2 - LE CADRE REGLEMENTAIRE DE LA NOTATION
La réglementation des agences de rating est un sujet
qui fait rage actuellement aux Etats Unis et en France. En effet, aux Etats
Unis, les scandales financiers, en l'occurrence l'affaire Enron dans laquelle
Moody's, la deuxième grande agence de rating au monde, a
été mis en cause, ont relancé le processus de
réflexion et de reformes au niveau réglementaire, cela afin de
formaliser des critères rigoureux et une procédure officielle de
reconnaissance du statut NRSRO.
En France, ce domaine est complètement dépourvu
de textes. Il n'existe pas de règlements ni pour les agences, ni pour
l'activité. Comme tout acteur financier, « les agences qui
interviennent en France sont soumises aux textes législatifs et
réglementaires de portée générale à
l'utilisation d'informations privilégiées, à la
manipulation de marché ou à la diffusion de fausse
information 8». Le fait que les agences
qui interviennent sur le marché français
bénéficiaient déjà du statut NRSRO, cela
était suffisant pour l'Autorité des Marchés Financiers
(AMFFrance) jusqu'à l'heure actuelle.
Il est vrai que les agences de notation ont une bonne position
quant à leur reconnaissance par le régulateur américain.
Cependant, il est nécessaire pour chaque régulateur local de
s'interroger sur son rôle et sa responsabilité quant à
garantir et sécuriser les investissements de sa place.
Pour nous, il ne s'agit pas d'élaborer des
règlements devant régir les activités de notation, mais
d'attirer l'attention du régulateur du marché financier de l'UMOA
sur les questions ou sujets à traiter de manière précise
pour une éventuelle admission des agences sur notre marché.
8 Rapport 2004 de l'AMF sur les agences de notation,
page 39
Le développement qui suit est consacré au
rôle que devra jouer CREPMF, aux règles déontologiques,
à la gestion des conflits d'intérêts, à la
protection des émetteurs et à l'impact de la notation sur les
cours.
2.1 -Le rôle du conseil Régional
En tant que Régulateur du marché financier
régional, le Conseil Régional devra surveiller les
activités de notation sur son territoire. Cela passera par
l'élaboration d'instructions sur les sujets qui ont besoin d'être
traités avec beaucoup d'attention et de précision.
En outre, le CREPMF devrait servir de dispositif local de
contrôle. En effet, le contrôle devra s'opérer tant sur les
actes des agences de notation quant à leur respect de la
réglementation en vigueur, que sur leur personnel.
Par ailleurs, afin de faire évoluer les attentes des
acteurs du marché, il reviendra au Conseil de créer un concept
« release » à l'image du régulateur
américain. En effet, il s'agira de mettre à la disposition des
différents acteurs du marché de la notation, un questionnaire
à partir duquel des critiques et suggestions seront
opérées. Cela permettra au Conseil d'avoir leur avis et
d'être sûr que les instructions élaborées vont dans
le sens de la dynamisation de l'activité et de l'attente des acteurs du
marché.
2.2- Les règles déontologiques
Il s'agira pour le Conseil Régional de formuler des
instructions relatives à l'exercice du métier d'analyste dans les
agences de rating. Ces instructions devront porter sur les
éléments suivants:
- l'analyste ne doit pas divulguer à l'extérieur
ou utiliser à des fins autres que celui de la notation, les informations
non publiques dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
- il doit déclarer de manière périodique
(trimestre, semestre), son portefeuille.
- il ne doit pas détenir ou faire des transactions sur
titres émis par les entreprises incluses dans son secteur d'analyse.
- il ne doit recevoir des cadeaux des émetteurs.
- sa rémunération doit-être
indépendant des notes attribuées.
Par ailleurs, le régulateur fera accompagner ces
principes de sanctions disciplinaires comme l'interdiction à l'analyste
d'exercer sur la place, de sanctions pécuniaires ou pénales selon
l'amplitude des préjudices causés.
2.3 - La gestion des conflits
d'intérêt
Le conflit d'intérêt est une situation dans
laquelle l'agence ou les analystes tirent un profit de par leur profession, ce
qui pourrait conduire à l'émission de notes complaisantes ou
arrangées.
De ce fait, il reviendra au Conseil Régional de mettre
en place des dispositions qui contribueront à écarter ou à
réduire le risque de conflits d'intérêts. Cela suppose que
le Conseil devra instruire les agences sur les éléments suivants
:
- Absence de lien en capital avec toutes les entités.
- Rédaction d'un barème de
rémunération en tenant compte du service à fournir, de la
taille et du secteur de l'entreprise. A partir de ce barème, une
entreprise qui recourt à la notation devrait savoir à l'avance le
prix à payer.
- Séparation rigide de l'équipe d'analystes, du
comité de notation.
- Absence de lien d'affaires entre agences et
intermédiaires commerciaux ou établissements financiers agissant
comme auprès des émetteurs candidats à une notation.
Par ailleurs, en cas de conflit spécifique à
l'activité de notation, il revient au Conseil de l'arbitrer. Par
conséquent, le CREPMF devrait élaborer les instructions qui
préciseront ses compétences et les conditions de saisine.
2.4 - La protection des émetteurs contres les
pratiques abusives
La notation non sollicitée est qualifiée
d'abusive à l'endroit des émetteurs. Elle est au centre d'un
débat qui divise de manière radicale les NRSRO. Les uns
reprochent à cette pratique de se limiter à une partie du pool de
valeur, tandis que les autres soutiennent qu'une telle notation est faite
uniquement dans l'intérêt de l'investisseur.
A notre avis, la notation non sollicitée serait la
bienvenue sur notre marché. Il convient seulement de la
réglementer.
En effet, si elle est réalisée à la
demande de l'investisseur, il devra revenir à l'agence de ne pas rendre
publique la note de l'entreprise. De même, le régulateur devrait
veiller à ce que soit dépouillé tout caractère
abusif de cette pratique. Ainsi, les agences devront déposer
auprès du Conseil Régional, chaque semestre, la liste des
entreprises qui ont fait l'objet de notation non sollicitée. Cette liste
permettra au régulateur de procéder à un recoupement avec
d'autres informations recueillies sur le marché, en particulier
auprès des entreprises.
Par ailleurs, en cas de présence de plusieurs agences
sur la place, le Conseil Régional devrait mettre en place des
procédures pour que la notation non sollicitée ne soit
anticoncurrentielle.
2.5 - L'impact de la notation sur les cours
Le cours d'un titre est sensé refléter
l'information que détiennent les investisseurs sur une entreprise. Cette
information est aussi « l'input » des agences de rating.
L'activité de rating est donc susceptible d'influencer le marché
des titres ; d'où le caractère risqué si le processus de
notation venait à être infecté. En effet, l'impact de la
note sur le cours d'un titre se produit à travers deux canaux :
- Le premier canal est la mise sur le marché
d'informations nouvelles. Ainsi, pour une note moins bonne, l'émetteur
est amené à payer des charges d'intérêt
énormes, ce qui conduit à la baisse de la profitabilité et
réduit le dividende. Cette réduction du dividende
entraîne
la cession d'un grand nombre de titres et par conséquent
la chute du cours.
- Le deuxième est relatif à un effet
d'entraînement suite à la révision d'une note. En effet,
une dégradation de la note pèse sur le cours du titre tandis
qu'un rehaussement la fait augmenter. Dans les faits, il est imposé
à certains gestionnaires de fonds de ne pas détenir dans leur
portefeuille des titres spéculatifs. Ainsi, pour une révision qui
fait passer une note High grade au stade spéculative, les gestionnaires
liquideront le plus vite possible ces titres déchus. Ce sont les
conséquences qui doivent conduire le Conseil à la mise en place
d'un « système de contrôle à priori »
avant que le public ne soit en possession de l'information.
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