CHAPITRE II : L'ORGANISATION DES
ECHANGES EXTRACOMMUNAUTAIRES
Le commerce extracommunautaire est celui qui organise le commerce
entre les Etats membres de la Communauté et les Etats tiers.
L'organisation des échanges commerciaux est conçue de
manière à libérer la circulation d'une catégorie de
produits (agricole, artisanat, minier, foret, pêcherie) d'une part, et
à favoriser le commerce des produits industriels, d'autre part.
SECTION I : LE REGIME DE LIBRE ECHANGE ENTRE LES ETATS
MEMBRES
Le chapitre VIII intitulé « la coopération
dans le domaine du commerce, des douanes, de la fiscalité, des
statistiques, de la monnaie et des paiements » dispose en son article 36
que les produits du cru et de l'artisanat traditionnel originaire des Etats
membres de la Communauté ne sont soumis à aucun droit à
l'importation et à aucune restriction quantitative au sein de la
région. L'importation de ces produits à l'intérieur de la
Communauté ne fait pas l'objet d'une compensation pour perte de
recette.
Pour étayer cette volonté communautaire, le
protocole de la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement sur la
libre circulation des marchandises dispose que « l'objectif du programme
de libération des échanges commerciaux de la CEDEAO est
d'établir progressivement au cours d'une période de 15 ans,
à partir de sa mise en place c'est-à-dire le 1er janvier 1990 une
union douanière entre les Etats membres de la Communauté. Cette
Union douanière implique l'élimination totale des droits et taxes
d'effets équivalents, des obstacles non tarifaires et
l'établissement d'un tarif extérieur commun ».
C'est pourquoi dès sa création, la CEDEAO a
opté pour une libéralisation totale des produits du cru et de
l'artisanat traditionnel. Dans cette optique, les produits du cru et de
l'artisanat
traditionnel doivent circuler librement entre les Etats
membres en franchise de tous droits et taxes d'effets équivalents sans
restriction quantitative ou administrative. Pour obtenir la franchise, les
produits du cru et de l'artisanat traditionnel doivent remplir les conditions
suivantes :
y' être originaires d'un Etats Membres ;
y' être repris dans la liste des produits annexés
aux décisions portant libéralisation de ces produits ;
y' être accompagnés d'un certificat d'origine et
d'une déclaration d'exportation9.
Le commerce de ces produits est libéré de toutes
entraves tarifaires ou non à leur entrée dans un Etat membre.
Cette mesure s'explique par l'importance de ces produits, notamment ceux
agricoles, dans la vie des populations ; les mettre au même pied
d'égalité que les productions intérieures de même
espèce devrait permettre aux populations de la zone sahélienne de
pouvoir disposer, à des prix relativement moins élevés des
produits alimentaires en provenance des côtes.
Mais ces dispositions importantes ont-elles produits l'effet
escompté ?
Les statistiques officielles de la CEDEAO laissent
apparaître que 10 à 15 % des échanges des pays membres sont
réalisés à l'intérieur de l'espace de la CEDEAO. Ce
taux reste faible mais donne un peu d'espoir par rapport au fait qu'il
était à peine de 2% à sa création. A l'heure
actuelle, selon William AMPONSAH, professeur associé de commerce
international et de développement à l'Université d'Etat de
la Caroline du Nord, « les accords régionaux se
caractérisant par des échanges restreints, dépendent des
produits primaires et représentent un commerce limité entre pays
membres ». Cela s'explique par le fait que la plupart des pays exportent
des matières premières et non des produits finis10 si
bien que les importations africaines les intéressent peu.
Selon la Banque Mondiale, trois quarts des exportations
intracommunautaires proviennent de trois (3) pays que sont la Cote d'Ivoire,
le Ghana et le Nigeria. Il s'agit surtout de produits primaires. Le
pétrole représente à lui seul 30% de ces échanges
et le coton, le bétail sur pied,
9 Se référer au protocole n°
A/DEC/1 5/5/1980 sur la libre circulation de marchandises signé par la
conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
10 Voir supra sur les entraves au développement
du commerce, p 48
le maïs et le cacao 18%. Dans une moindre mesure, le
poisson frais, les légumes, le thé et le sucre sont aussi
exportés. Les produits manufacturés représentent 15% de
ces échanges. D'après une étude récente de la
Banque Mondiale intitulée `'que s'agit-il du fil médicament, du
fer et de l'acier, des produits chimiques et machines-outils ? `', la
majorité des exportations d'un pays membres vers les autres membres de
la Communauté se limite souvent à quelques produits de base.
Il apparaît donc que la part des produits du cru dans le
commerce intracommunautaire, bien que leur circulation soit libre, est
relativement faible par rapport à l'ensemble des échanges. Il
faut remarquer donc qu'un des objectifs fondamentaux de la Communauté
cités à l'article 3 du Traité sur le développement
des échanges des produits agricoles reste encore incertain.
En effet, les statistiques évoquées montrent
qu'il n'y a pas eu développement des échanges de nouveaux
produits agricoles, mais libéralisation pour des produits dont le
commerce est ancestral. Ceci peut s'expliquer par le fait que la nature a
spécialisé chaque Etat dans la production des produits primaires,
ce qui limite fortement la circulation des produits alimentaires auxquels les
populations ne sont pas encore habituées. Des campagnes nationales
d'informations pourraient conduire à une variation des habitudes
alimentaires et intensifier la demande d'un certain nombre de produits. De
telles campagnes sont d'autant plus urgentes que depuis trois (3)
décennies déjà, les pays du sahel n'arrivent plus à
nourrir leurs populations avec leurs productions traditionnelles (mil, sorgho,
mais...)
Conformément aux dispositions de l'article
A/DEC/15/5/80 des Chefs d'Etats et de Gouvernement et l'article 7 du
Règlement C/REG/3 /4/02 portant immatriculations des entreprises, l'on
considère comme originaires, les produits du cru extraits de la mer par
des bâteaux immatriculés dans un Etat Membre. Cette disposition
parait en contradiction avec la notion d'origine communautaire qui se
dégage de la production ou l'obtention du produit originaire de la
Communauté.
Cet article A/DEC/. 15/5/80 permet aux chalutiers des
multinationales de se faire immatriculer dans un Etat membre et de
déverser leurs récoltes marines, à peu de frais, dans un
Etat membre de la CEDEAO au détriment des petites unités
industrielles ou artisanales de pêche existantes dans les pays
côtiers. Les rédacteurs du Traité ont voulu promouvoir des
produits primaires ou artisanaux pour la production desquels il n'y a pas eu de
transformation
industrielle. C'est pourquoi sans distinction, la farine de
manioc, le bois scié, le café tonifié, produits
nécessitant une forte valeur ajoutée, ont été
confondus avec le miel naturel, le tabac brut .... Cette conception devait
permettre d'englober le maximum de produits afin de libérer leur
circulation. Malheureusement les statistiques évoquées ci-dessus
montrent que seuls quelques produits de la longue liste intéressent les
opérateurs économiques encore imprégnés de
l'organisation coloniale des échanges ouest africains.
En conclusion, on peut retenir que si la volonté
d'intensifier les échanges des produits du cru et de l'artisanat
traditionnel est clairement exprimée dans le Traité par la
liberté totale de leur circulation, on constate dans la pratique que ces
échanges restent encore faibles et se limitent à quelques
produits dont la nécessité dans la situation actuelle n'est pas
toujours évidente (noix de cola par exemple).
Dans la perspective d'une meilleure utilisation des ressources
des sols et du sous-sol de la sous région, une politique de
coopération dans le domaine des produits primaires, devrait
privilégier l'autosuffisance alimentaire des populations de la
Communauté. La Communauté étant bâtie sur la
solidarité, il convient d'utiliser au maximum les potentialités
agricoles, quel que soit le lieu où elles se trouvent, pour encourager
le développement de la production agricole, vivrière en
particulier, car l'expérience des puissances occidentales montre que ce
sont également des puissances agricoles. Le développement
industriel des Etats de la CEDEAO ne pourra pas se faire sans leur
développement agricole.
Pendant longtemps, les pays sous-développés ont
pensé qu'il leur suffisait d'accélérer leur
développement industriel pour rattraper leur « retard » sur
les pays développés. Les Etats de la CEDEAO n'ont pas
échappé à cette conception et ont conçu un
mécanisme qui devait favoriser l'essor industriel de ses membres. C'est
le régime préférentiel appliqué par le moyen de la
Taxe Préférentielle Communautaire (TPC).
|