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La mutation du droit du mariage dans la vallée du fleuve Matitanana: du droit coutumier au droit d'inspiration musulmane

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par Francis Zafindrandremitambahoaka MARSON
Université de Perpignan - Diplome d'étude approfondie 2003
  

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PARTIE I :
L'EPOQUE ARCHAIQUE (XIVe-XVe Siècle)
LA DESCRIPTION DE LA COUTUME AUTOCHTONE:
LE MARIAGE PAR RAPT

INTRODUCTION

Chaque groupe d'immigrés vivant dans la vallée du fleuve Matitanana a sa propre culture matrimoniale. Toutes les tribus sont maîtresses à titre égal de la région. Aucune autorité ne maintient l'ordre. « La vie dans un tel pays où les gens sont batailleurs à l'extrême et jouent facilement de la sagaie, est sans charme.» 12 racontait un Katibo, rédacteur de Sorabe. Tel est le contexte social dans lequel vivaient les autochtones. Comme chaque tribu a son propre représentant, nous pouvons schématiser comme suit son organisation politique et sociale. A la base, se trouve la famille. Et l'ensemble des familles sont regroupées dans un clan. La tribu rassemble les clans.

Sur le plan religieux , les premiers habitants de l'île étaient animistes. Ils croyaient en l'immortalité de l'âme et vénéraient les sépultures. Les ancêtres sont pour eux présents dans leur vie et surveillent la vie des vivants. Le non respect des recommandations des ancêtres peut réveiller leur colère et attirer le mal sur le groupe tout entier, comme la famine et les épidémies.

L'ordre social est de ce fait commandé par la crainte des ancêtres, à l'intérieur du clan et par la capacité d'autodéfense face aux ennemis extérieurs.

En ce qui concerne le système social de l'époque, MUNTE13 nous éclaire en remarquant la « considération élevée des femmes » pendant une « période matriarcale antérieure dans un passé obscur ».

Nous pouvons retenir dès lors la pratique du système matri-linéaire où la femme occupe une place de choix dans la société autochtone qui n'est pas

12 JULIEN, Pages Arabico-Madecasse, Paris, 1929, p.90. Nous reproduisons ici la traduction d'un passage Sorabe.

13 MUNTHE Ludvig, La tradition Arabico-Malgache à travers le manuscrit A-6 d'Oslo, p.255.

moins exogame. En effet, « la mère de Ramarohala (Prince Musulman) ancêtres des Anteoni14 était Onjatsy (un clan autochtone). » 15

Cette exogamie encourage les hommes à chercher des partenaires en dehors de leur clan. Ce dernier peut parfois être réticent à donner leurs femmes. D'où vient l'idée du mariage par enlèvement concerté.

« Il y a dans certaines tribus des survivances du temps où le mariage se faisait par capture, par enlèvement. Chez les Antemoro, par exemple, il y avait récemment encore la possibilité de rapt avec le consentement de la jeune fille », disait MESSELIERE16. Un autre auteur qui le précédait rapporte que « si la femme du peuple était désiré par le chef Taimoro, il procédait par enlèvement, il y a peu de temps encore... »17

Il est clair, à partir de ces constats, que les chefs faisaient le rapt pour avoir la femme. Mais il n'y a pas que ceux-ci. JULIEN affirme : « quand deux jeunes gens désirée sont d'accord pour s'épouser, le futur époux simule un rapt et disparaît avec celle dont il n'est que complice [...]. » 18

Nous constatons que tout le monde , les sujets comme les chefs, faisaient le rapt pour se marier.

Le droit musulman ne reconnaît pas cette institution. Et les propos reportés par ces auteurs démontrent la perpétuation de cette pratique chez le peuple Antemoro. Comme le rapt n'est pas l'héritage de l'islam, nous pouvons déduire qu'il est la coutume matrimoniale des ancêtres depuis la période précédent l'arrivée des premiers musulmans, donc avant le XIIIe siècle.

14 Anteoni : clan Antemoro que nous allons étudier dans la deuxième partie de notre exposé.

15 DESCHAMPS, Les malgaches du Sud-Est, 1959, p.45.

16 MESSELIERE, Du mariage en Droit Malgache, p.151.

17 JULIEN, Institutions politique et sociale de Madagascar, propos cité par MES SELIERE, p.151.

18 JULIEN, Institutions politique et sociale de Madagascar, 1908, Les Taimoro, (Messelière p. 129)

Telle est notre hypothèse. Elle est renforcée par les propos de BERTHIER qui dit que « bien avant l'occupation française, les Merina avaient conquis [...] la plupart des peuples de l'Ile. Très habilement, ils avaient respectés et maintenus les usages et les institutions des tribus soumises à leur hégémonie [...] ». L'auteur rajoute que « plus tard, les Merina ont étendu leurs coutumes, à l'exception de celles touchant au statut du personnel»19.

De plus, dans l'exposé des motifs de la loi du 6 août 1896 qui a annexé Madagascar à la France, le gouvernement français a déclaré « qu'il n'entendait nullement porter atteinte au statut personnel des habitants de l'île , aux lois et usages, aux institutions locales ».

Par conséquent les coutumes observées même au courant du XIXe siècle ont conservé leur « pureté originelle ».

Telles sont les bases sur lesquelles s'appuient notre hypothèse qui consiste à dire que les peuples autochtones avaient comme coutume matrimoniale l'enlèvement concerté.

Dans cette première partie, nous allons nous intéresser tout d'abord à la formation du mariage par rapt. Un essai de compréhension de ce « droit coutumier » sera fait avant la description de la scène de l'enlèvement . Le pourparler qui est un prélude au redressement de l'équilibre social et cosmologique clôturera le chapitre sur la formation du mariage.

Viendront ensuite l'étude des effets du mariage, tant entre les familles qu'entre les époux. Cette analyse va nous permettre de nous rendre compte de la réelle égalité entre les deux sexes à l'époque archaïque.

La rupture du lien matrimonial qui est dû tantôt au décès de l'un des époux, tantôt à leur séparation volontaire terminera cette première partie de l'exposé.

19 BERTHIER Hugues, Droit civil Malgache, Tananarive, 1930, p.1 5.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault