V. Recommandations (Banque Mondiale, Tunis, 1er - 12
décembre 2008)
Les recommandations qui vont suivre sont issues en
majorité des travaux de la session de formation organisée par la
World Bank Institute en début décembre à Tunis sur les
choix stratégiques de la réforme éducative dans le
sahel.
La situation qui prévaut dans le Sahel est relativement
préoccupante. Les défis les plus prioritaires sont
déjà de plusieurs ordres et très structurels. En effet,
trop peu d'élèves achèvent leur cycle (Accès et
maintien) et obtiennent de bons résultats (qualité) (A.
Verspoor). Heureusement, on peut noter aujourd'hui une floraison
d'idées, et une présence plus effective d'économiste et
d'instruments développés de mesure, de suivi/évaluation et
d'action pour faire des propositions permettant des analyses fines,
informatives et judicieuse (C. Bourrel).
Accès aux systèmes
éducatifs
Les instruments d'actions sont nombreux. Ils concernent tant la
révision des objectifs pour inciter à plus d'efforts, que des
actions ciblées sur les masses critiques.
Des pays comme le Kenya ont préconisés un cycle
de base sur 12 ans avec 8 années de primaire. La question de fond pour
l'atteinte des défis, on l'a largement démontré, reste
cependant le ciblage et l'atteinte des pauvres. M. Rakotomalala n'a pas
lésiné sur la nécessité de se tourner vers le
milieu rural où les pauvres sont le plus concentrés et où
les déficits infrastructurels, en personnel et en matériel
didactique sont les plus poussés et les plus inaccessibles
géographiquement et financièrement. Des études plus
spécifiques sur les ciblages en groupuscules plus
individualisables5 des pauvres peuvent également être
effectuées à partir des enquêtes de condition de vie pour
des actions de discrimination positives tant urbaines que rurales (R. Zang).
Dans la même optique (atteinte des zones dites
reculées des capitales), des réformes structurelles plus
poussées sont en chantier dans certains pays. Le Mali s'est inscrit dans
une politique de décentralisation dans la gestion pratique et
financière de son système éducatif. Les résultats
de cette réforme éclaireront certainement plus d'un pays si elle
est réussie.
Des plans de considérations et de
désinformalisation des écoles communautaires informelles
sont également envisagés pour renforcer leur viabilité sur
le plan systémique.
Cette dernière option ouvre bien sûr le
débat sur le partenariat public-privé (achat des prestations par
le public aux agents privés où l' Etat limite sa charge à
la supervision des questions de qualité, d'équité et
autres). Deux thèses s'affrontent sur cette option. Tandis
5 Poches de pauvreté
que d'aucuns y voient un moyen d'extension d'une offre de
qualité, d'autres y voient un vecteur d'iniquité dans les
systèmes éducatifs où coexistent une extrême
pauvreté et une minorité relativement aisée. Tout
dépendrait donc de la forme du partenariat, c'est-à-dire s'il
intègre des aspects de capacité à payer des usagers.
Qualité de l'éducation
Avant d'évoquer les grandes lignes des recommandations
sur la qualité, il est opportun de s'attarder sur l'intervention de M.
Mamadou NDOYE : « Notre tâche aujourd'hui est de réussir
à inspirer les systèmes éducatifs des pays
retardataires...». Dans cette option, l'exercice qu'il a proposé
sur la constitution d'un nuage conceptuel a permis aux participants de
s'accorder sur l'apprenant comme point focal de la réforme sur la
qualité dans les systèmes éducatifs. A ce titre, les
nouvelles approches recommandent des méthodes d'apprentissages
basées sur la Connaissance et la Démarche intellectuelle
(compréhension, analyse, synthèse et production) chez l'enfant
quel que soit son niveau pour que ce dernier puisse identifier ou adapter ce
qu'il apprend à son environnement. Comme corollaires de cette approche,
la formation des enseignants devait insister sur de telles méthodes pour
créer et pérenniser la qualité ; de même,
l'utilisation des langues locales comme médium d'apprentissage des
sciences au niveau le plus bas pourrait être un atout précieux.
Enfin a-t-il martelé, une insistance particulière doit être
faite pour que les cohortes d'enfants aient un socle commun pour après
adopter leurs voies individuelles, l'école élitiste est un
échec du point de vue de la qualité du système.
On circonscrit à présent le concept de
qualité dans l'éducation à ce qu'apprennent effectivement
les enfants. Les présentations de Beifith KOUAK et autres ont fourni une
flopée de recommandations tirée des travaux de recherche dont la
priorisation devra être fonction de la facilité de mise en oeuvre
et de l'ampleur de ses résultats et/ou impacts positifs potentiels
(approche coût-efficacité). Au nombre de ces recommandations, on
notera les plus importantes.
Le redoublement joue en défaveur de la qualité.
Chose surprenante, on trouve parfois que l'accroissement massif
de la scolarisation n'implique pas nécessairement une dégradation
de la qualité.
L'effet positif et très significatif des manuels
scolaires sur les apprentissages est un fait alors que l'accès et la
possession en est très limité dans plusieurs pays africains.
Concernant le manuel scolaire, une discussion très houleuse a
porté sur le droit d'auteur. Doit-il être géré par
l'éditeur ou le gouvernement pour être coût-efficace? En fin
de compte, le cas de la Tunisie a permis de conforter la possibilité de
laisser au Gouvernement des pays le soin de gérer le droit d'auteur des
manuels scolaires.
L'acteur clé dans le processus d'apprentissage est
incontestablement l'enseignant. La performance de l'enseignement n'est pas
forcement proportionnelle au niveau académique de l'enseignant. Certains
travaux recommandent le Brevet de fin de premier cycle du secondaire comme
seuil optimal. Il est aussi démontré que la motivation est
l'élément clé de l'efficacité pédagogique de
l'enseignant ; comme il est important de mentionner que la formation continue
même sans formation initiale permet justement d'assurer le continuum de
la qualité.
La couverture des programmes qui est elle-même
dépendante du temps scolaire6 ou de la densité des
curricula7 est déterminante pour la qualité.
Le leadership des dirigeants des établissements
scolaire est un aspect important à ne point négliger. Dans le
même ordre d'idée, certains effets sont liés aux facteurs
de gestion. Par exemple les écoles qui progressent ne sont pas
nécessairement celles qui ont le plus de ressources. En effet, les
ressources sont importantes et la qualité de leur gestion encore
plus.
A la question de la performance liée au
dévouement des enfants, on répond que les facteurs tels que
l'alimentation (qualité et quantité) a une incidence sur la
performance des enfants de même que le dialogue
élève/école (R. Zang).
Au rang des objectifs de visibilité structurels et
conjoncturels des actions et des résultats, le renforcement du
système d'information éducatif général est une
nécessité. Il doit prendre en compte toutes les sources possibles
et les confronter pour édifier sur la pertinence de leur mesure. Il doit
s'intégrer aux autres organisations et institutions qui directement ou
indirectement abordent les questions relatives à l'éducation
(Offices nationaux de statistiques, organisation internationales). Il doit
intégrer dans ses mesures
6 900 heures au primaire et 1000 heures au secondaire par an
7 pas trop surchargé bien synchronisés et bien
adaptés
des éléments de suivi et évaluation
informatifs sur l'évolution des questions d'égalités et
d'équité du système (jauge de l'équité). Le
tableau 5 ci-dessous est un listing des diverses sources de données et
d'information sur l'éducation qu'on retrouve dans les pays en
développement. Il intègre aussi bien des sources administratives
que primaires issues d'enquêtes et recensements.
Tableau 5 : source de données et d'information sur
l'éducation
Sources de données et d'informations
|
Thèmes abordés ayant un lien avec
l'éducation
|
|
Système d'information
éducatif des
Ministères
|
Collecte périodique de l'information administrative
auprès des
établissements de prestation et de gestion du service
éducatif
|
Enquêtes périodiques
|
|
|
Enquête sur les conditions de vie des ménages
(ECAM au
Cameroun, EMICOV au Benin...)
|
· caractéristiques sociodémographiques;
· revenus et dépenses;
· éducation
|
|
Enquête démographique et de santé (EDS)
|
· caractéristiques sociodémographiques;
· niveau d'instruction et fréquentation
scolaire;
· état nutritionnel et mortalité des
enfants;
· connaissance du VIH/Sida;
· comportements en termes de santé et de
fécondité;
· disponibilité des services communautaires
|
|
Enquête à indicateurs multiples (MICS)
|
· caractéristiques démographiques;
· éducation et
alphabétisation;
· travail des enfants;
|
|
Recensement Général de la
population
|
· caractéristiques sociodémographiques;
· niveau d'instruction et fréquentation
scolaire;
|
|
|
Sources internationales
|
Compilation d'indicateurs-pays (UNESCO, Banque
CONFEMEN [PASEC]...)
|
Mondiale,
|
Le rôle premier du décideur est de faire les
arbitrages les plus efficaces pour le système qu'il gère. Aussi,
des outils statistiques sont conçus de nature à rendre possible
ce travail. M. Brossard et son équipe a présenté les
résultats primaires d'un indice composite quadridimensionnel de mesure
de la performance des systèmes éducatifs intégrant
à la fois le contexte du pays, les résultats actuels, la
dynamique du pays en matière d'éducation et
l'équité. Cet indice a donné naissance à un arbre
de décision considéré de prime abord comme outil
pédagogique pour l'analyse des systèmes éducatifs qui
désagrège la réalité du système en
identifiant ses points de faiblesse (écarts aux valeurs de
référence principalement). Les utilisations possibles de cet
arbre sont la formation des acteurs de l'éducation et le dialogue entre
partenaires et pays.
Les techniques pour visualiser les coûts et les outputs
des réformes sont dorénavant disponibles. Il ne faut faire aucune
économie de ces instruments qui éclairent les arbitrages,
balisent la mise en oeuvre et le suivi/évaluation des politiques et
réformes.
|