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Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

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par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

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B - La déjudaïsation

La problématique posée en matière d'éducation et d'instruction éclaire, en réalité, le conflit fondamental entre le courant réformateur tunisien musulman apparu depuis le XIX siècle , à travers Ahmed Ibn Abi Dhief et Khéreddine Pacha, puis dans le mouvement " les Jeunes tunisiens " et le parti libéral constitutionnel ( P.L.C. ) d'une part, et le courant réformiste juif de l'époque représenté par l'Alliance Israélite Universelle , d'autre part .

Le courant réformiste juif était développé en Europe occidentale , en France en particulier . Ce type de réformisme juif est diffusé par l'Alliance , dès la seconde moitié du XIX siècle en Tunisie , mais sous la forme d'une variante coloniale . Le modèle européen se base sur l'émancipation , l'acculturation et l'intégration à la société locale .Ce courant est issu de la Révolution française qui annonçait l'apparition du nationalisme en Europe , il servira de modèle au comportement des juifs à l'égard de la nation ( la France ) qui leur inspire des sentiments patriotiques .

Le courant réformateur tunisien musulman , en adoptant et émanant lui aussi du modèle européen , attendait des juifs un patriotisme identique à l'égard de l'Etat musulman . Toutefois ,

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(1) Sebag P., op cit , p.202

à l'époque de l'expansion coloniale , le patriotisme des juifs de France les a conduit à participer au projet colonial de leur patrie et non pas aux intérêts et au "bien-être public" de l'Etat musulman , perçu comme tyrannique et de type " sultanien " (1). Alors qu'en France , le modèle impliquait l'émancipation , l'acculturation et l'intégration à la majorité nationale , tous les processus dictés par le modèle s'appliquaient , non pas à la société locale tunisienne mais au pouvoir étranger et à la classe des colons européens . On a là une sorte de transplantation et de mutation coloniale du réformisme juif occidental .

Une partie de l'élite juive tunisienne avait des racines en Europe , surtout en Italie . Ces juifs essayaient de renforcer leurs liens avec le parti européen du monde colonial . Une partie de leurs efforts portaient sur le renforcement de leur statut politique d'étrangers en tant que citoyens européens ( français ou italien ) . Leur culture subit également des transformations : elle a tendance à s'éloigner de la culture juive pour se rapprocher des normes culturelles européennes et laïques ( 2 ). Ce sont ces milieux , en majorité Grana-s qui sont à l'origine du comité local du réformisme juif occidental , l'Alliance Israélite Universelle ( A.I.U. )

Donc, l'affrontement entre la variante coloniale du réformisme juif occidental , qui cherche à accorder la protection française aux juifs du pays , et les aspirations des réformistes tunisiens musulmans qui tentaient à encourager le patriotisme des juifs locaux était inévitable . En effet, le discours d'Ibn Abi Dhief pose que la chari'a exige l'égalité totale des juifs avec les musulmans, en tant que protégés de l'islam (des dhimmis ). C'est pourquoi , d'après lui, il faut corriger les erreurs commises à leur égard en abolissant tous les signes de discrimination . L'humiliation, la répression, les dommages quotidiennement infligés et le rabaissement des dhimmis relevaient d'une dénaturation de la vraie religion et ne témoignaient pas en faveur du bon ordre religieux . L'octroi de l'égalité , à travers le Pacte fondamental de 1857 et la constitution de 1861, est représentée chez Ibn Abi Dhief comme un acte d'observance religieuse que seule la mauvaise foi des insensés pourraient refuser . Ainsi , les réformes représentent une amélioration dans la vie religieuse et dans le rapport des tunisiens avec Dieu (3). Quant aux juifs, dès que les discriminations furent abolies et que l'Etat put garantir leurs droits, ils n'avaient plus aucune raison de leur coté de s'opposer à l'instauration de relations correctes avec les musulmans "leurs frères dans la patrie", disait Ibn Dhief, et de changer d'attitude vis-à-vis de la protection européenne .

La déclaration d'un principe d'égalité entre tous les membres d'une société, à savoir une majorité et une minorité religieuses exige un changement d'attitude mutuelle de l'une envers

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(1) Tsur Y., op cit, p.165 (2) Ibid p.168 (3) Chérif M.-H., " Ben Dhief et les Juifs tunisiens " Confluences Méditerranée, Paris, n°10-Printemps 1994, p.91

l'autre . Pourtant , on constate une divergence notoire entre le discours d'Ibn Abi Dhief et celui des "Lumières en Europe", due au fait que les racines du crédo égalitaire sont différents : les "Lumières" inscrivaient leur motivation dans un courant nouveau laïc, alors qu'Ibn Abi Dhief s'inspire de la tradition religieuse classique, telle qu'il la perçoit .

De l'autre coté, chez la Communauté juive en Tunisie , malgré les réformes entreprises en 1857 et 1861 le phénomène de la ruée des juifs vers la protection étrangère s'accentua . Aux patentes de protection délivrées par les puissances étrangères s'ajoute l'action de la variante coloniale du réformisme juif occidental, à travers le comité local de l'A.I.U., vers la mobilisation de la Communauté juive tunisienne pour épouser le modèle occidental . Victor Garsin , premier directeur et fondateur de ce comité, juif français, se glorifie , dans sa correspondance avec le siège de l'A.I.U. à Paris, de ses démarches auprès du consul de France pour qu'il accorde la protection française aux juifs du pays ( 1 ) .

L'échec des réformes de 1857 - 1861 était le premier rendez-vous manqué entre la Communauté juive en Tunisie et le courant réformateur musulman. D'autres occasions vont encore échoué après l'établissement du protectorat français en Tunisie et après l'accession du pays à l'indépendance nationale . La première ligne de faille dans ces échecs était la crise de l'identité culturelle de la judaïcité tunisienne qui s'est répercutée sur les rapports de la Communauté avec le pouvoir politique .

Les anciennes élites juives religieuses , morales et intellectuelles , ayant montré leur incapacité notoire à défendre la Communauté dans les périodes de crise , ont cédé graduellement le terrain à de nouvelles élites , pas nécessairement religieuses, qui ont trouvé un ancrage en Occident comme levier à manipuler et comme référence idéologique . Leur cheval de bataille était l'enseignement qui brisera l'handicap linguistique et accaparera la culture européenne . Le processus de l'acculturation a engendré une mutation discursive au niveau de la langue utilisée et de la culture véhiculée . La déjudaïsation et la déshébraïsation sont les conséquences de cette mutation malgré la résistance d'une partie minoritaire mais active au sein de la Communauté juive soucieuse de ses prérogatives et privilèges .

Par ailleurs, les juifs , ayant le sentiment d'une Communauté à part et se voyant vivre chez les autres , ont développé un discours religieux flexible qui s'accommode avec les institutions établies et s'adapte aux situations existantes . D'ailleurs, ce discours a réagi positivement à deux

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(1) Tsur Y., op cit, p. 165

événements : l'un relatif au changement de statut tant juridique que politique , l'autre touchant le champs discursif

La flexibilité précède un discours religieux de cohabitation qui trouve sa légitimité dans l'adage développé par les rabbins selon laquelle : la loi du prince est La loi . La cohabitation n'est pas un choix délibéré mais une situation imposée à cette Communauté . Donc , le discours religieux s'est développé au gré des circonstances et a été toujours collaborateur et impliqué avec le pouvoir politique en place , la soumission était de mise religieusement et l'espace public était délaissé .

Le passage de la cohabitation à la flexibilité dans le discours juif était le fait d'une nouvelle élite morale et intellectuelle qui a pris le flambeau de l'ancienne élite et a trouvé un nouvel ancrage dans l'idéologie des lumières . Le passage de la soumission à la participation était son cheval de bataille

Le changement du caractère du discours au gré des circonstances et au choix de ses détracteurs ( locuteurs ) dénote de l'aspect variable du contenu du discours religieux et de sa capacité à l'adaptation , ce qui lui a permis de survivre et de créer des alternatives multiples . Cependant , la diversité dans le contenu du discours a crée un schisme dans la Communauté juive en Tunisie au niveau de son identité et a engendré un détachement de la société d'origine . Cette variabilité du contenu du discours a engendré inéluctablement son inégale évolution .

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius