B- Les modalités du rapt
La société, à cette époque
archaïque était troublée par des guerres
incessantes.25 Dans ce contexte, le moindre geste antisocial peut
exposer son auteur à un danger de mort. Il risque de recevoir un coup de
sagaie. Ce qui fait qu'avant d'enlever une femme, l'homme doit longuement
réfléchir sur les moyens nécessaires pour la
réussite de leur fuite car au bout de quelques temps, ils doivent
réapparaître.
1- La fuite
La femme étant prête à partir, le
ravisseur s'occupe de l'endroit où ils pourront se cacher. Seuls
quelques proches parents du ravisseur sont au courant de l'affaire. Ils
serviront d'intermédiaires lors du pourparler.
Le passage suivant, relevé dans le manuscrit traduit
par JULIEN26, nous donne une idée claire au sujet de la
fuite, où est dit : « Le prince Ali [...] se hâte
d'approcher la princesse et la séduit et l'entraîne loin de l'A nd
ri ambuadzi ri be 27. Rentré [...] auprès de
son père 28, celui ci profère contre le
séducteur l'anathème du rejet... » 29
De cet extrait, nous pouvons comprendre la réaction de
la famille musulmane face à l'enlèvement. Pas question
d'héberger un délinquant chez elle, même si celui- ci est
son propre enfant. La complicité de la famille
24 MESSELIERE, Du mariage en droit malgache,
p.149.
25 MUNTHE, dans le livre intitulé « La
tradition arabico-malgache, d'après les manuscrit A-8 d'Oslo
», a traduit plusieurs manuscrits relatant les scènes de
guerres dans la vallée de Matitanana.
26 JULIEN, Tradition Arabico - malgache,
Paris, 1929, p.29.
27 Andriambuadziribe est le roi dans une des
régions de la vallée.
28 Le père d'Ali est aussi roi dans une autre
région.
29 JULIEN, Tradition Arabico-malgache, Paris,
1929, p.29.
risque de mettre en danger tout le clan. La première
décision qu'elle prend est donc de rejeter le coupable.
C'est pourquoi, le ravisseur doit d'abord trouver un endroit
secret que seuls ses complices connaissent avant qu'ils ne s'y rendent. Les
complices pourront les ravitailler en nourriture pendant que les parents de la
fille ou de la femme, si elle est mariée, se livrent aux plus actives
recherches.
Les autochtones sont batailleurs à l'extrême et
jouent très facilement de la sagaie. La découverte de la cachette
serait fatale pour les fugitifs. Un autre tribu peut servir de cachette.
N'oublions pas qu'on est entre le XIIIe et le
XIVe siècle, le Royaume Antemoro n'est pas encore
unifié. Des petits sultanats sont en train de se constituer. Pour
revenir au cas du prince Ali, il a fini par devenir le roi des tribus où
il a trouvé refuge.
L'union des fugitifs n'est pas légitime aux yeux des
parents musulmans. Le rejet implique la non admission au tombeau familial du
rejeté et de sa progéniture. Il n'y a rien qui puisse produire
plus de malheur au peuple autochtone. C'est pourquoi : « après
quelques jours, pendant lesquels les parents feignent de se livrer aux plus
actives recherches, les fugitifs réapparaissent [...J. » 30
|