La répression des infractions se rapportant aux violences sexuelles dans le contexte de crise de la Justice congolaise : Cas du Viol( Télécharger le fichier original )par Leslie MOSWA MOMBO Université de Nantes - Diplôme Universitaire de 3ème cycle en Droit Fondamentaux 2007 |
Section II. La guerre contre les femmes à l'Est de la RDCL'une des manifestations les plus horribles des guerres successives qui ont éclaté à l'Est de la RDC sont les violences sexuelles perpétrées contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes par tous les belligérants (mouvements rebelles, militaires du RCD-Goma, du RCD-ML, soldats des armées nationales congolaise, rwandaise et burundaise, milices Maï - Maï et Interahamwe, rebelles burundais des FDD et du FNL48(*)). En effet, depuis 1996 « (...) des dizaines de milliers de femmes et fillettes congolaises ont subi, et d'autres subissent encore, des sévices sexuels liés au conflit (...) »49(*). Le viol des femmes, des jeunes filles et des fillettes a été utilisé comme une arme de guerre (A). L'ampleur qu'il a pris à l'Est de la RDC au fil des ans a poussé les organisations de droits humains locales et internationales ainsi que les organisations de femmes actives sur le terrain à parler de «guerre dans la guerre» et de «guerre contre les femmes». Durant ces guerres successives, les femmes, les jeunes filles et les fillettes ont payé un lourd tribu ; elles ont été atteintes dans leur chaire ; on leur a dénié toute humanité. Ces violences sexuelles, loin de n'être que des actes isolés, ont été commises dans certains cas par les combattants dans le cadre d'une attaque (...) générale au cours de laquelle ils ont tué et blessé des civils ainsi que pillé et détruit leurs biens50(*). Parfois, le viol des femmes et des fillettes était commis en guise de punition suite à une aide réelle, ou supposée que la communauté aurait apporté aux forces adverses51(*). Dans de nombreux cas, les viols étaient commis avec une violence inouïe : des combattants ont tiré sur leurs victimes en introduisant leur arme dans leur vagin ou les ont mutilé avec des couteaux ou des lames de rasoir52(*), dénuant toute humanité à la victime qui est traité comme un animal. Un nombre important de viols a été commis de façon collective par des combattants sur une même victime. Certains n'ont pas hésité à attaquer des filles de moins de cinq ans voire même des femmes âgées de plus de quatre-vingts ans. Devant ces actes horribles commis par les différentes forces en présence, il y lieu de s'interroger sur les motivations (B) qui les ont guidées à les poser. Plusieurs raisons peuvent être avancées notamment la ferme volonté pour les combattants d'humilier l'ennemi à travers le corps humain et de lui infliger des traitements inhumains et dégradants. Certains combattants ont été motivés par la volonté d'exterminer le peuple congolais afin de s'accaparer des richesses de l'Est du pays. D'autres, par contre, ont utilisé le viol dans un but fétichiste ou magique. Nous ne saurons passer sous silence le fait que les chefs rebelles toléraient voire même encourageaient les viols des femmes qu'ils considéraient comme une prime à la bravoure et un parfait dopant pour les troupes. Mais que dire des conséquences de ces viols sur les victimes (C) ? Les femmes et les fillettes ont été marquées par ces viols dans leur chaire, leur âme et leur vie quotidienne. Aussi relèverons - nous des conséquences sur leur santé physique et reproductive, sur leur psychologie et dans le domaine socio - économiques. A. Le viol massif des femmes comme arme de guerreL'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait en 2004 à 40.000 le nombre de victimes de viol au cours des cinq années de conflit armé en RDC53(*). Pour la seule province du Sud Kivu, on comptait en 2005 près de 14.200 cas de violences sexuelles recensés par les structures de santé (statistiques du Bureau des droits de l'homme des Nations unies au Sud-Kivu)54(*). Tandis qu'en 2006, les Nations-Unies ont rapporté 27 000 cas d'agressions sexuelles au Sud - Kivu55(*). Selon la Synergie provinciale du Sud-Kivu de lutte contre les violences sexuelles, plus de 12,000 cas de viols et violences sexuelles faites aux femmes et aux petites filles ont été recensés au Sud-Kivu en 200756(*). Selon le sous secrétaire général pour les affaires humanitaires des Nations-Unies, John Holmes, « la violence sexuelle au Congo est la pire qui soit dans le monde entier»57(*). Aujourd'hui, il est pratiquement impossible de connaître le nombre exact de viols commis à l'Est de la RDC vu les difficultés rencontrées. En effet, « le manque de sécurité dans de nombreuses régions, l'inaccessibilité de certains lieux et l'impossibilité physique ou matérielle de certaines victimes de se déplacer rend très difficile l'obtention de données claires »58(*). Il en est de même au niveau des hôpitaux vu le fait que certaines victimes demandent des soins des jours, des mois voire même des années après avoir été violées59(*). A cela s'ajoute le silence de nombreuses victimes dû le plus souvent à la peur des représailles de la part des auteurs des viols et par le risque d'être rejetées par la famille voire même d'être méprisées par toute la communauté. Quatre types de viols seront traiter dans ce point, à savoir : les viols systématiques (1), les viols - punition (2), les viols commis avec une violence inouïe (3), les viols collectifs (4) et les viols des enfants et des personnes âgées (5). 1. Viols systématiquesDes femmes et des fillettes ont été systématiquement violées lors des pillages de leurs villages. Les viols systématiques ont été utilisés « (...) comme tactique dans un projet politique et non pas produits uniquement par la conjugaison de l'impunité d'une situation de guerre et la violence présumée des pulsions de la soldatesque (...)»60(*). En effet, selon les enquêtes menées de paire par le Réseau des Femmes pour un Développement Associatif, le Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix ainsi qu'International Alert en 2004 : « viols et pillages vont presque toujours de pair »61(*). Les cas de viols systématiques ont été relevés dans plusieurs villages dont notamment dans le village de Kabona à Ninja dans le territoire de Kabare au mois d'août 2003. Toutes les femmes qui ont fui ce village lors de l'attaque pour se réfugier dans la brousse ont été systématiquement violées par les assaillants, chacune par 2 hommes ou plus62(*). Il en est de même pour les viols et les pillages commis par les Interahamwe autour du Parc national de la Kahuzi-Biega, à Kalehe et Izege à partir de l'année 200063(*). Durant le mois de septembre 2004, le Centre Olame, un centre catholique pour femmes de Bukavu, recevait chaque mois plus de deux cents nouveaux cas de violences sexuelles provenant de différentes parties du Sud Kivu64(*). Certains témoignages comme celui - ci prouve combien certains viols peuvent être le fruit d'une planification et d'une organisation minutieuses : « Ils arrivent en groupe dans l'après-midi ou à la tombée de la nuit, envahissent tout le village, s'introduisant en petits groupes dans les cases et terrorisant les gens... les uns violent les filles et les femmes pendant que les autres emballent les biens à emporter. Et au signal de départ, les assaillants désignent parmi les habitants, ceux qui vont transporter le butin. Ils quittent aussitôt le village. C'est ce qui fait penser à une certaine organisation »65(*). * 48 Human Rights Watch, « En quête de justice : Poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo», Rapport, mars 2005, (Consulté le 17 décembre 2007), <http://hrw.org/french/reports/2005/drc0305/4.htm#_ftn3> * 49 La Documentation française, « Un conflit meurtrier », 1996 - 2007, (consulté le 1er avril 2008), <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/conflit-meurtrier.shtml> * 50 Idem, <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/conflit-meurtrier.shtml> * 51 Human Rights Watch,
« En quête de justice : Poursuivre les auteurs
de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo»,
Rapport, mars 2005, (Consulté le 17 décembre 2007),
<http://hrw.org/french/reports/2005/drc0305/4.htm#_ftn3> * 52 La Documentation française, « Un conflit meurtrier », 1996 - 2007, (consulté le 1er avril 2008), <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/conflit-meurtrier.shtml> * 53 Human Rights Watch, « En quête de justice : Poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo», Rapport, mars 2005, (Consulté le 17 décembre 2007), <http://hrw.org/french/reports/2005/drc0305/4.htm#_ftn3> * 54 FIDH, « Crimes sexuels en République démocratique du Congo (RDC) : briser l'impunité », Paris - Genève - Bruxelles - La Haye, 12 mars - 5 avril 2008, (consulté le 16 avril 2008), < "> http://www.fidh.org/IMG/pdf/dossier-presse-rdc.pdf> * 55 Wikipédia, l'Encyclopédie libre, « Massacres et violations graves des droits de l'homme en République démocratique du Congo entre 1994 et 2003 », (Consultée le 15 mars 2008), <http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_et_violations_graves_des_droits_de_l'homme_en_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo_entre_1994_et_2003#cite_note-15> * 56 FIDH, op. citatum, < "> http://www.fidh.org/IMG/pdf/dossier-presse-rdc.pdf> * 57 Wikipédia, l'Encyclopédie libre, « Massacres et violations graves des droits de l'homme en République démocratique du Congo entre 1994 et 2003 », (Consultée le 15 mars 2008), <http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_et_violations_graves_des_droits_de_l'homme_en_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo_entre_1994_et_2003#cite_note-15> * 58 Amnesty International, « République Démocratique du Congo. Violences sexuelles : un urgent besoin de réponses adéquates », 26 octobre 2004, p. 16 * 59 Amnesty International, op. cit., p. 16. * 60 NAHOUM-GRAPPE, Véronique, « La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995» in revue CLIO, Guerres civiles, 5/1997, <http://clio.revues.org/document416.html> * 61 Réseau des Femmes pour un Développement Associatif, Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, International Alert, Le corps des femmes comme champ de bataille durant la guerre en République Démocratique du Congo. Violences sexuelles contre les femmes et les filles au Sud-Kivu (1996-2003), 2004, p. 35, http://www.grandslacs.net/doc/4051.pdf * 62 Cikuru, Marie Noël, Les violences sexuelles dans les provinces de l'est de la RDC, Bukavu, 28 août, (consulté le 3 avril 2008), < http://www.ucdp-info.com/sex_viol.ppt> * 63 Réseau des Femmes pour un Développement Associatif, Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, International Alert, op. citatum, p. 35, < http://www.grandslacs.net/doc/4051.pdf> * 64 Human Rights Watch, « En quête de justice : Poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo», Rapport, mars 2005, (Consulté le 17 décembre 2007), <http://hrw.org/french/reports/2005/drc0305/4.htm#_ftn3> * 65 Réseau des Femmes pour un Développement Associatif, Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, International Alert, op. cit. , p. 35, < http://www.grandslacs.net/doc/4051.pdf> |
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