B- La célébration du mariage comme facteur
d'équilibre cosmologique
La célébration du mariage a pour fin de
rétablir l'équilibre cosmologique. C'est pourquoi, elle est faite
sur un « tany masina »58, une clairière ou une
vallée pour faire participer l' esprit des défunts aux
réjouissances des vivants. D'habitude, chaque famille a un « tany
masina » ou « tany fady », lieu « choisi par un
ancêtre qui révèle sa volonté au cours d'un
songe » 59s'il ne l' a pas fait de son vivant.
58 « Tany masina » ou lieu sacré
59 DESCHAMPS, op., cit., p.66.
Sur ce lieu, la bénédiction des deux
époux est donnée en présence de leurs familles respectives
d'un côté, du « mpanandro » et du chef de la tribu de
l'autre côté.
La présence de toutes ces catégories de
personnes est significative dans la mesure où ils vont faire appel
à tous leurs ancêtres respectifs pour témoigner aux razana
de leur bonheur consécutif à l'événement « qui
se déroule sur la terre », et par conséquent de leur bonne
entente mutuelle. Ce sont les chefs de famille qui officient les cultes des
ancêtres.
Devant la délicatesse de la cérémonie ,
si ces catégories de personnes citées plus haut ne sont pas
consentantes à l'union, ils préfèrent s'absenter. Leur
présence n'est pas seulement symbolique mais encore elle doit être
sincère. Toutes les rancoeurs contre les nouveaux mariés doivent
être oubliées avant la cérémonie. Personne n'aura le
droit à l'avenir d'évoquer à nouveau la séquence du
rapt pour justifier une mauvaise action.
Les parents du garçon apportent les compensations
promises lors du pourparler. Le futur dépose les présents sur des
nattes neuves. Des zébus émanant des deux familles selon leur
accord sont immobilisés à l'aide de cordes pour être
immolés.
Tout le monde qui assiste à la cérémonie
prend place autour du « vato masina »60
déposé par l'ancêtre de la famille de la fille, si les deux
familles sont d'accord pour que la cérémonie ait lieu chez elle.
Après s'être assuré que personne n'occupe le
côté est de l'implantation du « vato masina », le plus
âgé des officiants du culte familial des ancêtres, que sont
les chefs de famille, commence la prière 61 en invoquant la
lignée complète des ancêtres des futurs mariés. Il
commence par citer les grands aïeuls (Iababe et Endribe) des deux
lignées en passant par les ascendants les plus récemment
déposés dans les tombeaux respectifs et dont le premier sommeil
est à peine commencé et terminera par « l'anga-be » qui
à lui seul, représente
60 Vato masina ou pierre sacrée.
61 JULIEN, Histoire de Tatsimo, « le
mariage »
l'association de tous les esprits malins. « Ces
forces maléfiques sont tenues pour masina ou sacrées, donc
redoutables et ne saurait les indisposer sans en souffrir» 62.
L'évocation de la liste des ancêtres étant
terminée, les époux leur adressent une prière en
précisant la raison de la cérémonie, qui est ici leur
union. Ils les implorent d'accepter l'animal dont le sang est répandu en
leur honneur.
Voilà comment le peuple autochtone remet le
bouleversement cosmologique en ordre après le rapt. Jusqu'à ce
moment, la cérémonie du mariage qui est loin d'être
terminée provoque auprès de l'assistance un sentiment
d'apaisement. Plus personne ne va redouter la colère des ancêtres
a cause de l'union.
Et la prière continue. Les époux implorent les
ancêtres de faire en sorte que le mariage soit heureux
c'est-à-dire que le couple engendrera beaucoup d'enfants.
Remarquons qu'à l'époque archaïque, le
peuple autochtone avait autant besoin d'enfant fille que garçon. Il n'y
avait pas de penchant pour l'un ou l'autre sexe.
La fécondité des vaches et la
productivité des plantations ne sont pas oubliés dans la
prière.63
Entre-temps, le zébu est immolé. Le sang est
répandu en l'honneur des ancêtres et l'animal est
dépecé. Chacun des assistants à la cérémonie
du mariage, « suivant le rang de préséance qui lui est
accordé par la coutume, a droit a un morceau
déterminé».64
62 JULIEN, Histoire de Tatsimo, « le
mariage »
63 JULIEN, Histoire de Tatsimo, « le
mariage »
64 MESSELIERE, Du mariage en droit malgache,
p.1 80.
Nous avons vu jusque là comment se formait le mariage
par rapt. Dans les lignes qui vont suivre, nous allons nous intéresser
aux effets du mariage autochtone et à la rupture du lien matrimonial.
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