Etre une femme en Algerie, action sociale( Télécharger le fichier original )par Liliane Mébarka GRAINE Université Paris 8 - St Denis (93) - Doctorat en sociologie 2006 |
G- FEMME ALGÉRIENNE, GARDIENNE DE LA TRADITIONLes femmes ont été sacrées par les hommes politiques et par une frange d'intellectuels "gardiennes des traditions", puis ils ont manipulé ces traditions pour freiner toute évolution. Le maintien du rôle traditionnel de la femme a hypothéqué l'avenir car c'est aux femmes que revient le pouvoir de façonner les hommes. En effet, soumises à un dressage qu'elles ont intériorisé, elles forment ainsi la "chaîne de transmission" de la tradition. Elles vont véhiculer l'archaïsme, élever leurs enfants selon les schémas traditionnels et poser ainsi les bases de l'intégrisme. C'est ce que la société attend d'elles. Jusqu'à présent, la modernité prônée par les intellectuels a eu des contours bien flous. En effet, on reste prudent de parler d'un milieu intellectuel algérien qui prônerait l'ensemble des valeurs du modernisme sur le plan politique, économique et intellectuel débouchant sur une émancipation de la femme. Les intellectuels prodiguent de grands discours modernistes mais continuent à avoir des comportements des plus rétrogrades envers leurs femmes et soeurs. Ils renvoient à leurs fils cette image du modèle autoritaire masculin sur les femmes comme le note très justement Ghita El Khiat-Bennani : "Les hommes arabes ne veulent pas renoncer aux privilèges qu'ils détenaient autrefois et exigent des femmes qu'elles soient modernes à leur place quand besoin est, traditionnelles quand ils peuvent en tirer plaisir, qu'elles soient actives quand ils peuvent en tirer gloire et profit, (...) qui peut faire fantasmer un homme qui n'a pas grand chose à partager réellement avec une femme" 91(*). Les intellectuels se sont accommodés jusque-là du sexisme qui privilégie la loi des mâles. Tournés vers l'Occident, ils adhèrent aux idées progressistes, prônent la modernité tout en brandissant la banderole : "touche pas à ma femme". Captives de leur propre culture, n'ayant pas les moyens de sortir de leur situation de soumission, les femmes ont éduqué les garçons de façon à ce qu'ils disposent d'elles. Conscientes de ce boulet qu'elles traînent dès leur plus jeune âge, elles veulent un changement. II- LA PLACE DE LA FEMME DANS LA STRUCTURE FAMILIALE Le développement en Algérie est conçu comme processus de réalisation d'un nouveau type de société, donc de socialité, à travers le projet de mise en place d'une société qui se voudrait moderne et démocratique. En discontinuité avec le modèle de la société traditionnelle, le nouveau modèle qui se met en place tend à la définition des rôles et des statuts des individus, ainsi qu'à celle des rapports entre groupes et entre acteurs sociaux par l'élaboration d'une législation abstraite et écrite. D'autre part, l'industrialisation, l'urbanisation et la scolarisation constituent autant de facteurs participant à une transformation en profondeur de la structure de la société algérienne. Le processus de dégradation de la structure familiale patriarcale et la transformation des rapports traditionnels de pouvoir qui en ont résulté constituent les indicateurs d'une crise de légitimité de la société traditionnelle, crise introduite déjà par la colonisation. Il faut dire que cette légitimité avait été en partie reconstruite durant la guerre de libération. Replacée dans ce cadre qui insiste surtout sur les mutations sociales, l'analyse de la femme algérienne s'avère très complexe. En effet, "la confusion entre religion et système de valeurs de la société traditionnelle caractérise déjà tout le bassin méditerranéen" 92(*) et plus particulièrement l'Algérie. Une analyse compliquée de la pratique de l'Islam, en général, devient encore plus réelle quand il s'agit d'étudier le rapport femme / Islam, d'autant plus que les problèmes des femmes se différencient de ceux des hommes ou s'y opposent presque terme à terme en raison de la séparation des sexes, base de la structure même de la société traditionnelle. * 91 Ghita EL KHIAT-BENNANI, Le monde arabe au féminin, édit. L'Harmattan, Paris, 1985. * 92 Germaine TILLION, op. cit. |
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