CONCLUSION
Au terme de l'analyse quelques peu succincte des
mécanismes prévus par le Traité Révisé de la
CEDEAO, ainsi que de l'identification des principaux obstacles au
développement des échanges commerciaux, nous terminons cette
étude par une appréciation globale de l'action de la CEDEAO en
matière d'organisation des échanges commerciaux, en nous
interrogeant sur la nécessité de cette Communauté
économique.
De la nécessité d'un regroupement
sous-régional : la balkanisation de l'Afrique de l'Ouest selon la
logique « du diviser pour mieux régner» a eu pour
conséquence l'émergence de petits Etats qui ne survivaient que
grâce à la tutelle de la puissance coloniale.
Depuis les indépendances des années 1950 et
1960, la présence coloniale est moins visible et les Etats se retrouvent
abandonnés à eux mêmes, avec des structures
économiques entièrement organisées pour la satisfaction
des besoins des anciennes métropoles. Dans un tel contexte, l'autarcie
ne pouvait être la solution au problème d'une économie
nationale dans les pays de la région. C'était également
l'époque où les idées fédéralistes
étaient en vogue, mais les puissances occidentales ne pouvaient
tolérer l'existence « des Etats-Unis d'Afrique » dont la
puissance en tout cas en potentialité économique, ruinerait leurs
intérêts. Il fallait donc susciter de petits regroupements sous
régionaux faciles à contrôler. L'intérêt de
tel regroupement pour les Etats eux mêmes est évident : la
complémentarité traditionnelle des économies de la
forêt et de celle de la savane, la nécessité de pouvoir
continuer à écouler les productions déjà
existantes, les facilités dans l'exploitation des sols et des sous sols
... Un ensemble de facteurs qui font que ces pays sont condamnés
à organiser ensemble leur développement économique. C'est
ainsi que dès l'aube des indépendances est née l'UDEAO
(1959) qui a failli en voulant instaurer l'union douanière totale
immédiatement ; cette faillite a conduit à la naissance de la
CEDEAO qui a adopté une voie plus souple vers l'intégration des
économies des pays membres.
Le nombre des organismes communautaires dans la région
est important ; ceci témoigne de la conscience que seuls des groupements
sous-régionaux, régionaux, africain peuvent contribuer à
propulser le développement économique des biens d'Etats et
conférer un dynamisme nouveau aux économies des pays
déjà un peu plus avancés. Si le regroupement
apparaît donc comme nécessaire, il ne doit avoir pour mission que
de favoriser le développement harmonisé et
équilibré des activités économiques des Etats
membres en vue de parvenir à l'objectif ultime de l'amélioration
du niveau de vie des populations. C'est l'objectif que s'est fixé le
Traité Révisé de la CEDEAO en son article
2. Si le regroupement est indispensable, les grands principes ne suffisent pas
à le rendre efficace. Au niveau de ce Traité
Révisé, la volonté pour sortir les Etats membres du
sous-développement en accélérant leur industrialisation
est vivante.
Les obstacles que nous venons d'étudier, bien que
nombreux, ne doivent pas amoindrir cette ambition. L'espoir d'un
véritable marché commun est possible à condition que l'on
continue à jouer le jeu de la solidarité, de la
complémentarité avec tout ce que cela implique comme sacrifice
d'intérêt nationaux et de violence des habitudes administratives
ou de consommation.
Bien que les mesures prévues n'ont pas produit tous les
effets escomptés, non seulement la part des produits
agréés à la TPC ne représentent qu'une infine
partie des échanges de produits industriels, mais aussi ces mesures
n'ont pas encore renverser les tendances traditionnelles du Commerce
International des Etats membres ; la plus grande partie du commerce se fait
toujours avec les pays du reste du monde.
Ce sont surtout les pays côtiers les plus
développés (Nigeria, Côte d'Ivoire, Ghana,
Sénégal) qui ont un tissu industriel relativement solide leur
permettant d'exporter, qui vendent surtout au reste de la Communauté. Ce
commerce entre les Etats de la CEDEAO n'est pas nouveau et résulte de la
politique du colonisateur qui a transformé l'économie des pays de
l'intérieur en marché pour les produits en provenance de la
métropole ou manufacturés émanant des industries
naissantes des pays côtiers. Mais est-ce dire que la CEDEAO n'a fait que
maintenir, aménager ou aggraver une situation de
déséquilibre déjà existante ?
Si l'on devait s'en tenir qu'au seul niveau des
échanges commerciaux, on serait tenté de répondre par
l'affirmative. Mais la CEDEAO n'est pas que cela. Elle entreprend des actions
de développement agricole, pastoral, industriel... dans les Etats les
plus défavorisés. Il faudrait apprécier la portée
de ces actions afin d'avoir une vue plus globale sur les bilans de 30
années de pratique communautaire par les 15 Etats membres.
En somme, nous notons à juste titre que l'esprit
communautaire de la CEDEAO est une voie de salut pour le bien-être de
ses ressortissants. C'est l'action de tous les ressortissants de la CEDEAO
qui pourraient bâtir une Communauté pleine de succès, de
triomphe. Il faut faire
en sorte que chacun d'entre ses ressortissants, soit digne de
l'Afrique. La Communauté dispose d'immenses potentialités, mais
l'ignorance de cette force la rend faible et carrent. L'économie des
pays africains a été organisée par les occidentaux contre
eux même. C'est dans ce sens que Thomas Sankara, président du
Burkina Faso (1983-1987) lors de son discours à la conférence des
Nations Unies de 1984 disait « osez inventer l'avenir »19
et donc l'on ne doit pas avoir l'esprit d'une conservation des acquis mais
celui d'un dynamique de progrès . C'est avec un lourd sacrifice de
réduction des intérêts personnels à chaque Etat au
profit de la Communauté que la CEDEAO aboutira aux objectifs qu'elle
s'est fixée.
19 Discours de Thomas Sankara au
39ème sommet de l'ONU le 4 octobre 1984 : Voir archives ONU
1984 ou Libérateur N°41 du 05 au 20 octobre 2007
|