ). Le recours à la pratique de la h'azaqa serait une réaction défensive et compensatoire, susceptible de garantir un minimum de sécurité en garantissant un droit d'occupation légal transmissible et objet de transactions diverses Ce droit, développé par le conseil rabbinique, est respecté par la juridiction charaïque musulmane (2) .

Aussi, il y a des fêtes spécifiques à la Communauté juive tunisienne qui ne sont pas

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(1) Sebag P., op cit, 123 (2)Larguèche A., ' La Communauté juive à l'époque husseinite' in Colloque Histoire communautaire...,op cit,p.169

inscrits dans le calendrier juif, mais font partie de ces ajouts autorisés qui permettent aux coutumes de se perpétuer : le pèlerinage à Lella Ghriba à Jerba, le pèlerinage d'El-Hamma au tombeau du rav Sayed El Maârab , la fête des jeunes filles, celle des garçons à Yithro (1) . D'ailleurs, il y a des cas où musulmans et juifs vénéraient le même saint : c'est Sidi Faraj Shawwat à Testour (2)

Mais malgré la spécificité de la mémoire collective et le partage des traditions et des coutumes , la Communauté juive subissait des contrastes sociaux flagrants

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway