CHAPITRE I : L'EVOLUTION DE LA NOTION DE LA
MARQUE
Introduction
Le lien susceptible de lier le consommateur à la
marque est perçu comme étant pareil au processus complexe
mêlant des « dimensions cognitives, affectives et comportementales
façonnant la relation entre deux individus» (Blackston, 1993).
Certains auteurs comme (Degon, 2001) ont proposé la notion de marque
relationnelle en insistant sur une sorte d'expérience commune se
construisant au fil du temps et contribuant à la création et
à l'entretien d'un capital de confiance (Nuss, 2000). Alors que cette
approche relationnelle de la marque est en passe de devenir une
réalité évidente de la littérature marketing, il
convient peut-être de se demander dans quelle mesure la relation est
davantage une métaphore pour comprendre les interactions entre le
consommateur et la marque et quelles sont les modalités de cette
relation particulière.
SECTION I : LES DIFFERENTES APPROCHES DEFINISSANT LE
LIEN
CONSOMMATEUR- MARQUE
I) De la marque personne à la marque partenaire
Le fait de considérer la marque comme une personne est
pourtant un phénomène intrinsèque au
phénomène de marquage et reflète comme l'avait entrevu G.
Péninou, une transition historique d'une économie de production
fondée sur le réalisme de la matière (les produits ont un
nom générique) à une économie de la marque
fondée sur le symbolisme de la personne (le produit marqué est
doté d'un nom
propre qui l'individualise) (Péninou, 1972).
Heilbrun(2003) affirme que La société publicitaire repose
implicitement sur un phénomène de personnification des marques
qui peut prendre plusieurs formes :
- l'utilisation de technique d'animation
Des produits dans la publicité (exemple
célèbre des pommes frites dans la publicité
Végétaline) ; - le recours à une mascotte
animalière ou humaine (le célèbre Bibendum de Michelin)
;
- l'humanisation des produits dans la publicité (exemple
des premières publicités de la Renault 5);
- l'anthropomorphisation des objets grâce au design :
Keptchupy d'Amora, La Pammy de Virgin Cola qui reprend les formes du corps de
Pamela Anderson, les formes féminines de la bouteille de Contrex qui
viennent rappeler le fameux « contrat minceur » de la marque, etc.
;
- le recours à des mécanismes d'identification
projective dans la rhétorique publicitaire du type « Ma Corsa c'est
tout moi » ou « En Devernoy je suis moi », etc.
L'économie des marques repose notamment sur une
capacité à doter la marque de caractéristiques humaines
telles que l'identité, le charisme (Smothers, 1993), la
personnalité, (Aaker, 1997), le caractère, le genre, le statut
social (Mc Cracken, 1993). Ces constants displaced meaning
(déplacements de sens) comme les appelle Mc Cracken, permettent
d'illustrer la prééminence de significations culturelles
délibérément extraites de la vie quotidienne et
relogées dans un domaine culturel extrêmement différent,
à savoir l'univers des produits et des marques (Mc Cracken, 1988). La
métaphore relationnelle renvoie notamment au fait que certains
consommateurs emploient un registre affectif pour parler de leur marque
préférée. Le climat culturel semble d'ailleurs être
tout à fait propice à la personnification de la marque. En effet,
les relations avec les marques peuvent se comprendre comme l'extension ou le
substitut symbolique de relations personnelles dans les sociétés
matérialistes. La marque personne ne viendrait compenser le
phénomène de dissolution du lien social, fournissant des
relations propres à nourrir (symboliquement du moins) le « soi vide
» auquel prédispose l'abandon de la tradition et de la
communauté dans la société moderne et la dissolution du
lien social. Comme l'a très bien démontré Fournier, les
consommateurs n'achètent pas une marque de façon
régulière pour des raisons de performance ou de
supériorité perçue mais parce qu'ils sont impliqués
dans des relations avec une collectivité de marques qui apportent du
sens à leur vie. Ces significations peuvent être fonctionnelles et
émotionnelles mais toutes sont délibérées et ont
une forte résonance identitaire (Fournier, 1998).
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