Le mécanisme de l'épargne bloquée du
réseau CamCCUL est essentiellement basé sur un principe de
garantie financière devant représenter 30% du risque encouru en
opérations de crédit (A). Cette garantie financière
emporte des implications importantes liées au portefeuille de
crédits qui sont malheureusement très souvent
négligées dans l'analyse (B).
A - Le principe de 30%
De principe, pour toute demande de crédit dans une
caisse populaire du réseau CamCCUL, le membre demandeur doit
posséder au moins 30% du montant sollicité sur son compte
d'épargne. Lorsque la demande est approuvée, la provision est
bloquée et rendue progressivement disponible une fois le solde du
crédit inférieur au montant initial de la provision, à la
suite de remboursements effectués. Le taux de l'épargne
bloquée varie selon les EMF où elle est pratiquée de part
le monde. On peut ainsi observer que de 20% minimum, elle peut aller
jusqu'à 60%. Dans le réseau CamCCUL, le taux de 30%
apparaît davantage comme un indicateur plutôt que comme un taux
strictement contraignant. C'est ainsi que dans la pratique, le montant de
l'épargne bloquée peut effectivement varié et
représenter jusqu'à 20% du montant du crédit.
Dans une perspective de dépassement du cadre
empirique, il est intéressant de se pencher sur la nature juridique de
l'épargne bloquée. A cet égard, elle apparaît comme
ce qui est couramment connu comme une «caution bancaire », car il
s'agit en réalité de la consignation d'une somme d'argent,
fut-elle dans le compte du membre, en vue de garantir
l'exécution d'une obligation. Il faut déplorer
la confusion que les deux significations du mot caution créent au
quotidien dans les COOPEC et regretter que la « commodité »
justifie toujours l'usage du concept de caution avec sa signification duale.
S'il s'avère véritablement impossible de délaisser son
sens dépôt de garantie, de consignation ou de gage
d'espèces, le législateur, le juge et la doctrine pourraient au
moins faire suivre le terme caution par l'adjectif bancaire pour indiquer qu'il
s'agit d'un dépôt de garantie. Le terme caution strictement
employé renverrait alors plus simplement à la sûreté
personnelle qu'on connaît.
B - La portée de l'épargne bloquée
sur le portefeuille de crédit
L'épargne bloquée dans la proportion de 30% n'a
véritablement de sens que dans le cadre des crédits dont le
montant est supérieur à l'épargne du membre. Lorsque le
crédit est d'un montant inférieur ou égal à celui
de l'épargne, il faut distinguer s'il s'agit d'un crédit «
productif » ou d'un crédit de « consommation ». Dans le
premier cas, le principe de 30% est respecté car le membre pourrait
avoir besoin de l'excédent en compte d'épargne pour les besoins
de son activité. Le fait que l'objet du crédit soit
générateur de revenus est également pris en
considération. Dans le second cas, ce sont 100% qui sont
bloqués.
Qu'il s'agisse de 30% ou de 100%, l'ignorance de
l'épargne bloquée au moment de la présentation du
portefeuille de crédit contribue à gonfler la valeur de ce
portefeuille. Les crédits garantis par l'épargne des membres ne
présentent pas vraiment de risques. Une présentation rigoureuse
du portefeuille donnant une indication sur le risque réel encouru par
l'institution dans les opérations de crédit devrait exclure les
montants garantis par l'épargne. Bien entendu, l'épargne
bloquée peut être érodée plus tard, mais en raison
des autres risques institutionnels et opérationnels ; pas en raison des
risques opérationnels liés aux activités de
crédit.
De nombreux membres des COOPEC considèrent d'ailleurs
qu'il s'agit ni plus ni moins d'emprunter leur épargne, ce qui n'est pas
faut. Cette pratique est critiquée au motif qu'elle engendre des charges
financières injustifiées106. Mais elle présente
de nombreux avantages. Il faut dire que le coût d'opportunité de
l'opération n'est pas toujours défavorable pour le membre.
L'argent obtenu étant un crédit, le membre sera plus enclin
à le rembourser et fera ainsi un effort d'épargne. Ce dernier
continue d'avoir une garantie
106 LHERIAU (L), Op. Cit. p 452.
pour de crédits futurs dans sa caisse.
L'épargne bloquée étant rémunérée
dans le réseau CamCCUL, les charges financières sont finalement
très faibles. En considérant un membre qui dispose de FCFA
300.000 sur son compte d'épargne et qui vient en emprunter 200.000 FCFA
pour un remboursement en trois mensualités, le membre recevra FCFA 2.500
d'intérêts à 5% l'an sur la portion de 200.000 dans son
compte et payera des intérêts de FCFA 4.000 à 1% mensuel,
d'où une perte de 1500 représentant le coût final de son
crédit. L'emprunt de l'épargne est donc une pratique à
encourager en microfinance pour la raison principale qu'elle permet au membre
d'épargner et de n'avoir recours aux ressources financières que
pour des fins utiles et très souvent susceptibles de
générer des revenus. Les difficultés que l'on observe dans
sa mise en oeuvre freinent cependant son développement dans le
réseau CamCCUL.