Deuxième chapitre : LES BASES TECHNIQUES DES
CUIRS ET PEAUX
BRUTS
A. LE CONDITIONNEMENT
On distingue les opérations suivantes
énoncées dans l'ordre chronologique :
- abattage ;
- dépouille du cuir ou de la peau, ou
l'habillage.
I. l'abattage
Il doit s'effectuer sur une aire propre, cimentée,
légèrement en pente. La carcasse doit être soulevée
par les pattes de derrière pour assurer un écoulement rapide et
complet du sang.
Pour éviter l'apparition des veinules
gorgées de sang sur les dépouilles ,les membres antérieurs
sont de temps en temps soulevés et rabaissés pour faciliter la
saignée.
Lorsque la mise à mort s'effectue selon le rite
musulman par sectionnement de la gorge, il faut veiller à ne pas coucher
l'animal trop brusquement pour éviter des blessures et de lésions
du cuir.
Un puits ou un point d'eau non polluée constitue un
élément fondamental pour une bonne préparation des
dépouilles.(Source :La collecte et le Conditionnement des Cuirs et
Peaux en Régions Tropicales,3e édition 1985)
II. Le dépouillement (ou habillage)
Le dépouillement est l'opération qui consiste
à séparer la peau et les muscles auxquels elle adhère.
C'est une phase essentielle dont la peau doit sortir intacte, sans crevasse ni
éraflure ni trou. . (Source : La collecte et le Conditionnement des
Cuirs et Peaux en Régions Tropicales, 3e édition 1985)
2.1 Matériel utilisé
Les couteaux utilisés pour la dépouille sont
les mêmes que ceux qui servent pour l'abattage. Ce sont des couteaux
pointus, souvent à double tranchant. Ils sont les causes essentielles
des dégâts tels que les trous et coutelures, occasionnant une
dépréciation des cuirs et peaux.
Les couteaux pointus ou à double tranchant sont
à proscrire formellement au profit du couteau à
dépouiller.
Schéma
filmé du manuel des Agents des Cuirs et Peaux de la zone tropicale
Le couteau à dépouiller présente un
tranchant incurvé et convexe. La pointe est arrondie et le dos mousse et
concave. L'usage de ce couteau permet de diminuer les coutelures et les
trous.
2.2 Technique
Elle s'effectue en deux temps : la parfente et la
dépouille proprement dite.
La parfente consiste à pratiquer sur l'animal mort une
longue fente qui atteint la chair qui s'étend depuis l'encolure
jusqu'à la queue en suivant la ligne médiane ventrale.
Chez le bovin, la dépouille s'effectue en position
suspendue (animal accroché par les pattes postérieures) ce qui
est plus commode et plus hygiénique du fait du travail loin du sol.
Chez les ovins et caprins, on préfère
dépouiller sur un sol cimenté.
La dépouille consiste à détacher la
peau des muscles à l'aide d'un couteau.
Elle doit intervenir le plus vite possible après
l'abattage. Elle est complétée par deux opérations qui ont
pour but d'assurer une meilleure présentation du cuir ou de la peau,
d'en faciliter la conservation et, dans une certaine mesure, d'éviter
des pertes à l'acheteur : ce sont l'écharnage et le
rognage.
L'écharnage consiste à nettoyer la peau
après l'avoir étendue sur le sol en enlevant les morceaux de
graisse et de chair qui restent adhérents au niveau de l'hypoderme.
C'est, une opération très délicate et qui requiert
à la fois dextérité et compétence.
Le rognage ou parage consiste à rectifier les
contours de la peau en sectionnant les parties suivantes :
- le scrotum, chez le mâle ;
- la peau des mamelles,
- l'extrémité des membres au niveau des jarrets
et du genou,
- les bords de la plaie de saignée
- l'ombilic,
- les marges de l'anus et de la vulve
éventuellement,
- la queue fendue, débarrassée de ses
vertèbres au niveau du tiers supérieur, chez les bovins, du quart
supérieur chez les petits ruminants.
Pour terminer ces opérations, la peau sera
lavée à grande eau de façon à éliminer le
sang, les excréments, l'urine qui pourraient la souiller.
Après un égouttage rapide, elle est
prête pour les opérations de conservation, puis de stockage.
III. La conservation des cuirs et peaux
bruts
3.1 Principes
La peau doit être lavée, parée,
égouttée, quel que soit le procédé utilisé
pour la conserver, et ce immédiatement après la
dépouille.
Séparée de la carcasse, la peau
fraîche reste très sensible à la putréfaction, en
climat chaud et humide principalement. Elle se putréfie, et les
différents constituants se séparent sous l'effet de fermentations
microbiennes. Or pendant des périodes plus ou moins longues, les peaux
seront abandonnées sur le sol puis transportées, stockées,
triées, classées et livrées à différents
intermédiaires avant d'arriver à la tannerie. Pour les manipuler
sans dommage, il faut les conserver, ce qui revient à empêcher le
développement des parasites des microbes et des moisissures.
(Source : La collecte et le Conditionnement des Cuirs et Peaux en
Régions Tropicales, 3e édition 1985)
3.2 Le séchage
Il consiste en une déshydratation de l'ordre de 65
à 70% du poids frais obtenu par exposition à l'air. C'est un
procédé simple et économique exigeant une certaine
précaution. Il faut éviter de procéder avec trop de
rapidité, soit en plein soleil soit dans un violent courant d'air. Dans
ces conditions, la dessiccation des couches superficielles est rapide alors que
les couches internes conservent leur humidité. Il peut donc y avoir
à la fois séchage apparent et putréfaction profonde. Il
est préférable, dans tous les cas d'agir dans l'ombre, sous abri
et à une certaine distance du sol, de façon qu'il y ait
circulation de l'air sur les deux faces. (Source : La collecte et le
Conditionnement des Cuirs et Peaux en Régions Tropicales, 3e
édition 1985)
1. Séchage dans un
séchoir
Pour éviter la putréfaction les cuirs et
peaux seront obligatoirement mis au séchoir dans deux ou trois heures
qui suivent l'abattage.
a)Le séchage des cuirs sur cadres
Il consiste à placer le cuir
entièrement déplié à l'intérieur d'un cadre
en bois tendu par des ficelles fixées dans des trous appelés
ganses. On fixe le cuir selon la ligne de dos, ensuite les membres et les
autres régions, en tendant simultanément les deux ficelles
opposées.
En brousse, on a recours à des
procédés de fortune (piquets, toit de tente,...)
b) Le séchage sur barre
On place le cuir à cheval sur une barre de fer
galvanisée assez grosse, côté poil à
l'intérieur. Les deux parties ne doivent se toucher ; pour cela, on
peut attacher l'un des côtés sur les montants d'une barre voisine.
Par ce procédé l'encombrement est réduit de moitié
mais le croupon est plié en deux. Ce qui peut conduire à la
rupture de fleur si la sèche est trop poussée. A l'inverse, au
contact de la barre des phénomènes d'échauffe peuvent se
produire. Une bonne surveillance est nécessaire.
c) Le séchage des peaux
Il peut aussi s'effectuer sur cadre (quatre peaux par cadre)
suivant la même technique que pour les cuirs mais est rendu plus
délicat par suite de la plus grande fragilité des peaux.
Pour ce qui est de séchage des peaux sur barre ,on
opère le plus souvent sur fil de fer.La peau est placée à
cheval selon la médiane, côté chair à
l'intérieur.
d) les séchoirs
Les barres et les cadres peuvent être construits
sous un hangar aéré.
Les dimensions du hangar sont faites en fonction de :
- l'abattage journalier maximal ;
- la durée maximale du séchage en raison des
pluies.
Il faut prévoir quatre à cinq jours pour les
cuirs et deux à trois jours pour les peaux dans les conditions
d'hygrométrie maximale
e) Durée de séchage
La durée de séchage est fixée comme
suit :
- de novembre à juin } cuirs 48
heures
} peaux
24 heures
- de juillet à octobre } cuirs
72 heures
} peaux
48 heures
Après la sèche la teneur moyenne en eau est
de l'ordre 30 à 35% du poids brut, selon la saison et les conditions de
stockage. Au dessus de ces pourcentages, il y a réhydratation et risques
de putréfaction, d'échauffe et de moisissures.(source :
Contribution à l'étude des Cuirs et Peaux au
Sénégal,1988)
3.3 Le salage
Le salage consiste à recouvrir la
dépouille verte d'une couche de sel qui absorbe son humidité et
joue un rôle antiseptique.
En pratique, on empile les peaux à plat, les unes au
dessus des autres, le côté chair au dessus, une épaisse
couche de sel la séparant de la suivante, et ce, pendant deux
semaines.
Le poids du sel doit être d'environ la moitié
du poids de la peau, ce taux étant un maximum et l'utilisation usuelle
allant de 25 à 50% ,selon l'état de l'humidité initial.
La perte de poids provoquée par la
déshydratation est environ 15 à 20% contre 65 à 70% dans
la sèche intensive atmosphérique.
Après deux semaines, les peaux sont
secouées, égouttées, pliées et stockées en
piles.
3.4 Le saumurage
Le saumurage est une variante de salage. Les peaux ne sont
plus empilées sur le sol mais dans des cuves après avoir
été écharnées. Elles y restent 24 heures dans une
solution composée par addition répétée de sel pour
maintenir une concentration constante dans une proportion de 25% de sel par
rapport au poids initial.
3.5. L'estampillage
Cette opération a pour but de permettre
l'identification d'une peau en connaissant son origine et son mode de
conditionnement.
L'estampille est appliquée dès la sortie du
séchoir, sur le collet de la peau avec un produit qui doit
disparaître au tannage. Le plus utilisé est le bleu de
méthylène.
L'opération la plus utilisée à
N'djaména est l'estampille d'origine.
B. Défauts des cuirs et
peaux
Les défauts sont consécutifs, soit à
des altérations sur l'animal vivant, soit à un mauvais abattage
ou à une dépouille défectueuse, soit à une
mauvaise conservation.
1. Défauts acquis du vivant de l'animal
Une peau saine est le gage d'un produit fini de bonne
qualité.
Les maladies qui causent le plus de dégâts
à la peau sont les gales et la dermatophilose chez les bovins, la
démodécie chez les caprins, les mycoses ou teignes pour toutes
les espèces.
2. Défauts d'origine traumatique
Ce sont des atteintes soit volontaires,comme les marques de
feu,soit accidentelles,comme les coups de cornes, les contusions,les
excoriations,les cicatrices d'abcès après piqûres...
3. Défauts acquis lors du conditionnement
Coupure : entaille faite par le couteau de
dépouille ;
coutelure : entaille incomplète qui a pour
conséquence une diminution de l'épaisseur de la peau, dite
baisse ;
échauffe : début de putréfaction
causé par un mauvais séchage (sur le sol en particulier), ou mise
au séchoir trop tardive. Elle est localisée et se
reconnaît :
- à l'odeur ;
- aux poils qui, sur la « plaque
d'échauffe »,qui s'arrachent facilement en touffes ;
putréfaction : détérioration
généralisée des protéines constituant la peau,en
particulier la fleur.
C. Classement des cuirs et peaux
Le classement est la base de toute opération
commerciale et sert, en particulier, à la détermination du prix.
Il est effectué selon plusieurs critères : le choix, le
poids, la préparation, la race et la provenance.
a) Le choix
C'est la base la plus subjective, la plus
controversée du classement. Ce n'est que par une longue pratique qu'on
acquiert l'habitude d'opérer la classification en choix.
On distingue en général quatre choix et
les rejets.
Ce classement tient compte de la texture de la peau ou du
cuir, de sa finesse, des différents défauts que l'on peut y
rencontrer ainsi que de leur localisation.
Rejets : peau impropre au tannage, nombreux
défauts lésant toute la surface, ou putrefiée.
b) le poids
- poids moyen des cuirs secs :
Le poids moyen des cuirs varie avec le type de bétail
et la saison.
- Le poids moyen des peaux sèches
c) le mode de préparation
On distingue différents modes de
préparation :
- B.A.V : boucherie arséniqué vert
- B.S.A : boucherie sèche
arséniqué
- A.B.A : apprêté brousse
arséniqué
- A.B.S : apprêté brousse sec
d) la race
Certaines races sont réputées pour la
qualité de leur peau.
D. Critères commerciaux
Sur le plan commercial, la qualité commence du
vivant de l'animal et se poursuit tout au long de la chaîne jusqu'au
tannage. Le conditionnement, la collecte, le classement en choix et
catégories dès l'origine sont des critères décisifs
qui font le renom ou la perte des cuirs et peaux d'une région à
une autre (source : Mémento de l'Agronome,4e
édition).
a) Magasin des cuirs et peaux
Le magasin peut être un hangar à sol
cimenté, construit en briques dures autant que possible, il doit
être facile à nettoyer,à désinfecter et
édifier sur un terrain surélevé et en dehors d'une
agglomération. Il doit être parfaitement étanche à
l'abri des rongeurs bien ventilé, bien éclairé et
accessible aux véhicules. Le hangar doit être composé
de :
- d'une salle d'achat menue de bascule
généralement sur une aire cimentée ;
- une salle de stock comprenant plusieurs compartiments munis
de claies de bois posées sur le sol ;
- une salle de mise en balles munie d'une presse.
b) Emballage des peaux
Les peaux placées dos à dos
côté chair en dehors sont ficelées de façon à
former de lots de 100 (40 à 90 kg environ), une toile de sac est cousue
autour. Il conviendra de ne pas trop serrer, ni trop peu. Les balles peuvent
être laissées nues. Les lots seront homogènes et ne
comprendront qu'une classe à la convenance du vendeur.
c) Emballage des cuirs
Les cuirs secs sont pliés en deux,
côté chair en dehors,les balles non pressées , nues,
liées à la corde. Selon les poids, les balles contiennent 10,15
ou 30 cuirs. Il faut retenir que le poids moyen est de 40-50 kg
d) Emballage des balles
Les balles ainsi constituées sont munies d'une
estampille souvent rédigée à l'encre grasse et qui a pour
but de mettre en évidence son origine et son contenu.
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