WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

( Télécharger le fichier original )
par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§ I - L'adoption d'une nouvelle langue

Ayant démontré leur incapacité à défendre la Communauté juive dans les périodes de crise, surtout dans l'affaire de Battu Sfez en 1857, les anciennes élites juives religieuses et morales ont cédé graduellement le terrain à de nouvelles élites plutôt occidentalisées . Leur cheval de bataille était principalement l'enseignement qui brisera les chaînes de l'handicap linguistique pour « dompter la culture européenne »

La mutation discursive était lente, hésitante pendant la période du Makhzen ( A ) mais n'a pas tardé à trouver un ancrage après l'établissement du protectorat ( B ) .

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

(1) Laroui A., Les origines sociales et culturelles .. p.314, cité par Larguèche A., op cit , p702

A - La période Makhzen

Avant l'établissement du protectorat français, les études et l'instruction étaient organisées d'une façon archaïque et comportaient trois cycles d'études:

+ Le premier cycle, a lieu dans le Kûttab ( talmud-torah) et était consacré à l'étude de l'hébreu jusqu'à ce que l'enfant-élève arrive à lire couramment le texte des prières usuelles .

+ Le deuxième, ayant lieu aussi dans le kûttab, était consacré à l'étude des cinq premiers livres de la Bible à la faveur d'une traduction en judéo-arabe .

+ Le troisième, avait lieu dans une Yeshivah, permettait d'aborder l'étude de la Mishnah et de la Gemarah et une connaissance plus approfondie du Talmud (1).

Mais ce système d'enseignement chez la Communauté juive en Tunisie, au XIX siècle, présentait des défauts qu'on n'a pas manqué de dénoncer . Outre l'exiguïté des locaux , on a critiqué l'archaïsme des méthodes didactiques qui donnaient le pas à la mémoire sur l'intelligence ainsi que le contenu de l'enseignement qui ne préparait le jeune juif qu'" à célébrer sa majorité et à prendre place dans la Communauté des fidèles " mais ne lui donnait pas les connaissances qui le préparait à la vie active . Tout au plus , il apprenait à écrire l'arabe dialectal

transcrit en caractères hébreux(2). Par ailleurs, l'absence de production intellectuelle, comme aux périodes aghlabite et hafside, de grands rabbins tunisiens au XIX siècle, importante s'il y en a, montre que la culture juive traditionnelle se trouvait à bout du souffle et au bout du tunnel .

Ces insuffisances de l'enseignement hébraïque traditionnel ont conduit une grande frange de la Communauté juive en Tunisie à envoyer leurs enfants dans des écoles modernes, crées au cours du XIX siècle dans la capitale et dans les villes côtières par des missions catholiques et protestantes en 1831(3) . La colonie livournaise n'a pas tardé, avec le concours de l'Etat Italien , a ouvrir deux collèges à Tunis .A ces écoles et collèges, les juifs livournais, suivis par les Grana-s et par les plus fortunés des Twansa-s, furent les premiers à envoyer leurs enfants .

C'est seulement dans les années qui précédèrent le protectorat français qu'un changement décisif intervient et que cette mutation discursive prit son élan et ce avec la création en 1878 de la première école de l'Alliance Israélite Universelle ( ci- après Alliance ou A.I.U. ). En 1863 un comité local de l'Alliance , présidé par un juif français résident à Tunis, fut crée à Tunis mais le

____________________________________________________________________________

(1) Sebag P., op cit p.126 (2) Larguèche A., Pauvres, Marginaux et Minoritaires à Tunis à l'époque précoloniale . Thèse de doctorat d'Etat en histoire, Tunis , 1997 Faculté des lettres et sciences humaines , p. 726 (3) Kazdaghli H., Expansion coloniale et activités missionnaires. In El-Ghoul F., (Dir de) Conquetes, colonisation, résistence en Méditerranée : la restructuration des espaces politiques, culturels et sociaux. Actes du colloque tenu à Tunis , le 26 ?27 et28 novembre 1998, Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis et CERES, Tunis, 2004,p253

Bey refusa de la reconnaître par précaution de l'intrusion soutenue des puissances étrangères à travers ce comité local, aidé en cela par le Qâyid des juifs par méfiance, quant à lui, d'un autre coup bas, des juifs Grana-s, aidés en cela par les juifs européens, de le détrôner (1).

Il a fallu un événement majeur pour venir à bout de la réticence des Twansa-s. L'insurrection de 1864 éclata et toucha les collectivités juives de l'intérieur du pays de plein fouet dans leurs biens et âmes . Alors, l'Alliance, profitant de l'occasion, lança en leur faveur une grande souscription qui eut un grand succès et fut distribué entre les endommagés et les nécessiteux .Le Qâyid des juifs n'a pris aucune initiative et le dédommagement des autorités fut très lent . Ce rôle joué par le comité de l'Alliance dans l'aide aux victimes renforça auprès des Twansa-s son influence et sa crédibilité .

En 1878 le bey assouplit sa position et autorisa l'ouverture à Tunis d'une école de l'Alliance et lui permettait de percevoir une surtaxe sur l'abattage de la viande cacher ainsi qu'une aide financière annuelle du Bey, pour faire face à ses dépenses de fonctionnement et d'entretien (2). L'école fut inaugurée le 7 juillet 1878 avec plus de mille élèves inscrits provenant dans leur grande majorité des kûttab-s ( tamud-thora ). Le consul de France aida à l'obtention de la cession d'un vaste immeuble ( rue Malta sghira à Tunis ) et a couvert cet achat par une souscription ouverte dans les locaux du consulat . L'école fonctionna près d'un siècle (jusqu'à 1965 ) et elle fut aussi le point de départ d'une série d'autres établissements scolaires à Tunis et dans plusieurs villes d'intérieur .

Le nouvel établissement , tout en faisant une place à l'enseignement de l'hébreu et de la culture juive , assurait surtout un enseignement de la langue française et de toutes les disciplines inscrites au programme des écoles françaises . La création de l'école de Tunis était " l'instrument de la liberté des juifs tunisiens "(3). C'est à travers l'école de l'A.I.U. de Tunis que la mutation discursive s'opère et réalise, en même temps, l'union , partiellement, entre la collectivité Twansa-s et la collectivité Grana-s et les juifs étrangers.

Grâce à cette nouvelle institution , la connaissance du français allait se répandre parmi les masses juives en y faisant pénétrer de nouvelles idées . Le judéo-arabe est relégué dans la communication avec les musulmans ou dans la vie courante dans la basse couche juive de la Hâra de Tunis

La création d'une école moderne , de type européen avait été la motivation principale du ___________________________________________________________________

(1)Weil G., " Les débuts de l'Alliance israélite universelle en Tunisie : 1861 - 1862 " , Fellous S., Dir. de , op cit , p. 171. (2) Weil G., op cit , p.177 (3) Hagege C., cité par Weil G., op cit, p. 171

comité local de l'Alliance dès le début des années 1860 . Ce comité , s'adressant aux Twansa-s ,

"s'efforcera de démontrer que l'école est le moyen le plus sûr pour nos coreligionnaires de s'attirer la sympathie de leurs frères de l'Occident , et que la véritable émancipation leur sera acquise , dans un avenir prochain , bien plutôt par l'instruction que par l'appui des gouvernements étrangers" (1).

Une certitude s'impose : l'entrée de la France dans l'espace public tunisien, en 1881 par l'instauration du protectorat, a accéléré le processus de l'acculturation d'une grande partie de la Communauté juive . L'oeuvre de l'Alliance put réellement se développer sans les contraintes auxquelles elle avait été confronté

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore