b- Interférence de la vie terrestre avec
l'au-delà
En plus de la croyance en l'immortalité de l'âme,
les indigènes croient en la continuité du monde des vivants avec
le monde des morts.
D'après la croyance traditionnelle, les ancêtres
"...continuent à vivre dans un autre monde, à se manifester,
revêtu de puissance, à leurs descendants, et à influencer
leur existence par leur action 53."
Vivre dans le même village et être enterré
dans le même tombeau est la devise chez les indigènes. La famille
n'est pas autorisée à pleurer quand il y a un mort, «
sinon, les esprits mécontents ne tarderaient pas à venir
s'emparer de celui qui manifeste son chagrin hors de propos. Seules les vielles
femmes peuvent manifester de façon bruyante, successivement leur douleur
de voir disparaître un être aimé et leur joie de le savoir
désormais au nombre des ancêtres. » 54 Après
avoir formé un groupe solide dans la vie terrestre, les indigènes
croient que tous ceux qui sont morts reconstituent le même groupe dans
l'au-delà. Dans cette optique, la mort n'est qu'un
52 « Mpanandro » ou astrologues.
53 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est,
p.52
passage « d'une vie à une autre ». Les
indigènes se « livrent à des danses 55 quand il
y a un mort dans la famille, car le défunt en arrivant dans
l'au-delà va se « souvenir des vivants et intervenir en leur
faveur » 56
Maintenant, nous allons voir en quoi est ce que le mariage par
rapt peut engendrer un déséquilibre cosmologique.
2- Les causes du déséquilibre
La mémoire ou l'âme d'une personne est plus
respectée par les indigènes lorsque l'individu est mort. Le mot
« razana » qualifie à la fois le corps et l'âme du
défunt ou d'un ensemble de défunts.
Le rôle social du « razana » est de veiller
sur les vivants et d'intervenir en leur faveur pour tout projet qu'ils
entreprennent . Chaque famille a son « razana », et l'ensemble des
familles dans un village en a un en commun. Ces razana, de part leurs vocations
, sont en colère si les vivants les oublient dans les
événements importants touchant leurs descendants tel que la
célébration du mariage.
DESCHAMPS disait: "censés être à la
fois bienveillants et irascibles, tutélaires et redoutables, les
ancêtres ont besoin d'égards, d'honneurs et de respect. Ce sont
eux qui président à la destinée des vivants, eux dont il
faut satisfaire les exigences, pour qu'en retour juste ils facilitent
l'existence, donnent de bonnes récoltes et de nombreux enfants,
richesses et santé, sinon ils pourraient envoyer maladies et
calamités."57
Oublier les razana avant de faire un projet aussi grand que le
mariage peut créer des empêchements à sa
réalisation, telles que la mort prématurée ou la non
procréation dans le nouveau foyer. Les autochtones, rappelons-le,
54 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est,
p.64.
55 DESCHAMPS, op., cit.
56 DESCHAMPS, op., cit.
57 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est,
p.52.
se marient surtout pour mettre au monde des enfants. La
colère du razana oublié risque d'empêcher les nouveaux
époux a procréer.
Les grandes personnes, avant de mourir, donnent des
recommandations à leur famille. Ces recommandations doivent être
respectées non seulement par les survivants mais encore par les
générations qui les succèdent. Il y a aussi des
recommandations de l'ancêtre unique du village que même les
nouveaux venus doivent respecter s'ils habitent le village. Le non-respect de
ces recommandations, est sanctionné par les autres membres du groupe
sous peine d'engendrer des malheurs pour le reste du groupe, telles que
l'épidémie ou la guerre par exemple. Et pour revenir à
l'institution du mariage, la pratique du mariage par enlèvement qui
n'est pas recommandée par les ancêtres expose son auteur à
un danger de mort, il risque de se faire tuer par celui qui le traque.
Bref, les développements antérieurs nous ont
permis de comprendre la rupture de l'équilibre cosmologique. Qu'en
est-il de la célébration du mariage ?
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