I- APPROCHE THEORIQUE
I.1- Rationnement du crédit
Il s'agit de présenter quelques théories qui ont
traité du phénomène de rationnement de crédit.
I.1.1- Rationnement du crédit et imperfection du
marché
Selon la théorie keynésienne, les ajustements se
font par les quantités le rationnement va obéir plus à la
loi de Keynes qu'à celle de Walras, qui est un ajustement par les prix.
En effet, selon D.R. Hodgman(1961), même dans les conditions de parfaite
concurrence, les prêteurs peuvent refuser de financer certains clients.
Par exemple, plus on demande à une banque de faire crédit, plus
le taux d'intérêt sera élevé, mais ce n'est pas par
ce que le taux d'intérêt est élevé que les revenus
de la banque augmentent forcément. Au contraire, selon Hodgman, plus la
banque prête, à un taux d'intérêt
élevé, moins les entreprises sont capables de rembourser. Selon
lui, le taux d'intérêt augmente la probabilité de faillite
et la fonction d'offre n'est pas une fonction linéaire du taux
d'intérêt, mais elle a une forme curviligne.
Dès lors, le rejet d'une partie de demande de financement
est analysé comme une stratégie élaborée par les
banques dans le but de maximiser leur profit.
Le rationnement du crédit demeure donc compatible avec
la réalisation d'un optimum pour les offreurs. Ce type de rationnement
traduit en réalité l'échec des forces du marché
à réaliser un équilibre entre l'offre et la demande
globale.
Selon Jaffée et Modigliani, tout en s'appuyant sur la
fonction de crédit non linéaire, distinguent deux types de
rationnement : le rationnement dynamique et le rationnement statique.
Selon l'idée du rationnement dynamique, la banque
centrale augmente le taux, l'offre de crédit va baisser car les banques
de second rang vont éviter d'élever immédiatement le taux
d'intérêt. Elles vont par contre ajuster les quantités de
monnaie en observant une période plus ou moins longue avant de
réagir.
Quant au rationnement statique, Jaffé et Modigliani
estiment qu'en permanence, il y a des agents qui vont se trouver
rationnés. Mais il n'y a pas autant de taux d'intérêt que
de débiteurs. Il y a quatre ou cinq classes de taux en fonction de la
qualité et la dimension de l'entreprise.
A l'intérieur d'une même classe, les entreprises
les plus performantes auront tous les crédits qu'elles demandent et les
moins bonnes seront rationnées jusqu'à un certains niveau. Dans
une même classe, il y aura des emprunteurs qui auront tous le
crédit qu'ils désirent pendant que d'autres moins bonnes seront
rationnées.
Mais la question qu'on est en droit de se poser est celle-ci :
Pourquoi dans ce contexte, la banque joue sur les quantités plutôt
que de jouer sur les taux d'intérêt d'autant qu'elle connaît
la qualité de l'entreprise.
En réalité, c'est parce que la banque n'a pas
toutes les informations sur l'emprunteur. Dans un contrat financier, il y a
toujours un problème d'asymétrie d'information. Il y a
asymétries d'information sur un marché quand certains
opérateurs détiennent une information particulière qui
n'est pas totalement, transmises au prix des actifs sur le marché. On
rencontre ces problèmes aussi bien au niveau des activités des
banques qu'au niveau des activités des IMF.
I.1.2- Le rationnement de crédit et asymétries
d'information
Le problème d'asymétries d'information
génère des phénomènes de sélections adverses
et d'aléas de moralité. La sélection adverse selon H.
Varian est le fait qu'un coté du marché ne peut pas observer la
qualité du produit que l'autre coté du marché propose.
Sur le marché de crédit, les emprunteurs donnent
toujours une image édulcorée de leur projet d'investissement
aux prêteurs afin d'obtenir le financement. Cela peut amener les banques
et
plus généralement les institutions de crédit
(y compris les IMF) à financer des projets très risqués en
lieu et place des projets à rentabilité faible mais
réaliste.
Quant à l'aléa de moralité où le
hasard morale, c'est une situation dans laquelle, un coté du
marché ne peut observer le comportement de l'autre coté
(comportement caché). L'emprunteur peut donc utiliser le crédit
pour réaliser autre chose que ce pour quoi il en a
bénéficié.
Pour AKerlof(1970), Diamond et Dybvig(1983), les
asymétries d'informations conduisent à des comportements
opportunistes de la part des emprunteurs. C'est dans ce contexte que
Jaffé et Russel(1976) distinguent dans leur modèle les
emprunteurs honnêtes et les emprunteurs malhonnêtes. Ils assimilent
les emprunteurs honnêtes à des entreprises qui, estimant le
coût de la faillite très élevé de leur projet, ont
intérêt ou décident de rembourser.
Quant aux emprunteurs malhonnêtes, ils
préfèrent faire faillite en proposant des taux
d'intérêt plus élevés ; selon eux, les emprunteurs
qui demandent du crédit avec un taux d'intérêt
supérieur au taux à partir duquel la banque rationne, ils sont en
faite des emprunteurs malhonnêtes. La différence de ce
modèle d'avec celui de rationnement au sens de Jaffée et
Modigliani ou de celui de Stiglitz et Weiss(1981) est qu'ici, ce sont es
demandeurs de crédit qui souhaitent que la banque fasse un rationnement
par solution alors qu'au niveau des autres modèles ci-dessus
cités, ce sont les banques qui décident de façon
endogènes de rationner.
Pour ce qui concerne les IMF, les taux d'intérêts
sont relativement stables, ce qui exclut toute possibilité de
sélectionner les promoteurs à partir de la manipulation de cette
variable. Mais n'empêche que les emprunteurs sont sensibles au taux
pratiqués par les IMF par rapport à ceux des banques avec en
prime, des conditions de remboursements plus contraignants.
Stiglitz et Weiss quant à eux, partent d'une banque qui
a en face d'elle un grand nombre de promoteurs. La banque, étant une
entreprise, cherche à maximiser son profit en réclamant une plus
grande rentabilité de son crédit octroyé. Mais, Stiglitz
et Weiss précisent immédiatement que la rentabilité des
activités des banques n'évolue pas systématiquement en
fonction du taux d'intérêt car à partir d'un certain taux,
la rentabilité baisse. Plus la banque fait payer des taux
d'intérêts élevés, plus elle dégrade la
finalité de son portefeuille car elle décourage les bons
emprunteurs et appelle les emprunteurs malhonnêtes.
Ce risque de sélections adverses est dû au fait
qu'il est difficile pour la banque de distinguer les bons et les mauvais
emprunteurs. Pour éviter la situation de sélection adverse et
d'aléa morale, la banque procède à un rationnement
bancaire à partir d'un certain niveau de crédit correspondant
à un taux quelconque où elle maximise son rendement. Une
alternative est de proposer des garanties pour assurer le banquier. Ce
modèle de rationnement rejoint l'idée de
Hodgman, en ce sens que le rationnement qui est fait est
décidé de façon endogène par la banque qui est
faiseur de prix (price maker), mais il a l'avantage d'expliquer le rationnement
par les problèmes d'asymétries d'information conduisant à
des situations de sélection adverses et d'aléa de
moralité.
Mais ce modèle est critiquable dans le contexte
réel du Burkina Faso, dans la mesure où nous sommes dans une
concurrence des banques entre elles et de plus en plus avec le secteur de la
microfinance Par ailleurs, ce modèle peut être appliqué
dans le domaine de la microfinance en se sens que ce secteur est quasiment
dominé par le réseau de Caisse Populaire qui octroie plus de 75%
des microcrédits.
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