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La mutation du droit du mariage dans la vallée du fleuve Matitanana: du droit coutumier au droit d'inspiration musulmane

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par Francis Zafindrandremitambahoaka MARSON
Université de Perpignan - Diplome d'étude approfondie 2003
  

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CHAPITRE II : LES EFFETS DU MARIAGE ET LA RUPTURE DU

LIEN MATRIMONIAL

SECTION I : LES EFFETS DU LIEN MATRIMONIAL SUR LES EPOUX

Le mariage arrangé, s'il est consommé, produit des effets juridiques entre les deux époux.

Les conséquences diffèrent selon que l'époux considéré soit le mari, soit la femme . Nous allons voir que le droit « antemono » donne plus d'avantage à l'homme, ce qui est tout à fait compréhensible si l'on tient compte de l'avis de certains auteurs.

MESSELIERE145 disait : « l'égalité existant entre les hommes et les femmes entraîne certaines conséquences : c'est ainsi que la fille hérite au même titre et en même proportions de ses parents que le fils, et qu'avant son mariage, elle est presque partout maîtresse de son corps ; elle en a , comme l'a dit BERTHIER, en terme spirituels, le jus utendi et abutendi ».146 Ce qui ne cadre pas du tout à l'idéologie du Coran, donc aux moeurs Antemoro.

§1- LES EFFETS DU MARIAGE SUR LE MARI

D'après le témoignage de FLACOURT XVIIè siècle, « Les grands ont une pluralité de femmes et jusqu'à 20 à 25, enfermées à part dans un enclos de grands pieux, comme un village fort (...) »147. Autrement dit, les Antemoro étaient polygames. D'autres auteurs plus tard affirment que « les Antaimorona (..) sont le plus souvent monogames148, mais ont des chefs

145 MESSELIERE, Du mariage en droit malgache, p.240

146 BERTHIER, « La femme à Madagascar », (conférence faite à l'Ecole coloniale le 16 février 1911), cité par MESSELIERE.

147 FLACOURT, Histoire de la grande île de Madagascar, 1661, p. 18

148 R.P. de la VAISSIERE, Vingt ans à Madagascar, (d'après les notes du Père ABINAL), 1885, p.50

notoirement polygames149. Cependant , le droit à avoir plusieurs femmes n'exclut pas les hommes Antemoro à l'obligation de fidélité envers `leurs femmes' »

A) L'obligation de fidélité. et le devoir de cohabitation 1. L'obligation de fidélité

L'adultère commis par le mari n'est pas un principal motif de divorce. En effet, disait DAMA150 « le fait de prendre une seconde femme (vady-kely) n'est pas considéré comme adultère »

Par contre, MAYEURS affirme « qu'en pays d'Ancove, il suffirait d'être soupçonné de commerce illicite avec la femme d'un chef pour être sagayé »151

Nous remarquons par là que la sanction de l'adultère était plutôt d'ordre public chez l'homme. Elle entraîne la mort. Des sanctions plus légères étaient prévues. Martin rapporte que « le séducteur devait donner au mari le quart ou le tiers de ce que la femme avait coûté en dons et cadeaux à son mari, à moins qu'il ne préfère prendre un breuvage empoisonné » 152

Les sanctions pécuniaires pouvaient donc racheter l'adultère commis par l'homme.

A côté de ces deux sanctions pouvant entraîner la mort, une autre existe en matière de l'adultère, c'est le tsindrilafika. C'est pour une infraction à la loi matrimoniale antemoro qui consiste pour le mari à introduire chez lui une nouvelle épouse qui va utiliser la natte tissée des mains de sa première femme, même si cette dernière est répudiée ; MESSENIERE

149 JULIEN, Institutions politiques et sociales de Madagascar, 1908, p.46.

150 DAMA, Les coutumes juridiques Antemorona, Vohipeno 1961, p. 5

151 Note citée par MESSENIERE, Du mariage en droit malgache, p. 212

152 MARTIN François, « Mémoire sur l'établissement des colonies françaises aux Indes orientales, 1668 », manuscrit Archives Nationales, T. 1169 et copie Bibliothèque GRANDdidier, p.327 ;

raconte : « Trompée, la femme convoque les femmes du clan et les avertit que `sa natte' a été outragée par une rivale ayant de ses pieds, foulés sa natte sortie de ses mains ». C'est là une offense grave, rajoute l'auteur, dans un pays où pourtant le rôle social de la femme est des plus réduits .

Le père de la femme, ses frères, ses proches parents, s'en jugent le plus souvent gravement offensés, et c'est à main armée, que, souvent, ils viennent demander des comptes au coupable. Les femmes du clan se rendent avec l'épouse de l'offensée chez son mari, elle le menacent de détruire et piller la maison où a été commis le tsindrilafika s'il ne se rachète pas en payant une forte amende en argent ou en tête de bétail à sa femme ; Démolition de la maison et amende sont désignés par le même mot : « tsitonga ».

Le mari préfère généralement payer l'amende qui va en majeure partie à l'épouse, le reste étant réparti entre les femmes qui l'ont accompagnée.153

Voilà ce que l'on peut dire sur l'obligation de fidélité du mari.

A côté de cela, il y a le devoir de cohabitation

2. Devoir de cohabitation

Nous avons vu l'institution du « mialo » au cour de laquelle la femme est conduite chez son mari. Celui-ci est donc tenu d'habiter avec elle. Le mari doit effectuer autant de cérémonie de mariage qu'il a de femme. Et « les polygames sont souvent préférées aux célibataires, sans doute parce que plus aisés » 154 dirait SHAW.

DUBOIS signale le même usage dans le Sud Est, en 1674 (Voyages aux îles dauphines, p. 115) note de MESSELIERE, Du mariage en droit malgache, p.217

153 MES SELIERE disait que Thos Lord rapporte des faits analogues en 1892 dans ses `Jotting of a journey to the south east of Madagascar (in Antananarivo annual, n° XVI, p. 473) à propos des Zafizoro.

154 R.P. SHAW, in Antananarivo annal, 1894, p.207

Nous avons aussi vu le témoignage rapporté par FLACOURT selon lequel les femmes sont « enfermées à part dans un enclos de grand pieux, comme un village fort (...) »155

Nous pouvons en déduire que le mari apportait les mêmes attentions vis à vis de ses femmes. Il doit habiter avec elles.

Par ailleurs, TATAHAFA nous précise qu' « en coutume antemorona, il y a vadi-kely quand un homme a deux ou trois femmes, vivant ensemble sous le même toit conjugal ou dans des cases différentes, et que la polygamie a été contractée suivant les coutumes » 156.

Il peut donc y avoir une pluralité de domicile où vivent séparément les femmes, du polygame, mais celui-ci doit s'occuper d'elles, et habiter avec chacune d'elles. Il prend soin d'elles.

B) L'entretien de la femme, les sévices et les mauvais traitements 1. L'entretient de la femme.

« Ils ont pluralité de femmes, suivant les moyens qu'ils ont de les nourrir » disait FLACOURT157

On peut supposer par conséquent que l'homme antemoro ne prend pas d'épouses tant qu'il n'est pas à même de les entretenir. Le droit du mariage dans le royaume est ainsi réglementé. Bien que FLACOURT nous a témoigné que les Antemoro pouvaient avoir entre 20 et 25 femmes, cela n'empêche pas de les interdire à n'en avoir qu'une si l'on estime qu'il aurait des difficultés d'ordre économique.

155 FLACOURT, op. cit., p.18

156 TATAHAFA, Les coutumes juridiques Antemorona.

157 FLACOURT, op. cit.

Cependant, l'obligation d'entretien de la femme est limitée aux nourritures et au logement. Ce sont les femmes elles-mêmes qui s'équipent des accessoires qu'elles vont utiliser dans le foyer. Nous nous rappelons du trousseau que chaque fiancée doit préparer avant qu'elle n'intègre le domicile conjugal. En plus, il est fady (ou interdit) à l'homme de fournir à ses femmes des vêtements, sous peine de provoquer le mauvais-oeil de leur belle- mère et belles-soeurs qui ont autorité sur les femmes dans le ménage comme l'a signalé ROMBAKA158.

2. Sévices et mauvais traitements

La coutume qui date de l'époque autochtone persiste dans le royaume qui admet la présomption d'irresponsabilité du mari. A la suite du décès de la femme, la société antemoro suppose que son mari a « agi imprudemment sans doute, en commettant un `acte déterminant', mais par le fait même , on

l'excuse », disait MESSELIERE159.

Le mari a donc un droit, de correction sur chacune de ses femmes. Après tout, l'autorité sur elles lui a été transmise à partir du moment où leurs parents respectifs ont accepté de lui « donner leur fille ».

Voilà en gros ce que l'on peut dire sur les effets du mariage vis à vis du mari. Qu'en est-il du côté de la femme ?

158 ROMBAKA, Fombandrazana Antemoro

159 MESSELIERE, Du mariage en droit malgache, p. 65

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