Réseau
« ... l'art ancien était fait pour être
vu de l'extérieur. Le nouvel art est fait pour être construit de
l'intérieur. Ou bien vous êtes à l'intérieur du
réseau, ou bien vous n'êtes nulle part. Et si vous êtes
à l'intérieur du réseau, vous êtes partout
».
Roy Ascott
A l'image d'une topographie, un réseau de
communication sculpte notre environnement. Ces informations ne circulent pas
à notre échelle, ni spatiale, ni temporelle. L'échange et
le partage nécessitent donc une interface, celle-ci pour être
universelle et internationale s'est matérialisée sous forme de
sites et de liens. L'architecte, suite à ces nouveaux modes de
représentation et de communication est amené à s'adapter
mais surtout à se reconfigurer.
Cette mutation est partagée par tous les artistes
contemporains.
« Pourquoi la consommation d'une information n'est elle
pas destructive et sa détention exclusive ? Parce que l'information est
virtuelle. »
Pierre Lévy
La vulgarisation de l'Internet a favorisé la diffusion
des systèmes dits multimédias ainsi que la création de
nouveaux modes d'expressions dans tous les arts-plastiques, y compris
l'architecture. C'est un espace qui n'est pas limité
géographiquement mais qui autorise une simultanéité dans
les échanges, ce qui bouleverse nos habitudes. Quand on se connecte
à internet, on plonge dans une espace virtuel et mental qui est
partagé par le monde entier.
David Noël - Virtus / Réseau
Des liens sont organisés pour naviguer d'un thème
à l'autre, d'un projet à l'autre, d'une discipline à
l'autre.
A l'origine c'est Vannevar Bush, le conseiller du
président Roosevelt, qui imagina un programme de classement documentaire
appelé memex.
« Un dispositif grâce auquel un individu peut
archiver ses livres, ses notes et ses communications et qui est
mécanisé afin de pouvoir être consulté très
rapidement avec une grande souplesse. C'est une extension de sa propre
mémoire. »
Vannevar Bush
Le memex est l'ancêtre de l'hypertexte
même s'il n'a jamais été réalisé. Basé
sur le principe de microfilm, il projetait l'information qui pouvait être
annotée et liée à d'autres documents. Aujourd'hui
l'information est distribuée, organisée sur un réseau ou
des milliers d'ordinateurs sont connectés.
Les liens contextuels, les hypertextes, forment des
architectures différentes :
L'hypertexte tourne page reproduit le feuilletage
séquentiel d'un livre. Il faut passer d'une page à l'autre, il
n'y a aucune liberté. Ce modèle de navigation est intuitif car il
reprend l'image culturelle du livre. Nous assistons à une transition de
cet hypertexte vers tous les autres.
L'hypertexte arborescent organise l'information en couches
hiérarchiques. Le cheminement est établi par l'auteur, le
visiteur se déplace sur un arbre. Ouvrage, chapitre, page, paragraphe,
phrase, mot.
L'hypertexte combinatoire contient un nombre
déterminé de noeuds. L'ensemble de ces noeuds
David Noël - Virtus / Réseau
est délinéarisé mais lisible par le
visiteur, celui-ci s'oriente dans un parcours à choix multiples. Cette
architecture offre un ensemble graphique calculable.
L'hypertexte en étoile offre une structure
intéressante dans le cas des définitions. Un noeud central
renvoie vers des informations d'un autre niveau. Il faut ensuite revenir en
arrière.
Dans L'hypertexte en maille de filet, l'utilisateur choisit
ses associations et active les liens disponibles. Cette structure est
dynamique, les différentes pages sont en perpétuel mouvement,
elles gravitent autour de l'internaute. Cet hypertexte illustre parfaitement la
virtualité même du lien contextuel.
Les dictionnaires électroniques suivent globalement ce
schéma.
D'autres navigations existent. La navigation
opérationnelle permet de circuler sur un site indépendamment de
son contenu. Entrer, quitter, suivant, précédent. Le navigateur
offre cette interface.
La navigation sémantique permet de s'orienter à
l'aide des associations de sens. Cette organisation poétique et
fonctionnelle est de plus en plus utilisée.
Ces cheminements sont comme des parcours en architecture.
Certains projets de mobilité sont basés sur des schémas de
circulation semblables aux hypertextes. Notre société d'images
est faites de liens, d'associations d'idées.
Le réseau hypertextuel est ouvert, il n'est jamais
fini, il est toujours possible d'y rajouter des noeuds et des liens. Celui-ci
s'enrichit et s'optimise. Cette optimisation est intéressante et trouve
de nombreuses applications en architecture, en urbanisme.
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David Noël - Virtus / Réseau
Les hypertextes apportent de l'interactivité aux
livres électroniques ou aux sites internet. Ce type de lecture est une
sorte d'immersion, l'environnement est personnalisé. L'objet s'approprie
et permet au visiteur de s'y identifier.
Depuis toujours les artistes s'échangent des
correspondances qui, parfois publiées, forment de véritables
réseaux. Les artistes profitent des systèmes de
télécommunications qui conviennent à leur besoin
d'expression.
Le bureau d'architecture UN Studio travaille comme un
réseau et un programme.
United Net Studio, un réseau uni. Cette agence
fonctionne comme un réseau transdisciplinaire de spécialistes
d'horizons différents. Il y a des architectes, des urbanistes, des
graphistes, des économistes, des industriels,... Ceux-ci fonctionnent
comme un programme, il considèrent l'architecture comme un
système ouvert d'énergie où la connexion organisée
est essentielle.
« J'observe une tendance croissante à
rechercher des manières dont l'architecture pourrait introduire de plus
en plus de complexité dans une complexité globale. [...] Cette
tendance s'oriente de plus en plus vers les systèmes organiques, et la
façon dont, par l'impact et l'effet des forces externes, un
modèle générique se différencie. Le modèle
est perçu comme un tout, tout en restant dans le même temps
très fragmenté. »
Ben van Berkel -UN Studio
Le Workspace Unlimited est un collectif d'artistes qui se
consacrent à l'expérimentation de nouveaux médias qui
impliquent l'art, l'architecture et la communication.
Ils développent des contextes pour la
réalité augmentée.
En effet, ils croisent des espaces physiques et virtuels sur
base de technologies issues du
David Noël - Virtus / Réseau
monde des jeux vidéos.
Ces démarches visent à améliorer les
collaborations, les expositions entre les grands centres artistiques
internationaux.
Il y a quelques années, un réseau de mondes
virtuels connectait des centres d'art belges avec d'autres pays. Depuis, le
Kunstencentrum de Gand, la Société des Arts Technologiques de
Montréal et le V2 de Rotterdam participent au projet. Ces mondes
créent des relations sociales et des supports d'expression d'un genre
nouveau. Le contenu est étrangement lié au contexte.
Voici trois de leurs projets :
Extension en 2003 se définit comme une intervention
architecturale virtuelle qui explore le potentiel de l'architecture
numérique, une réflexion à propose de l'identité
urbaine, culturelle et spatiale. L'environnement de la SAT de
Montréal à été modélisé. Dans la
version virtuelle, une extension a été rajoutée sur le
toit depuis laquelle on peut profiter d'une vue panoramique sur toute la ville.
Nouvel espace utopique, nous pouvons l'interpréter et en discuter...
Devmap en 2004 crée une réalité
perceptuelle dans laquelle les usagers interviennent. Une collection
phénoménale de données est manipulée par les
visiteurs pour ensuite être recollée sur un paysage virtuel. La
base de données est ainsi renouvelée en temps réel, ce qui
reflète la réalité.
« Etant donné la nature changeante de la
matière première, le nouvel espace public sera un biotope
d'impressions et d'échantillons en perpétuelle transition,
transposée du monde réel au monde virtuel où leur forme
altérée sera reproduite dans la réalité.
»
Workspace Unlimited
David Noël - Virtus / Réseau
Implant en 2006 est un noeud entre les deux autres projets. Il
contient les différents concepts développés par Workspace
Unlimited reliés à d'autres idées et d'autres projets.
Des collaborations entre artistes et scientifiques n'ont pas
attendu internet pour s'exprimer. Il y a une trentaine d'années, Robert
Adrian utilisait les réseaux téléphoniques pour
créer de véritables communautés d'artistes sensibles au
phénomènes de télécommunication.
Des réseaux apparaissent partout et sous toutes les
formes. Nous sommes bombardés de leurs ondes
électromagnétiques.
Eric Raymond est un artiste qui a réussi
à matérialiser ces ondes sur du papier. Dans son installation
Scribes, il a équipé des robots miniatures de récepteurs
d'ondes radioélectriques. Ceux-ci se mettent à dessiner des
images cartographiques résultantes de nombreuses sources dont les
téléphones portables, les ondes radio, les émissions
naturelles.
La Boîte Blanche, collectif d'artistes et
musiciens, a créé un curieux phénomène
événementiel baptisé Nomusic Cet exemple illustre bien
l'instabilité du support et la participation des internautes
nécessaires à une manifestation mondiale et partagée.
Le principe est simple, il s'agit d'une diffusion en temps
réel de musique produite par plusieurs auteurs dispersés
géographiquement. La technologie de la mémoire tampon permet
à tous les auditeurs d'écouter le même morceau, disponible
le temps d'une rotation planétaire.
Cette plateforme musicale n'est possible que dans un
espace-temps virtuel.
« La création de cet espace de diffusion
ouvert s'est avéré nécessaire au vu de la
difficulté à présenter aujourd'hui des concerts
désincarnés de musique informatique, qu'une présence sur
scène ne justifie plus dans un espace de représentation classique
et frontal (acteur / spectateur).
David Noël - Virtus / Territoire
Ces nouvelles pratiques multimédias
émergentes permettent aujourd'hui à tout à chacun d'avoir
une démarche musicale plus singulière, avec une autre pratique de
l'écoute et une scène plus partagée. »
Nomusic Festival
Aucune archive n'est faite lors du rendez vous
planétaire et les données diffusées s'évaporent
après leur diffusion. Le collectif propose également des
rencontres improbables pour les artistes. En effet, deux participants sont
diffusés en même temps, chacun sur un canal différent.
L'internaute peut alors basculer sa stéréo de gauche à
droite ou laisser les deux pistes ensemble.
« Nous ne parlons pas de sélection, mais
d'évidences en cohérence avec ce type de dispositif,
d'éthique et d'espace critique que cela soulève. Tous les
participants jouent leurs propriétés sonores non
copyrightées. Nous ne laissons pas de place aux DJ's conventionnels
assujettis mais uniquement aux participants qui nous semblent être en
dépassement d'une certaine forme de con ventionalité sonore. Nous
encourageons les participants à utiliser eux même des sources
simultanées ou non, provenant du réseau, afin de complexifier
davantage le dispatch terrestre Une grande diversité géographique
est également un critère important. »
Carl Y. et La Boite Blanche
Seul le support liquide que représente Internet permet ce
genre de manifestation.
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